Violences au sein des couples et incidences sur les enfants — Texte n° 2200

Amendement N° CL28 (Adopté)

Publié le 1er octobre 2019 par : Mme Valérie Boyer.

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia 

Compléter cet article par les trois alinéas suivants :

« II. – Le même article est complété par deux alinéas ainsi rédigés :
« « La violence économique mentionnée au premier alinéa est constituée lorsqu’elle est commise par le conjoint, le concubin ou le partenaire lié à la victime par un pacte civil de solidarité, y compris lorsqu’ils ne cohabitent pas. Elle est également constituée lorsque les faits sont commis par l’ancien conjoint, l’ancien concubin ou l’ancien partenaire lié à la victime par un pacte civil de solidarité.
« « La spoliation, le contrôle des biens essentiels ou l’interdiction de travailler constituent des violences au sens du deuxième alinéa. » »

Exposé sommaire :

La violence économique, pourtant bien réelle et brutale pour les personnes qui en sont victimes, n’est pas définie par le code pénal.

Le présent amendement a pour but de consolider juridiquement cette notion.

Pour cela, il restreint tout d’abord le champ des violences économiques aux seules violences commises au sein du couple afin que cette qualification ne soit pas détournée de son objet initial. Il précise également les faits constitutifs de cette violence en reprenant une définition proposée par le ministère de la Justice (http://www.justice.gouv.fr/publication/guide_violences_conjugales.pdf).

Le présent amendement permet donc de recentrer et de mieux qualifier la notion de violence économique afin de lui donner une véritable portée juridique.

1 commentaire :

Le 01/12/2019 à 22:36, Amélie a dit :

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Sujet : VIOLENCES ECONOMIQUES DANS LE COUPLE

Je remercie tous les contributeurs à cette proposition de loi sur les violences économiques.

Je m’interroge cependant sur l’effet réel de cet ajout à la loi… D'où le commentaire qui suit, et qui est un peu long.

Je veux souligner la difficulté particulière que rencontrent les conjoints confrontés à des violences économiques. Ce sujet, partie intégrante du programme du Grenelle sur les violences faites aux femmes, a été à peine ouvert. Il n’a pas été traité à la mesure réelle de ses impacts. Les dispositions du Grenelle n’ont abouti (à ma connaissance) qu’à des mesures très limitées, focalisées sur les violences physiques subies par un conjoint en risque extrême de féminicide. Que dire par exemple de la portée effective d’une levée du secret médical limitée « aux situations d’urgence absolue », en contradiction avec toute possibilité d’intervenir avant l’installation de cette situation ?

Les associations n’ont pas toutes les compétences nécessaires à l’accompagnement de conjoints en difficultés. J’y intègre les accueillants du numéro d’appel 3919, et l’accueil en commissariat. Les accueillants du 3919 ne sont pas formés, de leur propre aveu (je les ai contactés) sur le volet complexe des violences économiques. Pour ce qui concerne ces questions, l’accueil en commissariat est tout aussi démuni.

Dans le cadre du Grenelle sur les violences faites aux femmes, ce sujet n’a pas été traité à la mesure réelle de ses impacts et n’a, à ma connaissance, abouti qu’à des mesures très limitées. J’ai retenu par exemple, qu’une aide financière nouvelle serait prévue pour les conjoints nécessiteux.

Les violences économiques au sein du couple (la victime peut être aussi bien la femme que l’homme) ne concernent pas que les ménages modestes. Plus particulièrement pour les femmes, la période actuelle voit se développer leur accès à des carrières et revenus de haut niveau. Elles s’exposent ainsi à présenter nouvelle cible d’exploitation susceptible de susciter chez le conjoint la tentation de violences économiques, simplement parce que cette violence n’est qu’une autre forme d’expression de la violence au sein du couple.

Or, les violences économiques au sein du couple recouvrent un domaine très vaste, couvrant tous les actes économiques que des conjoints peuvent être amenés à réaliser. Cela va des actes de gestion de la vie quotidienne, au patrimoine immobilier, aux parts sociales de sociétés, ainsi que de nombreux cas particuliers : prélèvements sur le compte commun, créances entre époux, créances avant mariage, emprunts personnels et « prêts familiaux » souscrits à l’insu du conjoint, faux et usage de faux pour effectuer des prélèvements de l’épargne du conjoint, encaissement par un époux de revenus communs, …

La loi confronte les conjoints au principe qu’ « il n’y a pas de vol entre époux » et à de nombreuses règles permettant à chaque conjoint la « libre disposition des finances du couple » qui contredisent le « devoir de loyauté » inscrit par la loi, auquel les époux sont censés s’engager durant le mariage.

Que peut faire l’époux qui découvre que son conjoint a engagé à son insu et systématiquement, de telles manœuvres qui ont abouti à le dépouiller totalement ? Quelles réponses lui seront-elles données s’il vient à l’accueil d’un commissariat ?

Que dit la loi quand un époux, gérant de SCI, dont les époux sont actionnaires, encaisse les revenus de celle-ci (vente d’un bien de la SCI) sans obligation d’en avertir son épouse associée ?

