Intervention de Sandrine Mörch

Séance en hémicycle du jeudi 8 avril 2021 à 9h00
Protection patrimoniale et promotion des langues régionales — Article 2 ter

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaSandrine Mörch :

Comme souvent, je vais me référer à mes trente ans d'expérience de journaliste, au cours desquels j'ai arpenté en long et en large, dans ses moindres recoins, notre territoire : j'ai vu au fur et à mesure s'étioler, voire disparaître, nos villages Renaissance, nos produits gustatifs, nos champs, nos danses, nos paysans et la colonne vertébrale de tout cela, à savoir la langue locale. Beaucoup la redécouvrent aujourd'hui, non pas, hélas, parce qu'ils auraient écouté leurs vieux, mais parce qu'ils sentent qu'il y a là une source vivante qui peut contrebalancer leur déracinement. L'état de notre soi-disant petit patrimoine est pitoyable, on l'a complètement laissé dépérir. Et aujourd'hui, ce sont des racines que l'on cherche désespérément à recréer, ce sont des ancrages que beaucoup, y compris des jeunes en perdition, en manque de sens, en manque de famille au sens large, tentent de trouver en revenant dans ces territoires à l'abandon.

Les langues régionales sont une véritable source de joie partagée et régénérante, chose non négligeable par les temps qui courent. Comment croyez-vous que les personnes âgées qui sont confinées toute l'année – pas uniquement pendant le covid – dans leur village ou dans leur maison isolée tiennent bon, sinon grâce à leur culture commune et grâce à leur langue ? Je rappelle aussi qu'en Occitanie, les calendrettes permettent de lutter contre le repli car si tous les élèves n'y sont pas d'origine occitane, bien au contraire, elles leur offrent un ancrage commun, antidote au racisme et à l'enfermement.

Certains visionnaires ont consacré leur vie à collecter ce trésor national que sont les expressions, les tournures, les non-dits, les chants, la musique, la danse, et le jour où quelqu'un – un média, par exemple – s'y intéressera, ce sera jubilatoire pour nous tous… mais peut-être trop tard.

C'est un grand jour pour les amoureux et les défenseurs de ces langues si fragiles, un grand jour pour tous leurs pratiquants dans nos territoires. Mais ces langues n'ont pas d'avenir sans une réelle volonté politique et journalistique, car tenues à l'écart des médias nationaux depuis au moins l'ORTF ou maintenues dans de petites niches, elles ne sauraient rivaliser avec le français – qui disparaîtra un jour de la même manière dans le reste du monde. C'est pourquoi il est nécessaire de faire un effort symbolique en valorisant ces langues dans tous les territoires et en affirmant une volonté de préserver ces richesses culturelles.

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