Démocratie plus représentative responsable et efficace — Texte n° 911

Amendement N° 455 (Sort indéfini)

(3 amendements identiques : 1380 1908 2157 )

Publié le 4 juillet 2018 par : M. Ratenon, Mme Autain, M. Bernalicis, M. Coquerel, M. Corbière, Mme Fiat, M. Lachaud, M. Larive, M. Mélenchon, Mme Obono, Mme Panot, M. Prud'homme, M. Quatennens, Mme Ressiguier, Mme Rubin, M. Ruffin, Mme Taurine.

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Rédiger ainsi l’alinéa 6 :

« Pour le département et la région de La Réunion, la loi organique définit les conditions dans lesquelles sont adoptées les demandes d’habilitation prévues au deuxième alinéa et sollicitées dans les matières relevant d’un champ de compétences partagé entre ces deux collectivités. »

Exposé sommaire :

I – De nouveaux pouvoirs pour de nouveaux défis

Si La Réunion est toujours confrontée à des enjeux socio-économiques aussi importants qu’urgents, elle doit aussi faire face à de nouveaux défis liés au développement des nouvelles technologies, aux évolutions climatiques ou encore à la mondialisation des échanges.

Parmi ces défis et ces enjeux, citons :

Une situation démographique originale où non seulement la croissance démographique se poursuit (avec plus de 850 000 habitants, c’est de loin le territoire d’Outre-mer le plus peuplé) mais aussi où le vieillissement de la population coexiste avec une natalité encore relativement élevée. De cette particularité découle la nécessité d’adapter les politiques publiques qui doivent à la fois prévoir une action soutenue pour la prise en charge du vieillissement et poursuivre une politique affirmée pour l’accueil et la scolarisation des plus jeunes.

Les multiples enjeux du développement (économique, social, sanitaire…)

En lien direct avec cette situation démographique particulière, se trouve la question de l’emploi. Alors que le dynamisme du marché de l’emploi comme celui de la création d’entreprises sont redevenus une réalité, le chômage reste très supérieur, notamment pour les jeunes, aux taux de l’Hexagone et de l’Union européenne.

Il est devenu indispensable de réunir toutes les conditions pour favoriser les productions locales (biens et services) dont les réelles potentialités offrent encore une véritable marge d’actions, porteuses d’activités et d’emplois.

De même, cette particularité démographique devra inspirer, de la manière la plus juste et la plus harmonieuse, les réponses en matière éducative afin de lutter contre une situation encore trop marquée par des taux d’illettrisme et de décrochage très élevés.

Sans parler de la réalité sanitaire ou de réels progrès ne peuvent occulter d’importants retards, notamment en termes d’offres de soins hospitaliers (préventifs mais aussi curatifs) et des pathologies chroniques à forte prévalence.

Le défi de la transition écologique

Une unanimité toujours plus forte se dégage pour affirmer que La Réunion dispose de tous les atouts pour réussir ce défi qui s’impose à l’ensemble de la planète. Encore faut-il que ces atouts naturels ne soient pas entravés par un arsenal de normes et de pratiques insuffisant voire inadapté. Lancer véritablement le processus de transition énergétique suppose d’agir simultanément au niveau :

- de la production avec la mobilisation des sources d’énergies renouvelables à notre disposition (eau, vent, soleil, biomasse, mer.. ;)

- des économies d’énergies avec l’adoption des normes énergétiques définies à partir de notre géographie au lieu de « tropicaliser » les normes des climats tempérés.

Le défi de la coopération régionale dans un contexte mondialisé.

Parmi les nombreux champs d’action, citons pour exemple celui de la formation et de la recherche aux métiers liés à la transition énergétique ou encore à celui de la santé. Dans les deux cas, ce sont de véritables pôles internationaux qui pourraient émerger, où La Réunion aurait une place de choix.

Une autre raison, de nature différente, plaide en faveur du renforcement du pouvoir normatif de La Réunion. Elle nous est suggérée par les évolutions volontaristes de la norme européenne.

