Intervention de Michel Castellani

Séance en hémicycle du mardi 30 mars 2021 à 15h00
Droit au respect de la dignité en détention — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMichel Castellani :

Le texte, dans sa version issue de la commission mixte paritaire, ne comporte pas de changement majeur par rapport à celui que nous avions soutenu en première lecture. Le groupe Libertés et territoires votera donc cette proposition de loi, qui répond à une urgence : les détenus doivent disposer d'un droit de recours effectif.

Actuellement, les détenus qui s'estiment victimes de conditions de détention inhumaines peuvent seulement former un recours devant le juge des référés. Cette situation a été dénoncée par la Cour européenne des droits de l'homme, par la Cour de cassation et par le Conseil constitutionnel, qui a demandé au législateur d'agir dans sa décision du 2 octobre dernier relative à une QPC.

Ainsi, le texte met en oeuvre la demande formulée par le Conseil constitutionnel : les détenus pourront désormais saisir le juge judiciaire s'ils estiment être victimes de conditions de détention indignes. Rappelons tout de même qu'en France, la surpopulation carcérale est l'une des causes principales des conditions de vie particulièrement inhumaines des détenus.

Si nous nous satisfaisons de la proposition de loi, nous tenons une fois de plus à exprimer notre étonnement : il aura fallu bien des condamnations en justice pour que ce droit élémentaire soit enfin rendu effectif. Et encore, c'est par le biais d'une proposition de loi issue du Sénat, et non d'un projet de loi, que nous réparons cette injustice.

Nous souhaitons émettre plusieurs remarques. La plus importante concerne la décision de transfèrement ; nous trouvons dommage que la majorité n'ait pas entendu les demandes formulées par plusieurs groupes à ce sujet. Il ne faudrait pas que le transfèrement devienne une décision de facilité, qui conduirait à envoyer l'individu dans une prison où les conditions de détention sont similaires, ou à ce que le détenu ayant obtenu gain de cause soit remplacé par un nouveau détenu, qui se retrouverait dans les mêmes conditions inhumaines.

En outre, si la proposition de loi mentionne que la décision de transfèrement pourra prendre en compte la vie privée et familiale du détenu, nous trouvons dommage que le Gouvernement ait rejeté les amendements proposés par plusieurs groupes visant à ce qu'un examen approfondi de la situation familiale du détenu soit réalisé. Il n'est pas concevable qu'un détenu soit éloigné de sa famille car il aura eu gain de cause concernant ses mauvaises conditions de détention !

Surtout, s'agissant du rapprochement familial des détenus, nous souhaitons vous alerter sur la nécessité d'appliquer la loi actuelle. En effet, de nombreux détenus sont obligés de vivre loin de leur famille et de leur terre, alors même que le lien social et familial est absolument crucial, on le sait, pour permettre la réinsertion des personnes condamnées dans la société. Depuis longtemps, nous demandons que des décisions soient prises pour permettre le rapprochement des détenus, en particulier en Corse. Vous le savez, monsieur le garde des sceaux, trop de détenus corses sont incarcérés sur le continent. En demandant leur retour sur l'île – à proximité de leurs familles, là où ils ont leurs attaches – , nous ne voulons, en somme, qu'une chose : l'application de la loi. Faudra-t-il là encore une condamnation de la France par la Cour européenne des droits de l'homme pour que l'État applique simplement le droit ?

Derrière le non-respect de la dignité humaine en détention et la surpopulation carcérale, la question de fond est, plus largement, celle de notre système pénal. Notre groupe considère qu'une réforme globale du système des peines est nécessaire, dans le sens de mesures plus efficaces pour lutter contre la récidive. En effet, nombre d'études montrent que nos prisons sont devenues de véritables écoles de la délinquance. C'est par l'éducation, par l'insertion dans la société grâce au travail, par la réparation des faits commis pour mieux en prendre conscience et par le lien social que l'on prévient la récidive, et non par l'incarcération, laquelle doit être réservée aux délinquants les plus dangereux. Ainsi, les peines alternatives doivent être développées beaucoup plus massivement qu'elles ne le sont actuellement.

Je l'ai dit, nous voterons la proposition de loi, en souhaitant qu'elle soit applicable le plus rapidement possible pour les personnes incarcérées dans des conditions indignes. Nous espérons en outre que le Gouvernement a bien pris conscience de la nécessité de transformer notre système carcéral et que la réforme à venir de la justice comportera des mesures permettant de désengorger les prisons dans la durée.

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