Reconnaissance du crime d'écocide — Texte n° 2353

Amendement N° 40 (Rejeté)

(2 amendements identiques : 35 38 )

Publié le 11 décembre 2019 par : M. Colombani, M. Acquaviva, M. Castellani, M. El Guerrab, M. Falorni, M. François-Michel Lambert, M. Molac, Mme Pinel, M. Pupponi.

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À l’alinéa 6, substituer aux mots :

« concertée et délibérée tendant à causer directement des dommages étendus, irréversibles et irréparables à un écosystème »

les mots :

« délibérée tendant à causer directement des dommages étendus, durables, irréversibles ou irréparables à un écosystème ou ayant un impact grave sur le changement climatique, l’érosion de la biodiversité, les cycles de l’azote et du phosphore et leurs apports à la biosphère et aux océans, l’usage des sols, la déplétion de la couche d’ozone, l’acidification des océans, la dispersion des aérosols atmosphériques, l’usage de l’eau douce ou la pollution chimique ».

Exposé sommaire :

Aux fins du présent article, il conviendra de se référer à la qualification de « grave », qui devra être retenue pour couvrir toutes les dimensions de taille, de durée et d’impact.

La gravité doit être apprécié sur le long terme, car certains dommages, dont les effets ne semblent pas immédiatement et directement graves, leurs effets à long terme peuvent être catastrophiques, notamment lorsqu’ils provoquent des lésions congénitales, ou encore lorsqu’ils ont pour conséquence de rendre un territoire inhabitables voire, dans le pire des cas, menacer d’extinction un écosystème.

Aux fins du présent article, l’impact grave sur les processus et systèmes régulent la stabilité et la résilience du système terrestre, visant le changement climatique, l’érosion de la biodiversité, les cycles de l’azote et du phosphore et leurs apports à la biosphère et aux océans, l’usage des sols, la déplétion de la couche d’ozone, l’acidification des océans, la dispersion des aérosols atmosphériques, l’usage de l’eau douce ou la pollution chimique, renvoi à la définition des limites planétaires. L’impact grave à ces processus et systèmes régulent la stabilité et la résilience du système terrestre signifie interférer avec ou altérer tout ou partie de l’environnement d’une manière qui dépasse en soi les limites planétaires, ou dépasserait ces limites définies si produite de façon répétitive, en masse, et au même rythme par toute l’Humanité.

Les limites planétaires sont au nombre de neuf processus et systèmes régulant la stabilité et la résilience du système terrestre et sont chiffrées depuis 2015 comme suit pour :

1. Le changement climatique :

a. seuil à 350 ppm de CO2 dans l’atmosphère pour rester en deçà de 1° d’ici à 2100, b. Changement du forçage radiatif global depuis l’époque pré-industrielle (en watts par mètre au carré) +1 W/m2 max / actuellement +2,88 W/m2.

2. L’érosion de la biodiversité : le taux d’extinction « normal » des espèces doit rester inférieur à 10 espèces par an sur un million.

3. Les apports d’azote et de phosphore à la biosphère et aux océans (résultant notamment de l’agriculture et de l’élevage intensifs) :

a. N(azote)= Limiter la fixation industrielle et agricole de N2 à 35 Mt/an, soit environ 25 % de la quantité totale de N2 fixée par an naturellement par les écosystèmes terrestres b. P (phosphore) : < 10× = limite de flux de phosphore vers l’océan ne dépassant pas 10 fois celui de son altération naturelle au fond de l’Océan.

4. Le changement d’usage des sols : Pourcentage de la couverture terrestre mondiale convertie en terres cultivées = ≤ 15 % de la surface terrestre libre de glace convertie en terres cultivées.

5. L’acidification des océans : Concentration en ions carbonates par rapport à l’état moyen de saturation de l’aragonite dans les eaux de surface des océans (Ωarag) = ≥ 80 % par rapport à l’état de saturation moyen préindustriel, y compris la variabilité saisonnière naturelle et saisonnière.

6. L’appauvrissement de l’ozone stratosphérique : Concentration d’O3 stratosphérique, DU = <5 % de réduction par rapport au niveau préindustriel de 290 UA.

7. L’usage de l’eau douce : Consommation d’eau bleue / km3 / an sur Terre = < 4,000 km3/an.

Restent à déterminer :

8. La dispersion d’aérosols atmosphériques : Concentration globale de particules dans l’atmosphère, sur une base régionale.

9. La pollution chimique (composés radioactifs, métaux lourds, composés organiques synthétiques tels que pesticides, produits et sous-produits chimiques industriels à longue durée de vie et migrant dans les sols et l’eau parfois sur de très longues distances. Les chercheurs proposent de considérer aussi l’introduction d’entités nouvelles dans la biosphère comme les nanoparticules et molécules de synthèse)

Concernant les seuils non définis

Il sera fait une application du principe de prévention et de précaution afin de prévenir les cas de dépassement manifestement incompatible avec la protection de la Nature.

Concernant la dispersion d’aérosols atmosphériques et le seuil de concentration globale de particules dans l’atmosphère, sur une base régionale. Ces seuils font déjà l’objet d’une surveillance dans les différents territoires français : Plan de protection de l’atmosphère entre autre et contrôle des émissions des installations classées. Ces seuils sont d’ailleurs contraignants. Les efforts accomplis par l’ensemble des secteurs d’activité pour une diminution des émissions de polluants atmosphériques n’ont pas suffi à supprimer l’ensemble des dépassements, ce qui a conduit la France à être en contentieux européen pour non respect des valeurs limites et insuffisance des plans d’actions.

