Intervention de Éric Woerth

Séance en hémicycle du lundi 4 décembre 2017 à 16h00
Projet de loi de finances rectificative pour 2017 — Présentation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaÉric Woerth, président de la commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire :

Vous court-circuitez aussi le Conseil d'État, ce qui vous fait prendre des risques juridiques : ce n'est pas une bonne nouvelle.

Il faut donc proscrire cette pratique – je suis sûr, monsieur le ministre, que vous êtes d'accord avec moi. Si j'ai bien compris, vous annoncez un collectif différent pour l'année prochaine, mais celui dont nous commençons l'examen aujourd'hui ressemble singulièrement à d'autres – malheureusement, il est probablement pire que les autres…

La France renoue aujourd'hui avec la croissance. C'est une bonne nouvelle, mais je regrette que vous ne l'utilisiez pas pleinement. La croissance va se consolider autour de 1,7 % ou 1,8 %, soit un peu moins de 2 %, ce qui permet d'engager des réformes – je ne dis pas qu'il est facile de réformer notre pays, mais il est plus facile de le faire quand il fait beau, c'est-à-dire en période de croissance, que quand il fait très mauvais, c'est-à-dire en période de récession ou de crise.

Il faut donc utiliser pleinement cette croissance. Je note d'ailleurs qu'elle vous permet d'afficher une réduction du déficit assez importante. Le rapporteur général de la commission des finances du Sénat, Albéric de Montgolfier, indique dans son rapport que l'amélioration de la conjoncture a permis de réduire le déficit français d'environ 0,4 point de PIB depuis le printemps. Ainsi, s'il n'y avait pas de croissance et si le cycle que nous avons connu ces dernières années avait perduré, le déficit ne serait pas inférieur à 3 % mais plutôt proche de 3,3 %.

Il faut donc aller plus loin en utilisant cette marge de manoeuvre qui est extrêmement importante, et même considérable, en termes de recettes. D'ailleurs, vous gardez souvent certaines de ces recettes sous le coude, afin de les utiliser pour de bonnes raisons, et je suis d'accord avec vous : c'est pour cela que vous ne les avez pas utilisées dans le cadre du premier collectif budgétaire. Cependant, il est assez paradoxal que la croissance, qui dope l'économie du pays – et c'est tant mieux ! – , puisse anesthésier un peu la volonté d'aller loin dans la réforme. Certains gouvernements précédents ont connu le même écueil, et il faut faire très attention de ne pas réitérer l'erreur commise, il y a longtemps, par Lionel Jospin.

La croissance actuelle ne suffit pas pour ramener le déficit actuel à un niveau acceptable. Certes, la France va peut-être sortir de la procédure de déficit excessif, et c'est tant mieux, mais d'année en année, nous flirtons avec la barre des 3 %. Je ne sais pas à combien Eurostat évaluera le déficit français en 2017, compte tenu de la recapitalisation d'Areva et de la taxe sur les dividendes de 3 %, mais nous devrions atteindre 2,9 % de PIB. L'année prochaine, le déficit devrait se situer autour de 2,8 %, voire un peu en dessous si les recettes sont plus importantes que prévu. En 2019, nous replongerons à 3 %, malgré la suppression du CICE. Même en période de croissance, nous avons donc bien du mal à rester sous la barre des 3 %, un plafond qui n'est pas théorique mais, au contraire, extrêmement pratique. Un tel niveau de déficit ne permet pas d'enrayer l'augmentation de la dette en France.

Au-delà du déficit des finances publiques dans leur ensemble, permettez-moi de m'attarder sur le déficit de l'État lui-même. Malgré quelques bonnes surprises en 2017 – je pense par exemple au prélèvement sur recettes au profit de l'Union européenne, ou aux 2 milliards d'euros de recettes supplémentaires par rapport à la loi de finances initiale – , ce second collectif budgétaire montre que les dépenses de l'État se creusent de 5 milliards d'euros. Nous ne sommes donc pas dans un exercice de maîtrise de la dépense ; au contraire, je le répète, les dépenses apparaissent plus importantes aujourd'hui, c'est-à-dire à la fin de l'exercice, que lors du vote de la loi de finances initiale. Je sais bien que vous n'êtes pas responsables de l'exécution budgétaire de l'ensemble de l'année, mais nous voyons que l'effort de maîtrise des dépenses publiques manque singulièrement. Sur ce sujet, nous devons évidemment être très vigilants. En 2018, la situation sera à peu près la même : il n'y a pas, me semble-t-il – j'essaie d'être objectif – , de tentative de maîtrise de la dépense publique sur le fond, c'est-à-dire sur la structure même de cette dépense.

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