Intervention de Gérard Leseul

Séance en hémicycle du lundi 29 mars 2021 à 16h00
Lutte contre le dérèglement climatique — Motion de rejet préalable

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaGérard Leseul, SOC :

Ce texte devait être le grand projet de loi du quinquennat en matière de climat. Mais de rétrécissement en rétrécissement, de déception en déception, de renoncement en renoncement, il se transforme peu à peu en un grand désenchantement. Manque de lisibilité, de cohérence, d'accompagnement social : la grande transition climatique à réaliser nécessite plus de justice, condition sine qua non pour évoluer vers une société moins carbonée.

Les conséquences du réchauffement climatique seront aussi claires et imaginables que les prévisions que vous connaissez toutes et tous.

Les flux humains seront les premiers concernés, avec un nombre croissant de réfugiés climatiques. Alors que nous ne sommes déjà pas capables, aujourd'hui, d'accueillir dignement de nombreux exilés, notre pays se donnera-t-il les moyens de pouvoir tendre la main demain ?

Les conséquences du réchauffement climatique sur les milieux naturels seront évidemment lourdes, touchant fortement la biodiversité et entraînant, vous le savez, des retombées sur la production d'eau potable, le tourisme et l'agriculture – nous en avons parlé tout à l'heure.

Tous les sinistres climatiques auront non seulement un coût humain considérable, mais également un coût économique énorme. Deux grandes fédérations professionnelles, la fédération bancaire française (FBF) et la fédération française de l'assurance (FFA), tentent d'en faire le chiffrage : la fédération française de l'assurance l'estime à près de 100 milliards d'euros entre 2014 et 2039, soit une augmentation de 90 % par rapport à la période 1988-2013. Ce coût pourrait être plus élevé encore si des mesures de prévention des catastrophes ne sont pas mises en place.

Madame la ministre, ce texte permettra-t-il de respecter les accords de Paris, qui ont pour objectif de limiter le réchauffement climatique à 1,5 degré et de respecter la stratégie nationale bas-carbone ? À nos yeux, la réponse est non.

Il y a quelques semaines, le Conseil économique, social et environnemental – CESE – vous a avertie : « Alors qu'il faudrait tripler le rythme annuel de réduction des émissions et les diviser par six d'ici 2050, les mesures apparaissent souvent limitées, différées, ou soumises à des conditions telles que leur mise en oeuvre à terme rapproché est incertaine. »

Le Haut conseil pour le climat vous a également alertée, évoquant là encore des périmètres d'application trop restreints et des délais d'exécution trop longs, tout comme les citoyens de la Convention citoyenne pour le climat, qui ont montré leur déception en délivrant au projet de loi la note de 2,5 sur 10.

Enfin, les différentes organisations non gouvernementales – ONG – et les citoyens vous ont alertée, pas plus tard qu'hier après-midi, en descendant pacifiquement dans les rues pour exprimer leurs attentes, mais aussi leur mécontentement sur le texte proposé.

Pourtant, j'ai entendu tout à l'heure un satisfecit continu : après toutes les réserves émises par les différentes institutions, les organismes et conseils indépendants, comment pouvez-vous encore parler de « grandes ambitions » ?

Je regrette également que, par le jeu des irrecevabilités, vous n'ayez malheureusement pas entendu nos propositions en commission spéciale. Pourtant, nous en avions formulé de nombreuses, que ce soit en matière de transport ferroviaire, de fret fluvial, de sobriété numérique, de gestion forestière ou de gaspillage alimentaire.

Toutes ces raisons nous poussent aujourd'hui à réclamer un texte plus juste et à voter en faveur de la motion de rejet préalable présentée.

En effet, toutes les mesures que vous proposez dans ce texte n'entreront en vigueur qu'à une date très lointaine, bien souvent au-delà de 2022. Plutôt que d'adopter un texte écorné, profitons du moment pour retravailler collectivement ce grand projet de société que vous appeliez aussi de vos voeux : proposons un accompagnement social digne de ce nom, une véritable obligation de rénovation globale des logements, l'instauration d'un prêt à taux zéro couplé à un reste à charge nul pour l'achat d'un véhicule peu émetteur de gaz à effet de serre, l'application d'une TVA réduite pour les produits locaux et les transports en commun. Tout cela, nous l'avons proposé, mais vous ne l'avez pas retenu.

Pourquoi avoir abandonné l'instauration d'une taxe sur les dividendes, alors qu'elle aurait justement pu être le socle de justice permettant la réussite de ce grand projet de transition ? Profitons de ce texte pour enclencher une nouvelle ère industrielle verte et créer des emplois dans les territoires, en lien avec des circuits courts et la solidarité. Redonnons du sens à nos vies à travers un grand objectif de préservation de notre patrimoine naturel, sur lequel la France doit exercer sa souveraineté.

Soyons responsables : ce texte doit préserver les générations futures, et nous ne pouvons pas remettre à demain les efforts qui doivent être réalisés aujourd'hui, alors travaillons sur les référés environnementaux et l'instauration d'un crime d'écocide.

Quel monde voulons-nous laisser aux générations suivantes ? La voie centrale, qui a été rappelée tout à l'heure par nos collègues de la majorité, manque cruellement d'ambition : entendons les préoccupations légitimes et la mobilisation des milliers de nos concitoyens qui ont marché partout en France hier. N'oublions pas, mes chers collègues, que « nous n'héritons pas de la terre de nos ancêtres, nous l'empruntons à nos enfants. » Travaillons donc à rendre le texte plus ambitieux : proposons un projet de loi à la hauteur des enjeux, proposons une vraie loi pour le climat !

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