En effet, la Cour de Justice de l’Union européenne (CJUE) vient de renforcer le droit à l’adaptation des politiques et législations européennes aux RUP à travers sa jurisprudence en l’étendant aux actes de droit dérivé que la Commission n’incluait pas dans une lecture initialement trop restrictive de l’article 349 du Traité sur le Fonctionnement de l’Union européenne (TFUE). Son arrêt du 15 décembre 2015, dit « arrêt Mayotte », offre ainsi la possibilité d’une lecture plus large dudit article.

Cette évolution vient en quelque sorte confirmer, en l’accélérant, un mouvement engagé depuis plusieurs années en faveur de l’adaptation du droit de l’Union européenne aux réalités des Outre-mer et non l’inverse.

C’est ainsi que la Commission européenne, par un courrier en date du 2 septembre 2015, de son Président Jean-Claude JUNCKER a garanti au Président de la République française que les intérêts des RUP seraient respectés dans l’ensemble des politiques publiques menées par la Commission. Avant d’adopter deux ans plus tard, en octobre 2017, une communication intitulée « Un partenariat stratégique renouvelé et renforcé avec les régions ultrapériphériques de l’Union européenne » qui consacre l’approche différenciée de la Commission européenne.

De son côté, Le Parlement européen, avec, en premier lieu les députés européens des Outre-mer, s’inscrit maintenant résolument en faveur d’une meilleure prise en compte des RUP. Le rapport « Promouvoir la cohésion et le développement dans les régions ultrapériphériques de l’Union : application de l’article 349 du traité FUE », plaidant pour un approfondissement de l’adaptation des politiques et législations européennes aux RUP, a ainsi été adopté à l’unanimité par le Parlement européen.

Cette convergence en faveur de l’adaptation du droit de l’UE aux RUP ne souffre désormais d’aucune exception. Elle pourrait toutefois se heurter aux limites normatives nationales, du moins en ce qui concerne La Réunion.

II – Un pourvoir normatif élargi et doté de solides garanties constitutionnelles

En effet, le cinquième alinéa de l’article 73 de la Constitution exclut le département et la région de La Réunion de la faculté, accordée par les troisième et quatrième alinéas de cet article, de disposer d’un pouvoir normatif dans des domaines relevant de la loi. Par cette mesure, La Réunion ne peut faire l’objet d’adaptation tenant compte de ses caractéristiques et ses contraintes particulières sans habilitation par la loi ou par le règlement.

Cette exception réunionnaise remonte à la réforme constitutionnelle du 28 mars 2003 et à son article 73 qui reconnaît aux départements et régions d’outre-mer la faculté :

- d’une part, d’adapter les lois et règlements en vigueur dans les matières où s’exercent leurs compétences,

- et, d’autre part, de définir eux-mêmes des règles normatives applicables sur leur territoire dans des matières relevant du domaine de la loi. À l’exception de La Réunion.

Force est de constater qu’en l’état, le projet de loi constitutionnelle n’offre aucune alternative à cette limite. Si l’article 15 assouplit et élargit les facultés de différenciation à toutes les collectivités territoriales de la République, il n’ouvre pas de nouvelles possibilités pour La Réunion et a fortiori pour les autres collectivités régies par l’article 73. En réalité, les dispositions de l’article 72 nouveau, qui permettront à l’ensemble des collectivités de déroger, sans limite obligatoire de durée, aux dispositions législatives et réglementaires dans leurs domaines de compétences se rapprocheraient singulièrement de celles qui concernent spécifiquement la Réunion.

Par conséquent, l’article 72 nouveau n’ouvre pas de nouvelles perspectives pour La Réunion puisque lui aussi ne vise que le domaine des compétences des collectivités. À la limite, il y aurait une certaine redondance entre le 72 nouveau et le « 73-Réunion ». La vraie différence serait à rechercher du côté des procédures. C’est sans doute la raison pour laquelle l’article 17 du projet de loi supprime l’alinéa 2 de l’actuel article 73 visant les adaptations relatives aux compétences.

Ouvrir réellement le champ des prérogatives pour La Réunion passe donc nécessairement par l’application de l’ensemble des dispositions de l’article 73 relatives au pouvoir normatif reconnues, depuis quinze ans, aux départements et aux régions d’outre-mer et qui bénéficient en outre de solides garanties constitutionnelles.

