Intervention de Gérald Darmanin

Séance en hémicycle du lundi 4 décembre 2017 à 16h00
Projet de loi de finances rectificative pour 2017 — Présentation

Gérald Darmanin, ministre de l'action et des comptes publics :

Monsieur le président, monsieur le rapporteur général de la commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire, monsieur le président de la commission, mesdames, messieurs les députés, permettez-moi tout d'abord de vous dire tout le plaisir que j'ai à vous retrouver pour l'examen de ce cinquième texte financier de l'automne, que j'ai l'honneur de présenter. Nous achevons ainsi notre marathon budgétaire, même si de longues heures nous séparent encore de la fin du mois de décembre. J'en profite pour saluer le travail des parlementaires et de leurs collaborateurs, et tout particulièrement celui de M. le rapporteur général, dont l'expertise est précieuse. Nous aurons l'occasion de continuer à travailler sur ce texte après la commission, et je me réjouis d'avance des arguments que nous pourrons échanger.

Comme vous le savez, compte tenu de ce calendrier chargé, le Gouvernement s'est engagé à réduire au maximum le nombre d'articles et d'amendements de ce texte, même s'il fera un certain nombre de propositions qui trouveront, je l'espère, un accueil favorable dans cette assemblée. Si vous m'autorisez un dernier mot sur la procédure, monsieur le président, je souhaiterais réaffirmer devant vous une ambition nouvelle pour l'examen du collectif budgétaire de fin d'année. Je proposerai, avec l'accord de la présidence de l'Assemblée nationale et de celle du Sénat, dans une démarche de « sincérisation » de la présentation des comptes, que le Gouvernement s'engage à l'avenir à ne plus recourir à un décret d'avance en fin d'année, le mieux étant souvent l'ennemi du bien. C'est une voie exigeante, qui suppose à la fois un accord politique avec l'ensemble de vos groupes, notamment avec M. le président de la commission des finances, afin que le projet de loi de finances rectificative de fin d'année soit adopté tout début décembre, et un accord technique pour que le Gouvernement s'engage à n'y faire figurer que les dispositions les plus essentielles – notamment les garanties et schéma de fin de gestion. Nous aurons l'occasion d'en reparler.

S'agissant du présent projet de loi de finances rectificative, les enjeux sont de trois ordres : confirmer et compléter la démarche de sincérisation de nos comptes entamée cet été, à la suite de la publication de l'audit de la Cour des comptes, dont nous avons ici maintes fois discuté ; améliorer, simplifier et renforcer l'efficacité de l'action administrative en matière fiscale dans des conditions sécurisées, tout en allégeant la charge pour les entreprises collectrices ; opérer enfin divers ajustements budgétaires nécessaires à la mise en oeuvre des priorités du Gouvernement – je l'ai évoqué tout à l'heure.

Premièrement, nous poursuivons notre démarche de « sincérisation » de nos comptes entamée dès l'été. Comme vous pourrez le constater, ce collectif confirme les hypothèses macroéconomiques et de finances publiques retenues au moment de l'élaboration du projet de loi de finances pour 2018, à savoir un taux de croissance de 1,7 % et un déficit public, toutes administrations confondues, de 2,9 % en 2017. Certes, nous aurions pu faire autrement, et les récentes publications de l'Institut national de la statistique et des études économiques – l'INSEE – laissent penser que nous pourrions avoir une croissance légèrement supérieure, mais la prudence nous a conduits à ne pas modifier les hypothèses. Ce sérieux budgétaire est à mettre à l'actif du Gouvernement, quels que soient les bancs où vous siégez.

Deuxièmement, ce texte confirme que le Gouvernement tiendra ses engagements en matière de finances publiques, et au premier chef le respect de la règle européenne des 3 % dès 2017, ce qui sera atteint au prix d'importants efforts à la fois en dépenses et en recettes – je voudrais en remercier mes collègues du Gouvernement et les parlementaires qui s'intéressent à ces questions – , compte tenu de l'annulation contentieuse de la taxe de 3 % sur les dividendes distribués.

En dépenses, les annulations de cet été, qui se sont élevées à plus de 3 milliards d'euros et ont fait couler beaucoup d'encre, accompagnées de mesures de ralentissement de la dépense pour plus de 1 milliard d'euros, seront complétées par près de 850 millions d'euros d'annulations, qui figurent dans le décret d'avance sur lequel votre commission, comme d'ailleurs celle du Sénat, a donné un avis favorable – je l'en remercie. Ces annulations permettront de financer un montant équivalent d'ouvertures indispensables à très court terme : je pense ici notamment aux salaires de nos enseignants, ou aux crédits de nos forces armées en opérations extérieures – cela a été largement évoqué.

