Intervention de Jean-Charles Colas-Roy

Séance en hémicycle du vendredi 1er décembre 2017 à 9h30
Fin de la recherche et de l'exploitation des hydrocarbures — Présentation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Charles Colas-Roy, rapporteur de la commission du développement durable et de l'aménagement du territoire :

Monsieur le président, monsieur le ministre d'État, madame la présidente de la commission du développement durable et de l'aménagement du territoire, madame la rapporteure pour avis de la commission des affaires économiques, chers collègues, nous voici de nouveau réunis pour discuter de ce projet de loi mettant fin à la recherche ainsi qu'à l'exploitation des hydrocarbures et portant diverses dispositions relatives à l'énergie et à l'environnement. Entre la commission et la séance en première lecture, la commission mixte paritaire qui n'a pas abouti au Sénat, la commission et la séance d'aujourd'hui en nouvelle lecture, c'est pour la cinquième fois que je suis conduit à faire un discours sur ce texte – l'expérience me permettra d'ailleurs de faire un retour au président François de Rugy sur les possibles simplifications de nos procédures législatives – et j'irai donc à l'essentiel, dans mon intervention, car beaucoup de choses ont déjà été dites et répétées sur le texte.

La commission mixte paritaire, qui s'est réunie le 21 novembre dernier pour tenter de trouver une voie de compromis entre l'Assemblée nationale et le Sénat, a donc consacré un désaccord sur le texte, mais aussi et surtout l'expression de deux visions largement divergentes de la transition écologique et de la nécessaire lutte contre les changements climatiques. Certes, trois articles du projet de loi ont pu être adoptés dans les mêmes termes par les deux assemblées, et quelques ajouts présentant un intérêt et une utilité indéniables ont été introduits par le Sénat. C'est notamment le cas pour le nouvel article 6 ter permettant aux communes d'accompagner le déploiement des points de ravitaillement des véhicules en gaz ou en hydrogène ; pour le nouvel article 10, qui constitue une réforme des règles relatives au transport maritime des hydrocarbures ; ou pour le nouvel article 11 qui constitue un aménagement bienvenu du dispositif des certificats d'économie d'énergie.

En revanche, sur les points centraux et fondamentaux du projet de loi, force est de constater que le Sénat a introduit un certain nombre d'exceptions pour dénaturer le texte et le vider de sa portée concrète. Ces différentes dérogations illustrent une vision passéiste et défensive de la transition écologique. Citons par exemple : la dérogation pour les hydrocarbures non-énergétiques – contresens majeur, comme vous l'avez dit, monsieur le ministre d'État, sur ce que doit être l'évolution de notre modèle industriel pour les prochaines décennies – ; la dérogation en cas de valorisation pour des usages connexes ; la dérogation pour accepter les demandes de permis déposées avant le 6 juillet 2017, avec pour conséquence de doubler le nombre de permis en cours de validité ; la dérogation pour les outre-mer, au moment même où tous nos territoires devraient se tourner vers les énergies d'avenir plutôt que vers les énergies fossiles.

Vous l'aurez compris, mes chers collègues, il y a des désaccords qui ont le mérite de la clarté. À l'Assemblée nationale, pour notre part, nous voulons un texte ambitieux et concret. Nous ne voulons pas nous cacher derrière notre petit doigt en introduisant, comme l'a fait le Sénat, une série d'exceptions qui viendraient vider le projet de loi de son sens politique et de sa portée pratique. Nous allons envoyer un signal fort, en faisant de la France le premier pays au monde à décider de laisser ses hydrocarbures dans le sous-sol.

Pour ce nouveau passage dans l'hémicycle, je vous propose – et vous ne serez pas surpris – de revenir, pour la très grande majorité des articles, au texte que nous avions adopté en première lecture. La commission du développement durable, au cours de sa réunion du 22 novembre dernier, a adopté 115 amendements. Parmi les principales modifications apportées au texte figurent notamment : la réintroduction de l'article 1er A qui ratifie l'ordonnance du 20 janvier 2011 portant codification de la partie législative du code minier ; la suppression des dérogations insérées au Sénat ; le rétablissement de l'article 2 dans sa version issue de l'Assemblée ; la réintroduction de la demande de certains rapports, par exemple sur l'intensité carbone des hydrocarbures importés.

Le ministre d'État, Nicolas Hulot, l'a souvent rappelé pendant les débats à l'Assemblée nationale : ce projet de loi mettant fin à la recherche ainsi qu'à l'exploitation des hydrocarbures est un texte symbolique, mais pas seulement. La position du Sénat, anachronique à bien des égards, prouve d'ailleurs que le texte ne se cantonne pas au symbole, mais qu'il engage très concrètement la France dans un développement économique post-pétrole plus durable et plus juste.

Aujourd'hui nous traitons, avec ce projet de loi, de la partie production des hydrocarbures : c'est une impulsion vers d'autres dispositifs qui seront bien sûr nécessaires – en particulier, un ensemble de mesures et de lois qui interviendront, au fil du quinquennat, pour agir également sur la baisse de la consommation énergétique, sur le financement de la transition écologique et sur le développement des énergies nouvelles.

La COP23 vient de s'achever en Allemagne, sous la présidence des Fidji, pays ami et placé en première ligne pour constater les conséquences dramatiques liées aux changements climatiques. En parallèle, il y a quelques jours, 15 000 scientifiques de 184 pays lançaient un appel, d'une ampleur sans précédent, pour dénoncer la dégradation catastrophique de notre environnement. Face à une telle situation, ne restons pas indifférents et soyons au rendez-vous de l'Histoire. Si nous voulons voir émerger un modèle de société plus durable, il nous faut assumer nos responsabilités et laisser les énergies fossiles dans le sous-sol, en considérant qu'elles ne représentent plus l'avenir.

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