Elaboré au fil du temps (révisions constitutionnelles de 2003 et 2008, lois organiques des 21 février 2007, 7 décembre 2010, 27 juillet 2011), l’encadrement de cette décentralisation normative constitue un véritable verrou à l’encontre d’une évolution en direction des dispositions de l’article 74.

Ainsi, à chacune de ses étapes, le processus d’habilitation est-il strictement encadré

D’abord, la délibération motivée et adoptée par la collectivité demandant à être habilitée est susceptible d’être contrôlée par le Conseil d’État tant sur la forme que sur le fond. L’article 17 du projet de loi prévoit que le décret d’habilitation sera pris en conseil des ministres « après avis du Conseil d’État. ».

Cette délibération requiert actuellement une habilitation du Parlement national ou de l’autorité règlementaire. L’article 17 prévoit de lui substituer un projet de loi de ratification que le Gouvernement devra déposer à chaque session ordinaire et qui permettra au Parlement de « conserver un droit de regard déterminant sur les normes ainsi fixées par les collectivités ultra-marines. »

Ensuite, les habilitations ne peuvent intervenir que dans un nombre restreint de domaines ne mettant pas en jeu la souveraineté nationale. En outre, elles « ne peuvent intervenir lorsque sont en cause les conditions essentielles d’exercice d’une liberté publique ou d’un droit constitutionnellement garanti ».

Elles sont accordées pour une durée limitée dans le temps (durée du mandat de l’assemblée à l’origine de la demande) tandis que les collectivités régies par l’article 74 possèdent une délégation de compétence permanente.

Enfin, les délibérations adoptant les habilitations peuvent faire l’objet d’un déféré par le Préfet devant le Conseil d’État puisqu’elles restent des actes administratifs, contrairement aux lois de pays qui, elles, sont soumises au contrôle du Conseil constitutionnel.

Faut-il ajouter, en outre, que l’article 72‑4 de la Constitution prévoit expressément qu’ « aucun changement », pour tout ou partie de l’une des collectivités d’Outre-mer de l’un vers l’autre des régimes prévus par les articles 73 et 74, « ne peut intervenir sans que le consentement des électeurs de la collectivité ou de la partie de collectivité intéressée ait été préalablement recueilli dans les conditions prévues à l’alinéa suivant. Ce changement de régime est décidé par une loi organique. »

Enfin, les faits eux-mêmes viennent contredire, de manière incontestable, l’argument selon lequel le pouvoir d’habilitation conduit à une collectivité unique. En effet, si la Martinique et la Guyane sont devenues des collectivités uniques lors de consultations organisées le 24 janvier 2010, la Guadeloupe bénéficie également du pouvoir d’habilitation depuis la révision constitutionnelle du 28 mars 2003. Or, le conseil général et le conseil régional de Guadeloupe n’ont jamais été fusionnés en une collectivité unique. Conformément aux dispositions prévues au dernier alinéa de l’article 72‑4, les électeurs inscrits en Guadeloupe se sont d’ailleurs prononcés à une très large majorité (72,8 %) le 7 décembre 2003 contre la fusion de leurs départements et régions respectifs au profit d’une assemblée unique. Ce choix n’a jamais été révisé quinze ans après. Il est donc fallacieux d’affirmer que le pouvoir d’habilitation impliquerait une collectivité unique : la Guadeloupe en est le contre-exemple absolu.

Quelques mots pour résumer cette énumération de garanties constitutionnelles. Ce sont ceux de Marc Guillaume, Secrétaire général du Gouvernement, lorsqu’il écrit que « Quoi qu’il en soit, force reste à la loi (ou au règlement) en tout état de cause. C’est la traduction nécessaire mais suffisante de l’indivisibilité. » (in La Constitution commentée)

De la même manière, la possibilité pour les collectivités d’outre-mer de fixer des normes pour leur territoire n’est en aucun cas corrélée avec d’éventuelles évolutions institutionnelles. Ce pouvoir normatif ne les favorise pas. Il ne les empêche pas non plus.

