Projet de loi de finances pour 2021 — Texte n° 3360

Amendement N° 380C (Rejeté)

(2 amendements identiques : CF533C 813C )

Publié le 20 octobre 2020 par : Mme Pires Beaune, M. Jean-Louis Bricout, Mme Rabault, Mme Rouaux, M. Aviragnet, Mme Battistel, Mme Biémouret, M. Alain David, Mme Laurence Dumont, M. Faure, M. Garot, M. David Habib, M. Hutin, Mme Jourdan, M. Juanico, Mme Karamanli, M. Jérôme Lambert, M. Leseul, M. Letchimy, Mme Manin, M. Naillet, Mme Pau-Langevin, M. Potier, Mme Santiago, M. Saulignac, Mme Tolmont, Mme Untermaier, Mme Vainqueur-Christophe, M. Vallaud, Mme Victory, les membres du groupe Socialistes et apparentés.

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Modifier ainsi les autorisations d'engagement et les crédits de paiement :

(en euros)
Programmes+-
Écologie040 000 000
Compétitivité40 000 0000
Cohésion00
TOTAUX40 000 00040 000 000
SOLDE0

Exposé sommaire :

Cet amendement du groupe Socialistes et apparentés vise à ouvrir 40 millions d’euros de crédits afin de permettre à l’État de nationaliser la société Luxfer.

La propagation de l’épidémie de covid-19 a contraint le Gouvernement à prendre, entre le 17 mars et le 11 mai 2020, des mesures de confinement et de restriction des activités économiques sans précédent dans notre histoire moderne.

La progression initiale de la maladie et avec elle, la tension sur notre système de santé, a montré l’impréparation de la France et en particulier l’absence de certains équipements médicaux stratégiques en nombre suffisant. Face à la submersion qui a touché les régions Grand Est et d’Île-de-France, des opérations de transport inédites en temps de paix ont été rendues nécessaires pour déplacer les malades les plus stables vers des régions moins touchées.

Si au front, le moral des soignantes et des soignants qui a constitué la dernière digue pour protéger les Français n’a pas vacillé pas, l’arrière a grandement faillit dans la préparation de notre pays à faire face à une telle crise sanitaire.

Qu’il s’agisse des respirateurs si nécessaires à la réanimation, des équipements de protection (dont certains sont pourtant basiques à l’image des masques, du gel hydro-alcoolique, des gants en latex, des sur-blouses ou des lunettes de protection) ou de certains médicaments, nos stocks étaient insuffisants et notre pays n’est pas en capacité de répondre, seul, aux besoins propres à assurer la santé de ses habitants face à une crise d’une telle ampleur.

Cette situation est le résultat de décennies d’absence de vision stratégique sur l’indépendance sanitaire de la France, entraînant délocalisations et sous-traitances dans des pays tiers. A cet égard, la décision de réduire progressivement les stocks d’État de masques en comptant sur la capacité de production des pays asiatiques et en particulier de la Chine est symptomatique.

Le Président de la République, Emmanuel Macron, en a lui-même fait le constat lors de son allocution du 12 mars dernier : « Ce que révèle cette pandémie, c’est qu’il est des biens et des services qui doivent être placés en dehors des lois du marché. Déléguer notre alimentation, notre protection, notre capacité à soigner, notre cadre de vie, au fond à d’autres, est une folie ».

Si ce constat est terrible pour la sixième puissance mondiale et nécessitera la définition d’une nouvelle doctrine et une dynamique de relocalisations à moyen terme, la France dispose également, à court terme, d’outils permettant d’inverser rapidement la tendance.
Ces outils, ce sont des fleurons industriels qui produisent, ou produisaient jusqu’à récemment, du matériel médical de pointe essentiel pour faire face aux besoins induits par une telle crise.

C’est notamment le cas de la société Luxfer, située à Gerzat dans le Puy-de-Dôme, qui était jusqu’en 2019 la seule entreprise de l’Union européenne à fabriquer des bouteilles d’oxygène à usage médical.

