Accords entre l'union européenne et le canada — Texte n° 2107

Amendement N° AE11 (Rejeté)

(4 amendements identiques : AE9 AE2 AE4 AE10 )

Publié le 9 juillet 2019 par : Mme Laurence Dumont, M. Hutin, M. Alain David, M. Jérôme Lambert.

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Supprimer cet article.

Exposé sommaire :

De par son caractère affirmé comme tel de premier « accord de nouvelle génération » de cette ampleur le CETA franchit un saut qualitatif par rapport à tous les autres accords commerciaux antérieurs. Ce n’est pas seulement un accord visant à démanteler les droits de douanes ou même les barrières non tarifaires mais un texte couvrant largement tous les secteurs de l’économie (investissement, services, marchés publics, environnement, santé etc…)

1.Concernant l’harmonisation des normes. Le CETA prévoit un certain nombre de dispositions mais ne lève pas toutes les ambiguïtés. S’il est acté que le bœuf aux hormones ne pourra être importé vers l’Union européenne, plusieurs points ne sont pas clarifiés. Par exemple, du saumon transgénique élevé au Canada pourrait, en l’état actuel du traité, être importé vers l’Union européenne.

Autre exemple : le CETA ne prévoit aucune obligation d’information du consommateur sur les modes de production. Du bœuf élevé avec des céréales OGM pourra être importé vers l’Union européenne sans que les éleveurs canadiens n’aient besoin de préciser aux Européens l’utilisation de céréales OGM pour l'alimentation animale.

Par ailleurs, le fait que le principe de précaution ne soit pas mentionné explicitement dans le CETA fait courir un risque non négligeable. Certes, « le fait que le CETA ne fasse pas expressément mention du principe de précaution ne signifie pas qu’il n’est pas pris en compte dans le traité [1]». Cependant, « on ne peut exclure que les imprécisions du CETA conduisent à l’arrivée sur le marché européen de produits autorisés en vertu d’une règlementation ne prenant pas en compte le principe de précaution.[2] »

Le traité pose le principe de rapprochement des normes européennes et canadiennes, visant à gommer les différences qui peuvent exister aujourd’hui et que certains considèrent comme une entrave au commerce. Si certaines de ces différences sont purement techniques, d’autres sont plus politiques et sensibles, car elles reflètent les choix de société que nous avons démocratiquement décidés.

Par exemple, il est possible que le Canada souhaite un jour introduire de nouveaux OGM sur le marché européen. Si cette demande est émise, le CETA prévoit que des négociations puissent être enclenchées : concrètement, des fonctionnaires canadiens et européens se réuniront au sein de comités afin de s’accorder sur le rapprochement de nos normes respectives. Le problème est que la façon dont fonctionneront ces instances reste encore très floue et soulève un certain nombre de questions, à ce jour sans réponse : Comment assurer que cette convergence des normes ne se fera pas au détriment de notre modèle agricole, social et environnemental ? Quelle sera l’influence des lobbys industriels sur ces instances de décision ? Dans quelle mesure ces instances limiteront-elles la capacité de décision des pouvoirs publics nationaux et européens démocratiquement élus ?

3. Concernant le risque de limitation du droit parlementaire. Le CETA contient un principe de « coopération règlementaire ». Concrètement, avant qu’une législation européenne soit examinée par le Parlement européen, il y a la possibilité que cette proposition de législation soit d’abord soumise aux comités réglementaires prévus par le traité. Comme le précise le rapport au Premier Ministre rédigé par la commission Schubert, « c’est probablement ce type d’activité qui est le plus préjudiciable à l’autonomie des parties contractantes dans l’élaboration de leur législation. [3]» La façon dont fonctionneront ces comités réglementaires reste encore très floue et soulève un certain nombre de questions, à ce jour sans réponse : quelle sera l’influence des lobbys industriels sur ces instances de décision ? Dans quelle mesure ces instances limiteront-elles la capacité de décision des pouvoirs publics nationaux et européens démocratiquement élus ?

4.Concernant notre conception des services publics. D’ordinaire, dans les accords commerciaux signés par l’Union européenne, la libéralisation des secteurs publics est régulée par le principe dit des « listes positives », c’est-à-dire que l’accord mentionne clairement les secteurs que l’Europe s’engage à libéraliser. Mais pour la première fois en Europe, le CETA introduit un système beaucoup plus incertain, dit des « listes négatives ». Concrètement, cela signifie que tous les services publics qui n’auront pas été explicitement exclus dans l’accord pourront être libéralisés à l’avenir. Cette décision représente donc une menace directe pour nos services publics, puisqu’elle permet de faire de la libéralisation des services publics la règle, et non l’exception comme c’était le cas jusqu’à présent.

5. Concernant les tribunaux d’arbitrage prévus par le traité. Avec le CETA, les entreprises étrangères auront la possibilité d’attaquer la France devant un tribunal d’arbitrage, sorte de système juridique parallèle aux juridictions nationales, dont la décision s’imposerait aux États. Cela pose évidemment de graves questions en termes de souveraineté nationale. Par ailleurs, cela pourrait aussi poser une question d’égalité, puisque les entreprises françaises n’auraient de leur côté pas la possibilité d’attaquer l’État français devant ce même tribunal.

Enfin, outre le caractère novateur du CETA en terme de périmètre concerné, il existe, même si ce dernier n'en est pas à l'origine, désormais un nouveau mode de ratification des Traités qui réduit le pouvoir des parlements nationaux. Ainsi, les droits des parlements nationaux de ratifier en bonne et due forme l’intégralité des accords commerciaux européens ont été récemment fortement limités. En effet, suite à l’avis de la CJUE du 16 mai 2017 sur l’accord de libre-échange (ALE) avec Singapour, la commission européenne a décidé d’adopter une nouvelle doctrine de politique commerciale. Elle a ainsi décidé, pour les futurs ALE à négocier, de scinder en deux accords les dispositions relevant de la compétence exclusive de l’UE d’une part et celles relevant de la compétence partagée de l’UE et des Etats membres d’autre part. Ces dernières requièrent, pour cette raison, une ratification nationale. Suivant cette doctrine, il est ainsi probable que la plus grande partie des prochains ALE de nouvelle génération, dont les compétences exclusives attribuées à l’UE ont été définies de manière très large par la CJUE dans son avis 2/15, pourront ainsi être soustraits à la ratification des parlements nationaux. En pratique, cela aboutira à conclure concomitamment deux séries d’accords : des accords de libre-échange très complets de la compétence exclusive de l’Union européenne qui n’auront besoin que de la ratification du Parlement européen ; et des accords d’investissement où pourront être également contenus les dispositions relatives au règlement des différends qui resteront de la compétence partagée entre l’Union européenne et les Etats membres et soumis à ce titre à ratification par les parlements nationaux. Le CETA est ainsi un des derniers accords de libre-échange européen à passer dans le format actuel par l’étape de la ratification par les parlements nationaux.

C’est pour l’ensemble de ces raisons que cet amendement propose la suppression de l’article unique portant ratification du Traité CETA.

[1] Rapport au Premier ministre, Commission Schubert, 7 septembre 2017, p 21. [2] Idem, p 22. [3] Idem, p 37.

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