La lecture précise de l’article 73 montre clairement que :

- L’alinéa 5 qui concerne La Réunion ne se réfère qu’ « aux deux alinéas » qui le précèdent, lesquels visent exclusivement les habilitations relevant du domaine de la loi et du règlement.

- L’alinéa 7 qui fixe les conditions de « la création par la loi d’une collectivité se substituant à un département et une région d’outre-mer ou l’institution d’une assemblée délibérante unique » ne prévoit aucune exception ou dérogation pour aucune des collectivités d’Outre-mer. La condition est la même pour elles toutes : « le consentement des électeurs inscrits dans le ressort de ces collectivités. ».

La lecture de l’alinéa 3 de l’article 72‑1 et de l’article 72‑4 conforte, s’il en était encore besoin, la totale indépendance entre évolution institutionnelle et pouvoir normatif selon l’article 73. L’obligation qu’ils imposent d’organiser un référendum s’applique d’ailleurs exclusivement aux collectivités d’Outre-mer ainsi que l’illustre a contrario le précédent corse où la création de la Collectivité Territoriale Unique n’a pas été précédée d’une consultation des électeurs corses.

III – Un dispositif d’habilitation adapté à La Réunion

La Réunion présentant toutefois certaines particularités par rapport aux autres régions ultra-marines, il est proposé d’assortir ce pouvoir normatif d’une disposition susceptible de les prendre en compte au moins à un double niveau :

D’un point de vue institutionnel

Le Congrès des élus départementaux et régionaux créé par la loi n° 2000‑1207 d’orientation pour l’outre-mer du 13 décembre 2000 n’existe pas à la Réunion

En Guadeloupe, il est composé des conseillers généraux et des conseillers régionaux ainsi que des députés et des sénateurs élus dans le département, qui ne sont membres ni du conseil général ni du conseil régional, avec voix consultative.

En Guyane, en application de la loi du 27 juillet 2011 créant la collectivité de Guyane, il est devenu le Congrès des élus.

En Martinique, le Congrès des élus est composé, depuis 2011, des députés et sénateurs élus en Martinique, du président du conseil exécutif et des conseillers exécutifs de Martinique, des conseillers à l’assemblée de Martinique et des maires des communes de Martinique

Le Congrès des élus délibère de toute proposition d’évolution institutionnelle mais aussi de toute proposition relative à de nouveaux transferts de compétences de l’État vers la collectivité territoriale ainsi que de toute modification de la répartition des compétences entre les collectivités locales.

Comme cette instance n’existe pas à la Réunion, il est proposé, pour y suppléer et pour prévenir les situations de blocages, que lorsque la demande d’habilitation vise un champ de compétences partagé entre la région et le département, elle doit être prise à la majorité des suffrages exprimés des conseillers des deux assemblées. Il est intéressant à cet égard de se référer au refus du Gouvernement d’accéder à la demande d’habilitation sollicitée, en 2008, par le conseil général et le conseil régional de la Martinique en matière de transports publics de voyageurs au motif « qu’il n’existait pas de consensus entre les élus locaux alors même que l’habilitation visait un champ de compétences partagé » (Déclaration de Marie-Luce Penchard, Ministre des Outre-mer – Commission des lois du Sénat le 6 avril 2011).

Il va de soi qu’il n’est pas question de mettre en place, dans le cadre de cette réforme constitutionnelle, un dispositif (qui d’ailleurs relève de la loi ordinaire) mais de créer les conditions préalables à l’émergence d’un consensus entre les deux collectivités.

D’un point de vue démographique

La Réunion, nous l’avons dit, est de loin le territoire d’outre-mer le plus peuplé puisqu’elle représente près de 850 000 habitants soit plus du double que la Guadeloupe (398 000 habitants) qui arrive en 2ème position avant la Martinique (380 800 habitants), la Guyane (260 000 habitants) et Mayotte (256 518 habitants)

Cette dynamique démographique conjuguée à une situation sociale qualifiée de « hors norme » sont des éléments qui justifient et confirment la place et le rôle du Conseil départemental dans le paysage institutionnel réunionnais.

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