Projet de loi de finances pour 2019 — Texte n° 1255

Amendement N° 2461C (Rejeté)

Publié le 14 novembre 2018 par : M. Colombani, M. Acquaviva, M. Castellani, M. Brial, Mme Dubié, M. El Guerrab, M. Molac.

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I. – L'article 244quater E du code général des impôts est ainsi modifié :

A. – Le I est complété par un 5° ainsi rédigé :

« 5° Les investissements réalisés jusqu'au 31 décembre 2020 par des entreprises ou des collectivités territoriales dans des installations de production d'hydroélectricité d'une puissance inférieure ou égale à 500 kW et exploitées en Corse peuvent ouvrir droit au crédit d'impôt prévu au 1°, même lorsque ces installations sont exploitées en régie, dès lors qu'elles relèvent d'un régime réel d'imposition. »

B. – Le V est ainsi rédigé :

« V. – Le bénéfice du crédit d'impôt mentionné au I est subordonné, pour le 1°, le 3° et le 4°, au respect de l'article 14 du règlement (UE) n° 651/2014 de la Commission du 17 juin 2014, et pour le 5°, au respect des lignes directrices concernant les aides d'État à la protection de l'environnement et à l'énergie pour la période 2014‑2020 déclarant certaines catégories d'aides compatibles avec le marché intérieur en application des articles 107 et 108 du traité. »

II. – Le présent article entre en vigueur pour les exercices ouverts à compter du 1er janvier 2019.

III. – Le I n'est applicable qu'aux sommes venant en déduction de l'impôt dû.

IV. – La perte de recettes pour l'État est compensée à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux droits mentionnés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

Exposé sommaire :

L'objet de cet amendement est de renforcer les incitations à investir dans la petite hydraulique en Corse, avec l'objectif suivant : limiter plus efficacement et plus rapidement les surcoûts de production dans cette zone non interconnectée (ZNI) et réaliser des économies de CSPE dans le cadre de la compensation territoriale opérée par la Commission de régulation de l'énergie (CRE).

Car la petite hydraulique représente le mode de production le plus efficace pour réaliser des économies de CSPE, notamment dans les régions où l'hydraulicité est forte, ce qui est par exemple le cas de la Corse. A titre de démonstration, il ressort de la Programmation pluriannuelle de l'énergie pour la Corse 2016‑2018 / 2019‑2023, signée entre l'État et la Collectivité de Corse, que « la petite hydraulique fournit de l'électricité au coût le plus avantageux, suivi des interconnexions, du biogaz et de l'éolien » (Hyperlink : https ://www.ecologique-solidaire.gouv.fr/sites/default/files/PPE %20Corse %20- %20Rapport.pdf. p. 16)

I. SUR LES CONTRAINTES INHERENTES AUX SURCOUTS DE PRODUCTION ELECTRIQUE DANS LES SYSTEMES INSULAIRES

Les ZNI possèdent des handicaps physiques (taille, démographie, insularité) qui rendent la production d'électricité beaucoup plus onéreuse que sur le continent européen, notamment parce que la petite taille des systèmes électriques des ZNI ne permettent pas d'opérer des économies d'échelle qui rendraient le marché local rentable (populations faibles, difficultés physiques d'exportation).

Ainsi dans les ZNI le coût moyen de production de l'électricité est de 290 € par MWh : il atteint 200 € par MWh en Corse en 2017.

En Corse par exemple, ces surcoûts ont atteint 250 M € en 2013, dont 200 M € imputables au parc historique, aussi thermique qu'hydraulique, d'EDF SEI, filiale qui gère le service public de l'électricité en Corse et dans les outre-mer.

Afin d'équilibrer ces surcoûts, un cadre territorial de compensation a été établi afin de répartir de façon plus équitable sur l'ensemble du territoire national les charges financières liées à la Contribution au service public de l'électricité pesant sur le consommateur final. Ce cadre territorial de compensation permet d'investir dans des projets limitant les surcoûts de production (notamment la petite hydraulique par exemple) les sommes qui auraient dû être attribuées par la Commission de régulation de l'énergie au titre de la compensation du surcoût dans les ZNI : plus un projet limite les surcoûts, moins la CRE devra les compenser, de tels projets sont donc indirectement subventionnés car ils permettent d'opérer un amortissement durant leur période d'exploitation.

Le prélèvement d'impôts tels que l'impôt sur les sociétés (IS) vient toutefois obérer l'efficacité de cette stratégie d'incitation à réduire les surcoûts de production. En effet, même lorsque ces micro-centrales sont exploitée en régie, elles sont considérées par la direction régionale des finances publiques comme relevant d'un activité concurrentielle n'ouvrant pas droit à exonération.

Le cadre fiscal de la production hydroélectrique en Corse semble donc modérément avantageux pour de tels équipements, malgré les efforts de réinvestissements de la CRE. Cela n'incite pas suffisamment les projets visant à limiter les surcoûts, où les projets d'initiative privée sont moins rentables et où les surcoûts sont de toute façon couverts par la CRE, ce qui risque d'entraîner une forme de prime au cancre.

