Intervention de Laure de La Raudière

Séance en hémicycle du vendredi 1er décembre 2017 à 9h30
Fin de la recherche et de l'exploitation des hydrocarbures — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaLaure de La Raudière :

Monsieur le président, monsieur le ministre d'État, madame la présidente de la commission du développement durable, monsieur le président de la commission des affaires économiques, monsieur le rapporteur, madame la rapporteure pour avis, mes chers collègues, oui, ce projet de loi est symbolique. Il n'y a rien de péjoratif à dire cela, même s'il y a quelquefois derrière cet adjectif un manque d'actions concrètes. Mais la lutte contre le réchauffement climatique passe sans doute, elle aussi, par des symboles.

Commençons par les points positifs, monsieur le ministre d'État. Il y a un aspect qui nous réjouit, au groupe UDI, Agir et indépendants, et qui met tout le monde d'accord : c'est le refus de l'exploitation et de l'exploration du gaz de schiste. Depuis la loi de 2011, les majorités qui se sont succédé ont toujours soutenu cette position. Le débat devrait donc être définitivement tranché. C'est d'ailleurs un point d'accord entre le Sénat et l'Assemblée. Même si la définition des méthodes non conventionnelles prête encore à discussion, je suis certaine que nous arriverons à des règles incontournables. La France doit fermer la porte au gaz de schiste. Ce texte le réaffirme, et c'est une bonne chose. Pour les autres hydrocarbures, disons-le tout de suite : le groupe UDI, Agir et indépendants partage l'objectif du Gouvernement de vouloir ouvrir le passage à l'ère des énergies décarbonées, à l'ère post-pétrole ; il va dans le sens de l'histoire.

Plus globalement, la réduction de nos émissions de gaz à effet de serre est un impératif vital et nécessite d'être coordonnée au niveau international. Tout au long de la conférence de Bonn sur le dérèglement climatique, dite COP23, les rapports alarmistes se sont succédé : en l'état, la hausse de la température serait non pas de deux degrés, mais de trois degrés, seulement un tiers des réductions nécessaires des émissions de gaz à effet de serre ayant été réalisé. Aujourd'hui pourtant, nous sommes bien embarrassés par des objectifs législatifs adoptés pour le symbole durant la précédente législature, et parfois irréalistes. Vous savez mieux que quiconque, monsieur le ministre d'État, que c'est le cas pour le nucléaire. Ces textes n'avaient d'autres objectifs qu'un effet d'affichage et de communication politique. S'il vous plaît, arrêtons de légiférer ainsi, nous ne faisons pas du bon travail !

La première lecture a permis de lever un certain nombre de doutes, notamment sur les usages connexes : deux de nos amendements ont été adoptés afin que les installations puissent être rétrocédées ou reconverties en vue de leur utilisation pour d'autres usages du sous-sol – la géothermie, par exemple – et, cinq ans avant la fin de la concession, l'exploitant remettra un dossier présentant le potentiel de reconversion. Ces amendements sont tout à fait constructifs : en effet, il ne faut pas s'empêcher de produire après 2040, mais il faut faire en sorte que la production soit plus en phase avec les besoins du moment.

Pour le reste, vouloir être un exemple, c'est bien. Mais j'invite nos collègues de la majorité à rester humbles : ce texte n'est pas une révolution, et surtout je crains qu'il ne prenne le problème à l'envers. N'oublions pas que la transition écologique ne se décrète pas : elle s'accompagne. Notre consommation est encore élevée et nous met forcément dans une situation de dépendance vis-à-vis de pays exportateurs. En 2040, dans le meilleur des cas, notre pays consommera encore 20 % d'énergies fossiles… que nous devrons donc importer ! Comme je l'avais souligné en première lecture, notre pays ne produit que 1 % de sa consommation d'hydrocarbures, et on va donc continuer à importer, ce qui va nous coûter cher et n'améliorera ni notre balance commerciale ni notre bilan environnemental. Interdire la production d'hydrocarbures uniquement sur le territoire national n'a donc de sens que si tout est fait au niveau international pour réduire la consommation des énergies fossiles. Je souligne à ce stade de mon intervention une contradiction du Président de la République : il a dit qu'il ne fallait pas durcir les normes européennes en la matière alors que, comme d'autres pendant la campagne, il avait déclaré que ce que nous décidons en la matière devait être défendu au niveau européen, et même d'abord mis en oeuvre à ce niveau avant d'être appliqué en France. Pour ma part, j'aimerais en effet que ce soit le cas.