Au final, les mesures de redressement en 2017 se seront donc élevées à plus de 5 milliards d'euros, un montant inédit en cours de gestion. Si l'on y ajoute les ouvertures de crédits indispensables à ce stade de l'année, compte tenu de l'absence de budgétisation initiale – environ 3 milliards d'euros – , il aura été nécessaire d'ouvrir plus de 7 milliards d'euros de crédits en cours d'année, ce qui correspond aux chiffres mis en avant par la Cour des comptes dans son audit publié cet été.

Enfin, ce projet de loi de finances rectificative achève pour 2017 l'exercice de « sincérisation » du budget entamé cet été en apurant un certain nombre de dettes – par exemple, celle du Commissariat à l'énergie atomique, le CEA, à l'égard d'Areva, ou la dette au titre de l'allocation pour demandeur d'asile à l'égard de Pôle emploi – et devrait permettre de réduire le montant des crédits reportés d'une année sur l'autre, qui avait eu tendance à grossir dangereusement chaque année. Nous mettons fin à cette spirale.

Deuxièmement, ce texte met en oeuvre diverses dispositions de nature à améliorer, simplifier et renforcer l'efficacité de l'action administrative en matière fiscale. Tout d'abord, le Gouvernement confirme la mise en oeuvre du prélèvement à la source de l'impôt sur le revenu à compter du 1er janvier 2019, réclamée avec force par M. Le Fur, dont je salue l'enthousiasme. Comme vous le savez, nous avons souhaité nous donner le temps en reportant d'un an sa mise en oeuvre. Bien nous en a pris, quoi qu'en disent ceux qui m'ont précédé, car il convient de vérifier que cette réforme se fera sans dommage ni pour les entreprises ni pour les ménages – nous y reviendrons lors du débat sur les amendements.

Nous tirons ainsi, dans ce projet de loi de finances rectificative, les conclusions des recommandations formulées par la mission d'audit menée par l'Inspection générale des finances – l'IGF – et le cabinet Mazars, ainsi que celles de l'expérimentation de cet été, dont le Parlement a été, comme je m'y étais engagé, destinataire. Il m'a semblé normal de tirer les conclusions de l'expérimentation après que celle-ci a eu lieu. M. de La Palice n'aurait pas dit mieux, mais il n'a pas toujours été en responsabilité à Bercy ces derniers temps.

Dans le détail, le Gouvernement a tiré les enseignements des difficultés constatées lors des expérimentations et des propositions formulées par l'IGF et par les commissions du Parlement. Le dispositif envisagé a ainsi été renforcé par des mesures d'accompagnement et de simplification, notamment pour les entreprises, mais aussi pour les contribuables. Pour ces derniers, un dispositif de communication sera mis en oeuvre tout au long de l'année 2018. Je crois que la direction générale des finances publiques – DGFIP – a eu l'occasion de vous présenter en commission les principales étapes de l'application du prélèvement à la source de l'impôt sur le revenu, et je l'en remercie, car cela a probablement intéressé nombre de députés. Les sanctions seront assouplies en cas de modulation à la baisse erronée de leur taux par les contribuables. Pour le cas spécifique des gérants et associés, les revenus imposés qui ont la nature de bénéfices non commerciaux seront soumis au prélèvement à la source sous la forme d'un acompte contemporain, comme pour les travailleurs indépendants. Je pense que cette mesure est de bon aloi.

Pour les collecteurs, c'est-à-dire pour les entreprises notamment, mais aussi pour les associations, les collectivités territoriales et, plus largement, pour tous les employeurs, le montant minimal de l'amende applicable en cas de défaillance déclarative du collecteur de la retenue à la source est réduit de moitié, passant de 500 à 250 euros.

Une phase de préfiguration dès la fin de l'année 2018 est instituée, afin de roder le dispositif avant sa mise en oeuvre opérationnelle. La DSN – déclaration sociale nominative – sera généralisée, ce qui est un gage de simplification. Au moment où nous aurions dû la mettre en place, elle était présente dans 97 % des entreprises, ce qui est un pourcentage élevé. Les 3 % restants relèvent de l'action politique, et concernent notamment les plus petites entreprises. Nous atteindrons les 100 % lorsque l'impôt à la source sera opérationnel, au 1er janvier 2019.

Toujours dans une logique d'amélioration de la relation de confiance entre les contribuables et l'administration, j'ajoute que ce projet de loi de finances rectificative prévoit la réduction – enfin ! – de moitié du taux des intérêts de retard dus par le contribuable et des intérêts moratoires dus par l'État. En effet, le Gouvernement a considéré que l'État ne pouvait continuer à exiger des contribuables des taux d'intérêt devenus largement supérieurs à ceux du marché, lesquels, chacun a pu le constater, ont fortement diminué ces dernières années. Les intérêts de retard, payés par le contribuable, et, par symétrie, les intérêts moratoires, payés par l'État, seront ainsi ramenés de 4,8 à 2,4 % par an.