Que dit la loi, quand un époux dirigeant de société dont l’épouse n’est pas actionnaire, alimente à son insu grâce à des fonds communs les comptes courants de cette société, place les dividendes en réserve durant des années, privant de ce fait le couple des revenus de cette société (revenus qui sont communs), puis cède sa société et encaisse ses parts de boni de liquidation qui va constituer pour lui des fonds propres ?

Que dit la loi quand l’époux qui dissimule ses manœuvres durant l’expertise judiciaire dans le cadre d’un divorce, ne les reconnaîtra qu’une à une, seulement après que le conjoint en ait apporté la preuve quand il a la chance d’avoir pu disposer des éléments suffisants ?

La loi ne prévoit aucune sanction.

La réponse actuelle est de recommander à l’époux d’engager un divorce et de demander à cette occasion une expertise financière qui, selon la complexité de l’affaire, peut se prolonger durant de nombreuses années.

L’époux victime quant à lui n’a alors d’autre choix que de partir du domicile, clôturer les comptes joints, et attendre que la première étape juridique déclenche la séparation des revenus financiers des époux. Quand au reste des finances du couple (maison, revenus fonciers communs, épargne…), il n’en aura le retour éventuel qu’après des années, à la finalisation du partage.

L’époux victime devra prouver l’ensemble des manœuvres réalisées par son époux à son insu. C’est un assez désopilant, car en effet, la loi autorise chacun des époux à gérer les revenus et finances communes seul, sans obligation d’information de son conjoint, les comptes entre époux étant censés être faits au moment du divorce et rétablir ainsi « l’égalité » entre les époux.

Comment faire par exemple si le conjoint domiciliait ses comptes à une autre adresse que le domicile ? s’il a dissimulé ses démarches, conservé les actes ?

L’époux qui se découvre victime de violences économiques est contraint de déménager et d’engager le divorce afin que la séparation judiciaire permette au moins la séparation des comptes et des revenus, ce qui ne recouvre qu’une partie minime des axes économiques communs. Le dépôt de plainte, dans ce domaine, mettrait le conjoint victime en position risquée car elle donnerait le temps à son époux de dissimuler ses manœuvres avant l’ouverture de l’expertise.

L’époux victime devra se réinstaller et s’équiper, sans disposer des ressources qui lui appartiennent. Prendre un petit logement, ce qui l’oblige à n’emporter que le minimum de meubles, en général uniquement ses propres. Quelle que soit la différence de revenus du couple, il devra payer désormais payer la moitié des impôts fonciers de la résidence commune ainsi que la taxe d’habitation de celle-ci, ainsi que la taxe d’habitation de son nouveau domicile (taxe sensée disparaître).

Cette situation va se poursuivre durant toutes les années d’expertise financière + les années de liquidation de l’indivision et du partage.

Durant cette période, l’époux victime ne pourra pas épargner. A l’issue du partage, s’il récupère ses finances, il ne récupère pas son domicile occupé par l’autre époux. En effet, l’attribution préférentielle profite à l’occupant et l’éventuelle prestation compensatoire est versée en capital, l’attribution de biens en nature (maison indivise) ne pouvant advenir qu’à « titre subsidiaire ». S’il souhaite acquérir un nouveau domicile, il devra une seconde fois déménager, aménager, s’équiper.

L’époux fautif, durant ce temps, bénéficie de la jouissance du domicile commun. La « qualité du cadre de vie » n’entrera guère en ligne de compte dans l’évaluation de la disparité des situations.

Si l’époux fautif offre en locatif une partie du domicile, il peut en percevoir seul les loyers dont le partage sera repoussé selon la loi au moment de la clôture de liquidation. Ces revenus n’entrent pas en ligne de compte dans le devoir de secours, ni dans l’appréciation de la disparité visant à évaluer la prestation compensatoire. Pourtant cela fait partie des revenus construits en commun dont l'époux fautif pourra disposer seul après le divorce, puisqu'en tant qu'occupant il conserve le domicile.

L’époux fautif est autorisé par la loi à réaliser à sa guise tout travaux « d’entretien » ou « d’amélioration » sur le domicile indivis, même si ces travaux n’apportent aucune plus-value. La moitié de ces travaux devra être supportée par le conjoint, quelle que soit la différence de revenus, alors que le conjoint victime n’occupe plus le domicile et ne pourra pas le récupérer. La soulte qu’il recevra éventuellement au moment du partage ne lui permettra pas l’acquisition d’un bien équivalent.

J’interrompt ici ce panorama que je pourrais poursuivre sur quantité d’aspects économiques, plus compliqués les uns que les autres.

J’ai conscience que les aménagements prévus par le Grenelle visent des dispositions élémentaires de « première nécessité ». Je regrette que les travaux des groupes ad ’hoc n’aient débouché que sur ce résultat et focalisé principalement sur les violences physiques. Je regrette aussi que leurs travaux n’aient pas intégré les aspects que j’évoque.

Je conclue ce long exposé en répétant mon attente de connaître les effets réels et concrets du projet de loi sur les violences économiques dans le cadre conjugal, face à l’arsenal de moyens de déloyauté qui persiste.

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