Protection des jeunes mineurs contre les crimes sexuels — Texte n° 3939

Amendement N° 277 (Rejeté)

Publié le 11 mars 2021 par : Mme Maud Petit, Mme Goulet.

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Texte de loi N° 3939

Après l'article 4 quater (consulter les débats)

L’article 9-3 du code de procédure pénale est ainsi modifié :

1° Les mots : « et assimilable à la force majeure » sont supprimés ;

2° Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :

« L’obstacle de fait peut résulter d’éléments de nature psychique, telle que l'amnésie traumatique.»

Exposé sommaire :

L'amnésie dissociative (ou traumatique) correspond à un mécanisme dissociatif de sauvegarde que le cerveau déclenche pour se protéger de la terreur et du stress extrême générés par les violences subies. Rappelons-le, il s'agit d'un fait médical avéré, inscrit au DSM5 (Diagnostic and Statistical Manuel of mental disorders) et reconnu par l'OMS comme l'un des 4 éléments constitutifs de l'état de stress post-traumatique.

En l’état du droit actuel, nombre de victimes de crimes sexuels subissant une amnésie dissociative ne peuvent pas agir en justice pour obtenir la répression et la réparation des crimes qu’elles ont subi ;

Selon les études, 59,3% des victimes de violences sexuelles dans l’enfance ont des périodes d’amnésie totale ou parcellaire (Brière, 1993), ce qui ne leur permet pas alors d’accéder à la justice pendant des années, des décennies. Dans de nombreux cas, la prescription ne permet plus à ces victimes d’agir judiciairement.

Ce déni d’accès à la justice créé par notre droit constitue ainsi une violation des droits fondamentaux des victimes. Notre jurisprudence sur les causes de reports ou de suspension de la prescription méconnaît notamment les article 3, 6 et 14 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales portant respectivement sur la prohibition de la torture et autres traitements inhumains et dégradants, le droit d’accès à un tribunal et l’interdiction des discriminations ; C’est pourquoi le législateur doit intervenir pour clarifier la norme. Sans l’amendement proposé, cette situation ne changera pas malgré l’allongement programmé des délais de prescription. Rappelons d'ailleurs que si le Parlement ne prend pas cette mesure de correction du sens de la notion d’obstacle insurmontable, c’est la Cour européenne qui nous l’imposera. Une procédure est en effet pendante devant la Cour sur cette question (CEDH, M c. France, no 42821/18, affaire communiquée le 22 sept. 2020).

Le présent amendement propose donc de modifier l’article 9-3 de procédure pénale relatif à la notion d’obstacle insurmontable.

La première modification proposée consiste d’abord à ôter la notion de force majeure de ce texte, suivant en cela les recommandations d’universitaires ayant montré que cette notion n’avait rien à avoir avec la notion traditionnelle d’obstacle insurmontable. En effet, la chambre criminelle de la Cour de cassation ne s’est jusque-là jamais référée explicitement à la notion de force majeure pour apprécier l’existence d’un obstacle insurmontable, ce qui se comprend aisément lorsqu’on sait que cette notion n’est presque pas utilisée en droit pénal qui ne sait guère au demeurant la définir. De surcroît, l’utilisation dans la version actuelle du texte de l’adjectif « assimilable » ajoute à la confusion. S’agit-il ou non de la force majeure ou d’une notion dérivée ? Pour toutes ces raisons, il apparaît pleinement justifié d’enlever cette référence à la force majeure afin de clarifier l'interprétation de cet article, qui, en l'état est défavorable aux victimes de violences sexuelles souffrant d'amnésie traumatique.

La seconde modification apportée par l’amendement vise à s’opposer à la restriction indue du sens de la notion d’obstacle insurmontable opérée par la Cour de cassation et qui aboutit à rejeter l’existence d’un obstacle insurmontable en présence d’obstacle de nature purement psychique et non associés à des manœuvres positives de dissimulation. En effet, pour la Cour de cassation, cet obstacle doit résulter de manœuvres de l’auteur de l’infraction et ne peut pas donc pas prendre son origine dans un élément propre à l’individu, telle une amnésie dissociative comme dans une affaire jugée par la Cour de cassation en décembre 2013. Or la pathologie étant causée par un évènement extérieur, cet argument ne peut être retenu dans le cas de l'amnésie dissociative. Cette modification vise simplement à s’opposer à cette approche restrictive de l’obstacle insurmontable et non à remettre en cause l’exigence du caractère insurmontable.

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