Enfin, parce qu'il n'est de consentement à l'impôt sans justice fiscale, ce collectif de fin d'année prévoit diverses mesures visant à renforcer la lutte contre la fraude. Il prévoit d'abord une mesure précisant les obligations des institutions financières en matière d'identification des détenteurs de comptes, ainsi que les modalités de contrôle de ces obligations et les sanctions applicables en cas de manquement, dans le cadre de l'échange automatique d'informations. Le texte contient également une mesure anti-abus pour les pays ne pratiquant pas l'assistance administrative avec la France, ou inscrits sur la liste des États non coopératifs, avec un renversement de la charge de la preuve : désormais, il appartiendra au contribuable de démontrer que la détention d'actifs dans ces pays n'a pas une visée fiscale. C'est une disposition très importante. Il prévoit par ailleurs une mesure d'harmonisation et de simplification des procédures de recouvrement forcé mises en oeuvre par les comptables publics, et une mesure de consolidation du contrôle par l'administration fiscale de la tenue de comptes d'épargne réglementés. J'ajoute, mesdames et messieurs les députés, que le Gouvernement sera très ouvert à vos initiatives en la matière, tant l'actualité récente nous a rappelé la nécessité de renforcer la coopération européenne et internationale en matière de lutte contre la fraude et l'optimisation fiscales. Je suis certain que, comme à l'accoutumée, ce débat sera nourri.

Enfin, ce collectif budgétaire présente diverses mesures en lien étroit avec l'actualité gouvernementale, qui méritent d'être soulignées. J'évoquerai certaines d'entre elles. Premièrement, nous mettons en cohérence l'aide apportée par le Fonds de soutien au développement des activités périscolaires avec la liberté donnée aux collectivités de sortir enfin de la semaine de quatre jours. En toute logique, les communes qui font le choix de la semaine de quatre jours et qui, dès lors, n'ont plus à supporter les coûts associés à l'allongement des rythmes scolaires, n'en bénéficieront plus. Symétriquement, celles qui continueront à appliquer la réforme percevront toujours cette aide qui avait vocation à être provisoire et tend à devenir pérenne.

Deuxièmement, afin de préparer le grand événement que seront les Jeux olympiques et paralympiques de 2024, l'État apporte dans ce texte, comme je m'y étais engagé lors du débat budgétaire, sa garantie aux opérations préparatoires aux Jeux olympiques. Tout d'abord, comme le précédent gouvernement s'y était engagé dans le dossier de candidature, les sommes avancées par le CIO – Comité international olympique – seront garanties en cas d'annulation des Jeux olympiques. Ensuite, en complément des 48 millions d'euros de crédits ouverts par le projet de loi de finances, il est proposé que l'État se porte garant des emprunts souscrits par le COJO – Comité d'organisation des Jeux olympiques. Cela fait écho à d'autres débats, que vous avez eus tant avec moi qu'avec Mme la ministre des sports.

Troisièmement, l'un des articles porte la garantie des prêts des fonds d'épargne de la Caisse des dépôts et consignations accordés à Action logement, en accompagnement de la réforme du logement – dont vous avez examiné une partie dans le volet « recettes » du projet de loi de finances, une deuxième partie dans le volet « dépenses », et dont vous examinerez d'autres dispositions dans le projet de loi logement que présenteront Jacques Mézard et Julien Denormandie. Le quatrième pan de cette réforme, à savoir la garantie des prêts, permettra aux bailleurs sociaux de poursuivre, dans la concertation, l'application de ce dispositif. Celui-ci consiste en une garantie accordée à la Caisse des dépôts et consignations à hauteur de 1,2 milliard d'euros, lui permettant d'accorder jusqu'à 2 milliards d'euros de prêts bonifiés de haut de bilan pour les bailleurs sociaux afin de financer la construction de logements sociaux. Leur bonification sera financée par Action logement.

En matière de fiscalité locale, enfin, des dispositions prévoient la codification des nouvelles modalités de révision des valeurs locatives des locaux commerciaux et le report au 1er janvier 2019 de la mise à jour permanente de ces tarifs locaux professionnels. Vous me permettrez une facétie, monsieur Woerth : vous avez été le ministre qui, il y a sept ans, a lancé la réforme ; je suis heureux d'être celui qui l'inaugure. Cela illustre la lenteur et la difficulté auxquelles peut se heurter la réforme, et devrait inciter ceux qui souhaitent la révision immédiate des valeurs locatives des habitations à méditer sur une évolution qui mettra donc dix-neuf ans – sept plus douze – à trouver son aboutissement. Chacun pourra réfléchir sur ce temps long, qui fait écho au plaisir que j'aurai à passer plusieurs nuits avec vous.

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