Immigration maîtrisée droit d'asile effectif et intégration réussie — Texte n° 857

Amendement N° 947 (Rejeté)

(3 amendements identiques : 162 607 796 )

Publié le 16 avril 2018 par : Mme Ressiguier, Mme Autain, M. Bernalicis, M. Coquerel, M. Corbière, Mme Fiat, M. Lachaud, M. Larive, M. Mélenchon, Mme Obono, Mme Panot, M. Prud'homme, M. Quatennens, M. Ratenon, Mme Rubin, M. Ruffin, Mme Taurine.

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Supprimer l'alinéa 26.

Exposé sommaire :

Par cet amendement, nous proposons d'éviter que le Gouvernement marque un recul majeur en ce qui concerne les droits procéduraux des personnes qui ont été placés en rétention depuis 48 heures et qui contestent devant le juge des libertés et de la détention la prolongation de cette rétention (L. 552-12 du CESEDA).

En effet, le but de l'alinéa en cause est de supprimer la possibilité pour la personne concernée de refuser une téléaudience (suppression de la phrase : « à laquelle l'étranger dûment informé dans une langue qu'il comprend ne s'est pas opposé » à l'article L. 552-12 du CESEDA).

Ainsi, le Gouvernement souhaite systématiser le recours à des « télé-audiences » pour éviter de devoir convoquer physiquement et matériellement en bonne et due forme dans la salle d'audience d'une juridiction. Emmanuel MACRON et Gérard COLLOMB veulent inventer la « télé-justice ». A quand les juge-ordinateurs ?. Kafka avait donc raison : désormais une personne en rétention pourra être dans une salle (son interprète et son éventuel avocat de l'autre côté de l'écran auprès de la CNDA par exemple) seul face à … un écran.

Concrètement, voici les conditions dans lesquelles la justice française sera rendue : la personne en détention pourra se retrouver seule dans une pièce isolée face à un écran. Désormais il ne pourra plus s'opposer à ce format « Skype » de la justice. Et si jamais son avocat qui est présent à ses côtés souhaite transmettre des documents à la formation de jugement ? (ils sont actuellement directement enregistrés par le greffe et examinés) ?

Il s'agit là d'une question de droits fondamentaux, celle du droit à un procès équitable (article 6-1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales), et constitutionnelles d'un procès juste et équitable.

En effet, selon notre droit constitutionnel, le droit au recours a été consacré comme « une garantie essentielle des droits de la défense » (Conseil constitutionnel, décision n° 87-224 DC du 23 janvier 1987) qui a vocation à assurer le plein exercice des « libertés et droits fondamentaux de valeur constitutionnelle reconnus à tous ceux qui résident sur le territoire de la République » (Conseil constitutionnel décision n° 93-325 DC du 13 août 1993) et à être effectif (Conseil constitutionnel, décision n° 99-422 DC du 21 décembre 1999). En outre, le principe de la publicité des débats a été dégagé de la combinaison des articles 6, 8, 9 et 16 de la Déclaration des droits de l'Homme et du Citoyen de 1789 (Conseil constitutionnel, décision n° 2004-492 DC du 2 mars 2004). Parallèlement, à l'extension des droits qui constituent la notion de procès équitable, le Conseil, a consacré en 2005 un principe autonome du « procès équitable garanti par l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 » ( Conseil constitutionnel décision n° 2004-510 DC du 20 janvier 2005) (pour plus de détails, voir cet excellent article de Patrice Spinosi dont est reprise l'argumentation précédentehttp://www.conseil-constitutionnel.fr/conseil-constitutionnel/francais/nouveaux-cahiers-du-conseil/cahier-n-44/quel-regard-sur-la-jurisprudence-du-conseil-constitutionnel-sur-le-proces-equitable.141600.html#NOPAC2014-44-002-nbp-015).

Ainsi, que ce soit le pour respect du caractère contradictoire de la procédure, l'accès du public, l'existence d'une liaison de qualité assurant la confidentialité des échanges, la présence personnelle de l'avocat auprès de l'intéressé, la présence personnelle d'un interprète auprès de l'intéressé, le recours à des locaux spécialement aménagés pour permettre le bon déroulement de l'audience, le recours systématique à la télé-audience sans que le requérant ne puisse s'y opposer constitue non seulement une régression manifeste, mais aussi une méconnaissance probable des normes constitutionnelles et de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Comme le rappelle la CIMADE : « Les personnes étrangères sont traitées comme des justiciables de seconde zone » (https://www.lacimade.org/wp-content/uploads/2018/02/PJL_Asile_Immigration_Cimade_19022018-02.pdf ).

Là où le bât blesse, c'est aussi que le Gouvernement assume des calculs boutiquiers, (page 74 en estimant que la différence de coût par retenu entre une audience délocalisée (171,80 euros) et une escorte en cas de conduite de l'étranger au tribunal de grande instance (251,41 euros), était donc de 79,61 euros… Mieux vaut donc économiser 80 euros sur les droits d'une personne mise en rétention pour le Gouvernement, alors que justement sur 45 000 personnes en rétention en 2016, le taux d'exécution en métropole était de moins de 46% (environ 54% ont été ainsi mises en rétention et libéréeshttps://www.lacimade.org/wp-content/uploads/2017/06/Cimade_Rapport_Retention_2016.pdf)). La rétention est donc une mesure de sanction plutôt qu'une mesure de renvoi effective, et ce utilisée de manière généralisée et massive par le Gouvernement.

Enfin, selon la Contrôleure générale des lieux de privation de liberté (http://www.cglpl.fr/wp-content/uploads/2018/02/20180221_communiqu%C3%A9-projet-de-loi-%C3%A9trangers.pdf), dans ce cadre, la généralisation du recours à la visioconférence pour les audiences, sans le consentement des intéressés, est inacceptable. Outre des difficultés techniques souvent constatées, la visioconférence entraîne selon elle une déshumanisation des débats et nuit considérablement à la qualité des échanges. Le CGLPL rappelle ses recommandations antérieures, aux termes desquelles l'usage de ce moyen doit rester exceptionnel, et en aucun cas constituer une commodité pour l'administration. Elle doit en tout état de cause être soumise à l'accord de la personne concernée, soit l'inverse de ce que prévoit précisément cet article.

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