Tout le travail que nous effectuons ici, et vous le savez, monsieur le ministre d'État, sera inutile tant que des alternatives aux énergies fossiles, économiquement et écologiquement viables, n'auront pas été généralisées dans tous les secteurs économiques. Je suis convaincue que ce sera le cas et que les énergies renouvelables seront bientôt exploitables à des coûts compétitifs par rapport aux énergies conventionnelles. Mais le texte est-il à cet égard utile ? Je ne le crois pas vraiment. Il ne propose aucune solution pour faciliter cette transition alors qu'il y a des habitudes à changer, des équipements à renouveler, des pratiques industrielles à faire évoluer et un travail de la puissance publique à accomplir pour accompagner tous ces changements. Cette loi ne suffira donc pas.

L'examen au Sénat, vous l'avez rappelé, monsieur le ministre d'État, n'a quant à lui pas été inutile. Je regrette l'échec de la commission mixte paritaire, car cela nous conduit à discuter à nouveau d'un texte qui, pour les raisons que je viens d'évoquer, n'est pas majeur. Les sénateurs ont soulevé des questions légitimes, par exemple sur les usages non énergétiques, sur la recherche publique, sur la conversion à d'autres activités économiques et sur la date de départ de prolongation des permis. Ces questions doivent trouver des réponses claires et sans dogmatisme lors de cette nouvelle lecture.

S'agissant des dispositions diverses relatives à l'énergie, nous pouvons tous saluer le travail des sénateurs : je pense à l'article 4 sur le gaz naturel, où l'habilitation à légiférer par ordonnance a été remplacée en grande partie par une inscription directement dans la loi, ce qui est toujours de bon augure. Même si des habilitations subsistent – dont une sur le délestage – , la concertation a eu lieu et il faut donc agir pour une application rapide d'ici à l'hiver prochain. Je salue également la modification de l'article 6 : les critères pour les biocarburants doivent aussi s'appliquer à ceux importés hors Union européenne, dans le respect des règles du commerce international. Notre collègue Paul Christophe, député du groupe UDI, Agir et indépendants, avait déposé un amendement similaire en première lecture, qui avait été rejeté. Je me réjouis que ce problème ait finalement pu être réglé lors de la navette parlementaire.

Mes chers collègues, monsieur le ministre d'État, je saisis l'occasion que m'offre cette tribune pour insister à nouveau sur la réforme du code minier, réforme que nous attendons depuis trop longtemps. Ce projet de loi ne doit pas nous en exonérer, car elle est indispensable pour traiter des mines non énergétiques et de la question de l'après-mine afin d'accorder les principes du droit de l'environnement avec ceux du code minier et d'avancer s'agissant de la participation du public sur le sujet. Il faudra en profiter, au passage, pour simplifier le droit existant.

Monsieur le ministre d'État, vous avez insisté sur le fait que ce texte allait selon vous plus loin que le symbole et qu'il s'inscrivait dans une politique bien plus large. Notre groupe ne demande qu'à en être convaincu. Ce n'est pas parce qu'il nous est proposé de légiférer à un horizon aussi lointain qu'il faut prendre les choses à la légère et dire : « On verra bien en 2040. » Entre la promulgation de la loi et l'objectif final à atteindre à cette date, au moins cinq législatures se succéderont… Autrement dit, de l'eau aura coulé sous les ponts et la vérité d'aujourd'hui ne sera peut-être pas celle de demain. Inscrire cet objectif dans la loi n'aurait dû s'envisager qu'avec une évaluation régulière qui, elle, n'y est pas inscrite, afin de s'assurer que les résultats pourront être obtenus. C'est d'autant plus vrai que tous les puits de pétrole ne pourront mécaniquement pas être fermés en 2040.

Plus généralement, sur l'ensemble de notre politique de transition énergétique, nous devons pouvoir faire des points d'étape sur l'échéancier qui se dessine afin de nous adapter en fonction non seulement des retards pris, mais aussi des avancées. Je le redis : ce texte n'est qu'une petite pièce d'un puzzle plus global, que vous avez notamment dessiné avec la présentation du plan climat. Notre groupe demeurera particulièrement vigilant dans les mois à venir sur les moyens qui seront effectivement mis ou non à disposition de ce changement de modèle dans l'ensemble des lois de finances du quinquennat. Nous souhaitons évaluer en fonction des résultats et non en fonction de symboles comme ce texte.

Après avoir bien pesé les enjeux et creusé les choses – au-delà des effets d'annonce – , notre groupe reste très partagé. Nous craignons que l'objectif de 2040 ne soit sous-tendu par toujours les mêmes motivations de communication politique et ne génère in fine les mêmes erreurs que la loi Royal. Ses modalités doivent donc être extrêmement claires et économiquement soutenables, sans quoi les résultats ne seront pas au rendez-vous.

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