Respect des principes de la république — Texte n° 3797

Amendement N° 2390 (Irrecevable)

Publié le 28 janvier 2021 par : Mme Lang, M. Testé, Mme Françoise Dumas, Mme Jacqueline Maquet, M. Sommer, Mme Rossi, Mme Brunet, M. Marilossian, M. Templier, Mme Vanceunebrock.

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Après le deuxième alinéa du I de l’article 612‑3 du code de l’éducation, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Afin de garantir le caractère équitable de la procédure, le lycée d’origine des candidats ne figure pas parmi les informations transmises aux établissements d’enseignement supérieur dans le cadre de la procédure de préinscription prévue au présent I. »

Exposé sommaire :

L’article premier de ce projet de loi prévoyant que « lorsque la loi ou le règlement confie directement l’exécution d’un service public à un organisme de droit public ou de droit privé, celui‑ci est tenu d’assurer l’égalité des usagers devant le service public », cet amendement vise à rappeler que les universités ne sauraient faire de distinction dans le traitement des usagers en fonction de leur origine géographique.

La loi « Orientation et Réussite des Etudiants » (ORE) du 9 mars 2018 à l’origine de la plateforme « Parcoursup » a étendu les commissions d’examen des vœux à l’ensemble des formations, que celles-ci soient sélectives ou non. Pour chaque formation, ces commissions classent les dossiers transmis par les candidats via la plateforme « Parcoursup » en fonction d’attendus définis au niveau national.

Afin de traiter une masse importante de dossiers, la plupart des commissions utilisent leur propre outil numérique. Il s’agit des algorithmes dits locaux par opposition à celui de la plateforme Parcoursup qui, au niveau national, « distribue » les candidatures dans les établissements du supérieur. Concrètement, ces algorithmes locaux se présentent comme des tableaux combinant plusieurs critères dont la moyenne des notes obtenus par les candidats tout au long de l’année.

Or, il est apparu que le paramétrage de ces algorithmes intégrait parfois des éléments non directement liés au cadrage national des « attendus », qui, pour certains, interrogent sur le caractère équitable de la procédure. Tel est le cas de la pondération des notes de l’élève en fonction de son lycée d’origine, qui concernerait jusqu’à 20 % des filières en tension selon un rapport récent de la Cour des Comptes[1].

Pour la Cour, la pondération du critère du lycée d’origine sur la base de critères plus ou moins aléatoires, comme celui lié à sa réputation, pose un véritable problème d’équité sociale. Si elle considère qu’il existe en effet une tendance générale qui voit les lycées de bon niveau sous-noter leurs élèves et les lycées de faible niveau les sur-noter, ce n’est pas le cas partout. Par conséquent, lorsque les algorithmes locaux réajustent les notes en les pondérant par le critère du lycée d’origine, on se fonde sur des projections statistiques, qui peuvent arbitrairement avantager certains élèves et en désavantager d’autres.

Saisi lui aussi à ce sujet, le Défenseur des Droits a d’ailleurs rappelé que le recours au critère du lycée d’origine pour départager les candidats en favorisant certains candidats ou en en défavorisant d’autres en fonction du lieu dans lequel l’établissement est situé pouvait être assimilé à une pratique discriminatoire, s’il aboutit à exclure des candidats sur ce fondement[2].

La question des discriminations et des inégalités dans l’accès à l’enseignement fait aujourd’hui l’objet d’un constat partagé et bien documenté. Depuis une vingtaine d’années un grand nombre d’initiatives ont vu le jour pour répondre à cette problématique. Ce furent les conventions ZEP mises en place par Richard Descoings à Sciences Po, les « cordées de la réussite » ou encore le programme TALENS de l’Ecole Normale Supérieure de la rue d’Ulm, et plus généralement toutes les politiques dites d’ouverture sociale et de tutorat dans les grandes écoles. C’est aussi le sens du rapport remis ce 8 décembre par Martin Hirsch à la Ministre de l’Enseignement Supérieure et de la Recherche.

De son côté, le Ministère a pris des mesures pour lutter contre les inégalités sociales et géographiques ainsi que le phénomène d’autocensure que s’appliquent certains lycéens. En 2018, la loi ORE prévoyait déjà un taux minimal de boursiers dans chaque formation ainsi que des quotas de bacheliers professionnels et technologique en BTS et en IUT. En 2019, le décloisonnement académique de l’Ile-de-France permettait aux élèves de banlieue d’accéder aux établissements parisiens, en même temps qu’était décidée l’anonymisation du nom et prénom des candidats.

Aujourd’hui et bien que nous saluons l’ensemble de ces initiatives, force est de constater que nous n’avons pas réussi à briser le plafond de verre. Aussi le sentiment d’injustice est-il fort. Dans les établissements défavorisés il n’est pas rare d’entendre les élèves demander à leur professeur comment obtenir leurs vœux avec un tel stigmate…Qu’avons-nous à leur répondre ?

Comment accepter que dans l’Ecole de la République, – et ce alors même qu’on ne choisit pas son lycée de secteur –, le fait de provenir de tel établissement plutôt que de tel autre puisse vous porter préjudice au moment de l’orientation ?

Au fond, il y va de notre cohésion nationale et de notre attachement au modèle méritocratique. On ne peut laisser s’installer dans certains territoires l’idée d’une trahison de la promesse républicaine.

Les algorithmes locaux qui écartent un élève au motif que son lycée a mauvaise réputation procèdent du même mécanisme d’exclusion que les employeurs qui rejettent un CV au regard du lieu de résidence du candidat. Rappelons que cette dernière pratique est prohibée depuis la loi de programmation pour la ville et la cohésion urbaine du 21 février 2014.

Cet amendement vise donc à reprendre une préconisation de la Cour des Comptes, en anonymisant le lycée d’origine dans la procédure, tout en permettant de remplacer cette mention possiblement discriminatoire par un critère juste et objectif, en l’occurrence l’écart de notation, par établissement, entre la moyenne des élèves au contrôle continu et leurs résultats au baccalauréat.

Cette nouvelle amélioration de la plateforme Parcoursup contribuerait à rebattre les cartes et à lutter contre l’assignation à résidence tout en envoyant un signal fort à notre jeunesse.

[1] Cour des Comptes, « Un premier bilan de l’accès à l’enseignement supérieur dans le cadre de la loi Orientation et réussite des étudiants » (février 2020)
[2] Défenseur des droits, Décision n° 2019‑021 du 18 janvier 2019.

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