II. SUR LA CONFORMITE A LA CONSTITUTION

Le dispositif proposé, qui s'insère dans le cadre du crédit d'impôt pour les investissements réalisés en Corse (CIIC) ne contrevient pas au principe d'égalité devant l'impôt car la jurisprudence constante du Conseil constitutionnel a toujours affirmé que la Constitution n'interdit pas de traiter de façon différente des situations différentes. Or la Corse est une région métropolitaine qui, à la différence du reste de la métropole, est dotée d'une PPE spécifique car elle n'est pas interconnectée au continent métropolitain. Elle est donc dans une situation différente en matière de promotion de la transition énergétique et lui offrir un cadre fiscal plus incitatif est donc complètement justifié.

III. SUR LA COMPATIBILITE AU DROIT DE L'UNION EUROPEENNE

Le dispositif n'est pas non plus incompatible avec le droit de l'Union européenne puisque l'article 174 TFUE dispose que : « Afin de promouvoir un développement harmonieux de l'ensemble de l'Union, celle-ci développe et poursuit son action tendant au renforcement de sa cohésion économique, sociale et territoriale. / En particulier, l'Union vise à réduire l'écart entre les niveaux de développement des diverses régions et le retard des régions les moins favorisées. / Parmi les régions concernées, une attention particulière est accordée aux zones rurales, aux zones où s'opère une transition industrielle et aux régions qui souffrent de handicaps naturels ou démographiques graves et permanents telles que les régions les plus septentrionales à très faible densité de population et les régions insulaires, transfrontalières et de montagne. »

D'ailleurs le mécanisme du crédit d'impôt en Corse (CIIC) dans lequel s'insère le dispositif proposé, est lui même compatible avec le droit de l'Union et est même dispensé de notification à la Commission conformément à l'article 14 du règlement (UE) n° 651/2014 de la Commission du 17 juin 2014 déclarant certaines catégories d'aides compatibles avec le marché intérieur en application des articles 107 et 108 du traité.

Il convient cependant de noter que ce règlement exclut de son application « la production et de la distribution d'énergie, et (l)es infrastructures énergétiques ».

En effet le règlement précité précise que : « La production et la distribution d'énergie, de même que les infrastructures énergétiques, sont soumises à des règles sectorielles définies dans la législation relative au marché intérieur (...) Les aides à finalité régionale octroyées au titre de la section 1 du présent règlement poursuivent des objectifs de développement économique et de cohésion et sont, dès lors, soumises à des conditions de compatibilité très différentes. Par conséquent, il convient que les dispositions du présent règlement relatives aux aides à finalité régionale ne s'appliquent pas aux mesures concernant la production d'énergie, la distribution d'énergie ou les infrastructures énergétiques. »

Il convient donc de se rapporter à la manière spécifique dont la Commission traite des aides d'État en matière énergétique, laquelle est précisée dans les Lignes directrices concernant les aides d'État à la protection de l'environnement et à l'énergie pour la période 2014‑2020 : c'est la raison pour laquelle le dispositif proposé ne s'étend pas au-delà de 2020, afin d'attendre la prochaine communication de la Commission sur ce sujet et ainsi voir dans quelle mesure il serait reconductible.

Ces Lignes directrices énoncent : « les conditions auxquelles les aides à l'énergie et à l'environnement peuvent être considérées comme compatibles avec le marché intérieur sur le fondement de l'article 107, paragraphe 3, point c), du traité. »

Elles précisent, au point 3.3. « Aides en faveur de l'énergie produite à partir de sources renouvelables » que : « (124) Afin d'encourager l'intégration dans le marché de l'électricité produite à partir de sources renouvelables, il importe que les bénéficiaires vendent leur électricité directement sur le marché et qu'ils soient soumis aux obligations du marché. »

Or une exemption est prévue pour les petites installations : « Les conditions établies au point (124) ne s'appliquent pas aux installations d'une capacité de production d'électricité installée inférieure à 500 kW ni aux projets de démonstration, excepté pour l'électricité produite à partir de l'énergie éolienne lorsque la capacité d'électricité installée est de 3 MW ou de 3 unités de production. ». En effet ainsi que le précise le point (123) : « Les aides octroyées en faveur de l'électricité produite à partir de sources d'énergie renouvelables devraient, en principe, contribuer à l'intégration de l'électricité produite à partir d'énergie renouvelable dans le marché. Toutefois, pour certaines petites installations, cela peut se révéler impossible ou inapproprié. »

Ainsi, dès lors que le dispositif de crédit d'impôt proposé s'applique à des micro-centrales hydraulique d'une capacité n'excédant 500 kW, l'aide octroyée peut être considérée comme compatible avec le marché intérieur et n'a pas à être notifiée sous réserve de respecter les critères énoncés au point (20) des Lignes directrices.

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