Intervention de Vincent Bru

Séance en hémicycle du jeudi 30 novembre 2017 à 21h30
Résidence de l'enfant en cas de séparation des parents — Motion de rejet préalable

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaVincent Bru, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République :

Je voudrais d'abord saluer les différents orateurs qui se sont exprimés pour le ton qu'ils ont donné à cette soirée. Malgré leur opposition à cette proposition de loi, ils se sont exprimés d'une manière courtoise, modérée, réfléchie et non polémique. Nous avons évidemment été sensibles aux arguments qu'ils ont présentés, mais nous pensons, comme l'a dit Mme la ministre, qu'ils se méprennent sur le contenu de cette proposition de loi.

Madame Danièle Obono, vous avez pour habitude de présenter les choses à votre manière. J'ai été sensible au fait que vous ayez rappelé les sources internationales des droits de l'enfant. J'ai même été agréablement surpris de vous entendre citer la Déclaration des droits de l'enfant de 1959. Celle-ci n'avait pas de valeur juridique, mais elle s'est heureusement transformée, longtemps après, en 1989, en Convention internationale relative aux droits de l'enfant, laquelle oblige les États qui l'ont signée et ratifiée.

Je voudrais simplement vous rappeler quelques règles. Lorsque vous dites que cette proposition de loi rend la résidence alternée automatique, qu'elle en fait une solution généralisable, et même obligatoire et imposée – et vous rejoignez en cela M. Peu – vous vous méprenez profondément sur le sens de notre texte. Ce n'est pas du tout l'objet de cette proposition de loi. Celle-ci n'impose pas une résidence alternée équilibrée entre le père et la mère. Rien, dans ce texte, ne contraint si peu que ce soit la volonté des parents, à condition que l'intérêt supérieur de l'enfant soit respecté.

Bien au contraire, le texte dispose que « la résidence de l'enfant est fixée au domicile de chacun des parents » – il s'agit d'une inscription administrative – mais en précisant « selon les modalités de fréquence et de durée déterminées par accord entre les parents ou par le juge ». Autrement dit, il s'agit bien de faire du sur-mesure, du cas par cas, et non d'imposer une solution unique, comme vous l'avez sous-entendu, quelles que soient les circonstances et quels que soient les cas de figure. Cette proposition de loi s'inspire fondamentalement de l'intérêt supérieur de l'enfant. Or l'intérêt supérieur de l'enfant, c'est de bénéficier du droit de ses deux parents. Ce ne sont pas les parents qui ont des droits sur les enfants, mais les enfants qui ont des droits sur les parents.

Les spécialistes que nous avons entendus nous ont dit, même s'il existe sans doute des désaccords entre les différentes écoles de pédopsychiatrie, que la présence du père, pas forcément « égalitaire », mais régulière, a une incidence sur l'évolution et l'épanouissement de l'enfant. C'est la raison pour laquelle l'article 1er, qui introduit le principe de la résidence partagée, précise aussi que les modalités de fréquence et de durée sont déterminées par accord entre les parents. Et il me semble que c'est l'intérêt de l'enfant que ses parents, quel que soit leur vécu, quelle que soit leur histoire, quelle que soit leur situation, soient en mesure de décider ensemble de ces modalités de fréquence et de durée.

Par ailleurs, ce texte n'écarte pas le juge. Il est en effet indiqué que celui-ci peut, lorsque c'est nécessaire, fixer lui-même ces modalités de fréquence et de durée. Le juge n'est donc pas écarté et j'en veux pour preuve supplémentaire que lorsque l'intérêt supérieur de l'enfant est en jeu, il peut décider de fixer la résidence de l'enfant au domicile de l'un des parents – c'est ce que dispose l'alinéa 3 de l'article 1er.

La commission a d'ailleurs adopté un amendement de Mme Caroline Abadie qui concerne les cas où l'autorité parentale a été confiée par le juge à l'un des parents, et non aux deux parents, par exception au principe contenu dans la loi de 2002. Dans ce cas, la résidence de l'enfant est évidemment fixée au domicile du parent qui, par décision du juge, a seul l'autorité sur l'enfant. Vous le voyez, le juge est au coeur du dispositif et, lorsque l'intérêt de l'enfant impose une dérogation au principe posé à l'alinéa 1er du texte, il faut que le juge le dise et qu'il en dispose autrement.

Je donnerai quelques exemples, tirés de la pratique actuelle. Il y a tout un débat, que vous connaissez mieux que moi, madame Obono, sur la garde alternée pour les enfants en très bas âge – c'est-à-dire, en général, les enfants de moins de 3 ans, mais certains pédopsychiatres vont jusqu'à 5 ans, 6, voire pour quelques-uns 7 ans. C'est dire combien le débat est complexe, si même les scientifiques ne sont pas d'accord sur cette question.

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