Intervention de Jacqueline Gourault

Séance en hémicycle du jeudi 30 novembre 2017 à 9h30
Compétences des collectivités territoriales dans le domaine de la gestion des milieux aquatiques et de la prévention des inondations — Présentation

Jacqueline Gourault, ministre auprès du ministre d'état, ministre de l'intérieur :

Oui, en Alsace ou dans le Territoire de Belfort, par exemple. Monsieur Fesneau, je sors d'une réunion à Matignon sur la préparation de la conférence nationale des territoires, qui se tiendra le 14 décembre, et je peux dire aux auteurs de la proposition de loi que M. Dominique Bussereau, président de l'Assemblée des départements de France et du conseil général de la Charente-Maritime, a dit sa satisfaction devant la réintroduction des départements dans les dispositions relatives à la GEMAPI. Je vous proposerai tout à l'heure d'étendre cette faculté aux régions qui exerçaient des attributions en ce domaine et qui veulent continuer de le faire, car certaines se sont manifestées et nous avons, là aussi, souhaité les entendre ; c'est le même principe et la même réflexion.

Stabilité et continuité peuvent aller de pair avec les améliorations. Le travail parlementaire a permis d'identifier certaines questions pour lesquelles, en effet, notre droit pouvait être amélioré. Là encore, le Gouvernement y est favorable, dans la droite ligne de la philosophie de la conférence nationale des territoires. C'est le cas de la difficile question de la responsabilité. Des réponses doivent en effet être données à l'inquiétude des élus, qui se voient transférer des ouvrages et craignent d'être immédiatement tenus responsables de leurs imperfections, de leurs fragilités, voire de leurs défaillances. Une réponse claire et opérationnelle pourra être inscrite dans la loi, le temps que les décisions soient prises en matière de stratégie d'endiguement.

C'est aussi le cas – et c'est un sujet qui m'est cher – de la libre organisation des collectivités. La semaine passée, le Président de la République évoquait la nécessité de développer des approches pragmatiques et différenciées, permettant aux élus d'innover. Dans le domaine de la GEMAPI, cela nous semble également nécessaire. C'est la raison pour laquelle nous souhaitons acter dans la loi la sécabilité des différentes composantes de cette compétence, qui pourront chacune être organisées, ou transférées, de la manière que les élus intercommunaux jugeront la plus appropriée. Votre proposition de loi le rend possible et le Gouvernement y est favorable.

Mesdames et messieurs les députés, nous aurons tout à l'heure un débat, car si nous avons souhaité conforter ce qui existe et qui fonctionne, si nous avons soutenu les initiatives tendant à améliorer la loi en précisant ce qu'elle ne disait pas ou à faciliter la libre organisation des collectivités dans l'exercice de leurs compétences, le Gouvernement ne souhaite pas pour autant, à cette occasion, revisiter en profondeur des éléments structurants du paysage des institutions locales. Nous avons certes voulu permettre la stabilisation des structures existantes, pour favoriser la prise de compétence des intercommunalités. La proposition de loi donne à cet effet beaucoup de libertés ; pour ce qui est de la GEMAPI, elle donne même toutes les libertés possibles : sécabilité fonctionnelle de la compétence, sécabilité territoriale de son exercice, prise de compétence anticipée, implication possible des régions et des départements et organisation partagée de la compétence par voie de conventions. Ce texte, mesdames et messieurs les députés, va très loin dans la liberté et la confiance accordées aux collectivités : il leur donne toute latitude pour s'organiser.

Faut-il pour autant aller plus loin et réformer les règles fondamentales de l'organisation des institutions locales ? Notre droit interdit l'adhésion d'un syndicat mixte ouvert à un autre syndicat mixte ouvert. Ce n'est pas nous qui avons inventé cette règle ; il s'agit d'un héritage. Ce n'est pas par volonté de brider les libertés locales, mais au contraire pour protéger les collectivités et assurer la capacité de pilotage de leurs élus dans les compétences qu'ils confient à des syndicats. Cette règle permet en effet d'assurer la lisibilité de l'organisation des compétences, la simplicité des financements et la clarté de la gouvernance. En effet, autoriser l'empilement de structures syndicales et en favoriser l'imbrication, c'est permettre le transfert en cascade de l'exercice des compétences et de leur financement.