Alors que l’épidémie de Covid-19 a d’abord fait appel aux capacités de réanimation et d’assistance respiratoire de notre système de santé, il s’agit là d’un actif stratégique majeur. Il est d’autant plus utile en temps de crise alors que les patients doivent être transférés en grand nombre par la route, le rail ou les airs, nécessitant une assistance respiratoire permanente avec un équipement aussi léger et maniable que possible.

Ainsi la production de la société était dévolue à 62 % pour le marché du médical, à 27 % pour les services d’incendie, à 6 % pour le secteur industriel général et à 5 % pour des activités spécifiques (Armement, aéronautique, autres secteur gaz, etc...).

La situation tendue des marchés de la Santé et de la Protection, avec une stagnation de la demande et une concurrence féroce des pays à faible coût de main d’œuvre, s’est traduit par une baisse des volumes de production. Cette situation a amené la maison-mère de Luxfer à réorganiser ses sites de production et à mettre fin à la production sur le site de Gerzat.

Aujourd’hui cette PME et ses 136 salariés sont à l’arrêt. Cependant, les machines et le savoir-faire humain demeurent présents, de même que la volonté, pour une partie des salariés, de reprendre leur activité. Ceux-ci ont d’ailleurs travaillé à un plan permettant de relancer la production en seulement neuf semaines. Le modèle économique est vertueux, y compris à l’échelle de l’Union européenne, dès lors que cette production serait reconnue comme stratégique et ainsi, pour reprendre les mots d’Emmanuel Macron, placée en dehors des lois du marché, sans mise en concurrence avec des pays tiers à faible coût de main d’œuvre.

Alors que l’épidémie est amenée à se poursuivre durant de longs mois, voire à connaitre de nouvelles vagues et que la dégradation de la situation dans d’autres pays peut suspendre l’importation de tels matériels, il est essentiel que la France puisse assurer son indépendance stratégique en conservant une capacité de production sur son sol. A défaut d’être un choix dicté par la crise actuelle, cette nationalisation est indispensable dans une perspective de moyen et long terme. Pouvons-nous prendre le risque de n’avoir aucun producteur de bouteilles d’oxygène sur le territoire de la nouvelle Europe ?

Outre la sécurisation à court terme de ces actifs pour éviter une fermeture ou une reprise par des acteurs étrangers, la maitrise de cette entreprise, parmi d’autres de même importance, permettrait à l’État de pouvoir faire face aux possibles résurgences du Covid-19, qui pourrait devenir saisonnier, ainsi qu’aux crises futures alors que le risque pandémique est devenu d’autant plus grand que la mondialisation est devenue intégrée.

C’était le sens de la proposition de loi portée par notre groupe et qui proposait la nationalisation de Luxfer mais également de Famar. Seule manière pour l’État de disposer d’un contrôle effectif de ces actifs stratégiques et de leurs productions afin d’assurer son indépendance sanitaire.

La proposition de loi est accessible ici : https ://lessocialistes.fr/wp-content/uploads/2020/04/PPL-groupe-Socialistes-et-apparente %CC %81s-Nationalisation-des-entreprises-particulie %CC %80rement-ne %CC %81cessaires-a %CC %80-linde %CC %81pendance-sanitaire-de-la-Nation-Vdef-1.pdf

Afin d’assurer sa recevabilité financière, cet amendement de crédits :

  • diminue de 40 millions d'euros les autorisations d'engagement et crédits de paiement de l'action 08 "Énergies et technologies vertes" du programme 362 "Écologie" ;
  • augmente de 40 millions d'euros les autorisations d'engagement et crédits de paiement de l'action 02 "Souveraineté technologique et résilience" du programme 363 "Compétitivité".

Les députés socialistes et apparentés tiennent à préciser qu’ils ne souhaitent pas à réduire les moyens attribués au programme 362.

Cet amendement met en oeuvre l'une des 45 propositions du plan de rebond économique, social et environnemental présenté par les Socialistes le 9 juin dernier.

Ce plan est accessible ici :

https://www.parti-socialiste.fr/_pour_un_rebond_conomique_social_et_cologique_le_plan_de_relance_du_parti_socialiste

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