Voir : La France a dépassé de manière systématique et persistante la valeur limite annuelle pour le dioxyde d’azote depuis 2010, juge la Cour de justice de l’UE, condamne Paris pour manquement, article Actu Environnement octobre 2019

La pollution chimique est d’ores et déjà normée et suivie grâce à des dispositifs scientifiques dédiés. Par exemple, le domaine des émissions radioactives est encadré par des normes internationales, les mesures de détection sont définies par des normes ISO. Découlant de l’application du principe de précaution appliqué en matière d’émissions radioactives, la réglementation française fixe à 1 millisievert (mSv) par an la dose efficace maximale admissible résultant des activités humaines en dehors de la radioactivité naturelle et des doses reçues en médecine. Le réseau national d’observation de la radioactivité a pour rôle d’informer les citoyens et à partir des mesures collectés, de réaliser des mesures de concentration régulièrement dans l’objectif de vérifier si ce seuil de 1 millisievert est bien respecté. Un organisme indépendant est donc encore une fois déjà compétent pour surveiller ce seuil, et des normes ont été définies afin de contenir l’exposition des humains et de leurs habitats à des doses dangereuses. Ces normes sont également présent dans le cadre de l’exposition des travailleurs à des doses dangereuses. L’employeur doit garantir le respect de doses maximales, il peut engager sa responsabilité pénale en cas de dépassement dû à une carence fautive en la matière.

Il n’y a donc pas d’incompatibilité entre l’application du principe de légalité de la loi pénale et les critère de prévisibilité et clarté de la loi, et l’introduction des limites planétaires dans le droit français.

Concernant l’auteur de l’infraction

Réflexion par analogie issue du document de politique générale relatif à la sélection et à la hiérarchisation des affaires, 15 septembre 2016, Bureau du procureur de la Cour pénale internationale (page 15 et 16, relative au degré de responsabilité des auteurs présumés des crimes en cause).

L’auteur est une personne dans une position effective, d’exercer un contrôle ou diriger l’utilisation de tout processus ou équipement dont le déploiement a entrainé l’écocide, ou d’exercer un contrôle ou diriger toute personne qui a commis un acte d’écocide.

Cette définition prévoit la responsabilité aussi bien des dirigeants d’entreprise que des décideurs publics et autres supérieurs hiérarchiques exerçant des fonction de contrôle.

Le parquet est tenu d’appréhender ses enquêtes de façon à garantir que des chefs d’accusation soient portés à l’encontre des personnes qui semblent porter la plus large part de responsabilité dans les crimes identifiés.

La notion associée à « la plus large part de responsabilité » ne correspond pas nécessairement à la position hiérarchique d’une personne au sein d’une structure mais elle sera évaluée au cas par cas en fonction des éléments de preuve recueillis. Au fur et à mesure que l’enquête progresse, l’étendue de la responsabilité de tout auteur présumé des crimes en cause sera évaluée, notamment, au regard de la nature du comportement illicite, du degré de participation et de l’intention de l’auteur, de tout mobile ayant un aspect discriminatoire et de tout abus de pouvoir ou de fonctions officielles .

Dans cette optique, la justice tiendra également compte des effets dissuasifs et explicites propres à chaque forme de responsabilité. La responsabilité des commandants et autres supérieurs hiérarchiques est une forme de responsabilité cruciale, en ce sens qu’elle constitue un moyen essentiel de garantir la prise en compte du principe de responsabilité du commandement et de mettre ainsi un terme à l’impunité des auteurs des crimes en cause et contribuer à leur prévention.

Concernant le principe de légalité, prévisibilité et clarté de la loi pénale

Si la légalité réclame une prévisibilité, elle ne signifie pas une rigidité qui empêcherait une adaptation de la législation pénale à de nouvelles situations et obligerait, sans cesse, à créer de nouvelles règles. Le Conseil constitutionnel a adopté une position qui n’est pas sans rappeler celle de la Cour européenne des droits de l’homme. Dans l’arrêt Sunday times rendu en 1979, le juge européen réclame que la loi soit suffisamment « accessible » : « le citoyen doit pouvoir disposer de renseignements suffisants, dans les circonstances de la cause, sur les normes juridiques applicables à un cas donné. (···) on ne peut considérer comme une loi qu’une norme énoncée avec assez de précision pour permettre au citoyen de régler sa conduite ; en s’entourant au besoin de conseils éclairés, il doit être à même de prévoir, à un degré raisonnable dans les circonstances de la cause, les conséquences de nature à dériver d’un acte déterminé. Elles n’ont pas besoin d’être prévisibles avec une certitude absolue : l’expérience la révèle hors d’atteinte ». Deux ans plus tard, dans sa décision des 19 et 20 janvier 1981, le Conseil tirait de l’article 8 de la Déclaration de 1789 « la nécessité pour le législateur de définir les infractions en termes suffisamment clairs et précis pour exclure l’arbitraire » et il précisera ensuite, que le législateur doit rédiger la loi « dans des conditions qui permettent au juge, auquel le principe de légalité impose d’interpréter strictement la loi pénale, de se prononcer sans que son appréciation puisse encourir la critique d’arbitraire ».

L’instauration de limites planétaires sous le contrôle et la surveillance d’une autorité scientifique compétente pour définir et mettre à jour ces seuils biologiques, de la même façon que le ministère de la transition écologique met à jour les listes d’espèces protégées, dont la destruction est sanctionnée par la loi pénale, ne peut donc pas se heurter au principe de légalité, prévisibilité et et clarté de la loi pénale.

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