Mais je voudrais également vous dire que ce n'est pas conforme aux intérêts des collectivités, qui se priveraient ainsi des moyens de contrôler réellement les financements consentis et les modes d'exercice des compétences transférées, c'est-à-dire leurs propres pouvoirs. Ce n'est pas non plus conforme aux dispositions du code général des collectivités territoriales, qui prescrivent une organisation rationnelle et lisible de la coopération intercommunale. Or le Gouvernement confirme souscrire à cet objectif : les libertés locales peuvent aller de pair avec la clarté et la simplicité des organisations locales. C'est le sens de l'important travail réalisé partout en France ces dernières années, qu'il nous faut respecter.

Je voudrais plus encore vous dire qu'une telle architecture favorisant l'imbrication et l'empilement des structures n'est pas non plus conforme aux principes fondateurs de la démocratie locale. À celui de la responsabilité des élus, tout d'abord, qui doivent, devant les administrés et devant les électeurs, assumer la responsabilité fiscale du financement de la compétence GEMAPI et être en mesure d'en rendre compte. Des gouvernances complexes et des financements en cascade entre structures multiples ne le permettent pas et complexifient les choses. À celui, ensuite, de la place centrale des collectivités, dirigées par des conseils élus, dans la gouvernance des politiques décentralisées. À partir de 2020, il sera d'ailleurs interdit de faire présider des syndicats par des personnalités qualifiées – ce qui était parfois le cas, y compris dans de très grands syndicats. Dans la gouvernance locale de GEMAPI – comme des autres compétences – , la place centrale doit en effet revenir aux élus locaux. C'est aux élus des intercommunalités, parce qu'ils sont les élus d'un territoire particulier, qu'il revient de siéger dans les EPAGE et les EPTB. Il est donc parfaitement légitime et naturel que seuls les élus des intercommunalités, en qualité de représentants de ces dernières, siègent dans les enceintes de gouvernance syndicale.

Pour le reste – j'aurai l'occasion de vous le préciser – , la loi a déjà permis d'organiser une coopération complète entre syndicats mixtes ouverts dans le domaine de la GEMAPI, qui peut s'exercer aisément par voie de conventions. De même, les syndicats à la vocation la plus large, c'est-à-dire les établissements publics territoriaux de bassin, peuvent même intervenir dans le ressort d'autres syndicats, sans qu'il soit nécessaire qu'existe une adhésion : la loi l'a déjà prévu.

L'adhésion croisée de syndicats n'a donc pas de justification technique. Certes, elle peut avoir des justifications historiques, et faciliter la cristallisation de situations existantes, mais elle présente les inconvénients très importants de complexification et de déresponsabilisation que j'ai indiqués. Le Gouvernement ne veut pas taire les graves inconvénients de la solution proposée : nous estimons utile d'avoir ce débat à l'occasion de l'examen de cette proposition de loi.

J'ai donc déposé des amendements visant à revenir sur ces questions afin d'en bien peser les implications. En tout état de cause, ces implications sont si importantes qu'elles doivent – pour le Gouvernement – être envisagées avec la plus grande prudence, dans le seul domaine de la GEMAPI et dans le seul cas des structures spécifiques qui sont constituées sous la forme d'EPAGE et d'EPTB.

Toutefois, mesdames et messieurs les députés, je voudrais pour conclure revenir sur le signal très positif que constitue cette proposition de loi à laquelle le Gouvernement est dans son ensemble, très favorable. Cette proposition matérialise notre souhait d'adapter la loi, lorsque c'est nécessaire, pour permettre aux libertés locales de s'exprimer pleinement, pour tenir compte des initiatives prises par les collectivités et de ce qui fonctionne. Elle concrétisera en effet les premiers engagements pris dans le cadre de la conférence nationale des territoires. Elle confirme que cet état d'esprit n'est pas que de façade : les engagements pris sont tenus – et tenus assez rapidement, en six mois.

Par son soutien à la présente proposition de loi, le Gouvernement démontre qu'il est à l'écoute des territoires…

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