Intervention de Jean-Louis Bricout

Séance en hémicycle du jeudi 7 décembre 2017 à 9h30
Dons de jours de repos non pris aux aidants familiaux — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Louis Bricout :

Selon une étude réalisée en août 2015 pour l'Espace éthique de la région Île-de-France auprès de personnes qui accompagnent un proche, beaucoup d'entre elles se disent gagnées par le découragement et disent d'abord ressentir de la fatigue physique, puis du stress, et enfin un sentiment de solitude. La prévalence de ces sentiments s'accroît bien sûr avec l'intensité de l'aide.

Malgré tout, les deux tiers des répondants – 63 % exactement – estiment que leur activité d'aidant se déroule bien. Par ailleurs, 87 % des aidants ont le sentiment que leur activité est bénéfique pour la personne aidée, 62 % pour la société et 44 % pour eux-mêmes. En revanche, 85 % des aidants estiment que leur rôle est peu valorisé par la société, alors que 89 % d'entre eux jugent que les aidants familiaux développent une expertise et une compétence qui pourraient être partagées.

C'est conscients de cette réalité que nous présenterons notamment deux amendements au cours du débat, afin d'améliorer la prise en compte des besoins en matière de droits, de formation et de valorisation de l'activité d'aidant pour la prise en compte des droits à la retraite. En effet, certains aidants familiaux décident d'abandonner leur emploi pour se consacrer à une personne dépendante et perdent, de ce fait, les bénéfices qui lui sont liés, dont le droit à la retraite. Cette réalité apparaît clairement en décalage avec la reconnaissance que nous souhaitons tous accorder aux aidants, quels que soient nos bancs. Il faut aller plus loin.

Aussi, comme lors du débat en commission, je veux vous faire part d'une interrogation de mon groupe : nous ne comprenons toujours pas pourquoi une autre proposition de loi visant à élargir les droits à la retraite pour les aidants familiaux a été déposée, alors qu'il aurait été très pertinent et cohérent de fusionner les deux textes en un seul. C'est un peu dommage, monsieur le rapporteur. Certes, le Gouvernement entend proposer une réforme des retraites. Permettez au parlementaire que je suis, dont c'est le deuxième mandat, de souligner qu'un engagement pris par le Gouvernement peut prendre un certain temps avant de se concrétiser… Quand il se concrétise ! Moralité : nous gagnerions à prendre une longueur d'avance. Après tout, nous sommes bien unanimes pour convenir de l'importance de cette problématique sur les retraites.

J'évoquais la dimension philosophique de cette proposition de loi il y a un instant. À voir la réalité, le texte de nos collègues y répond de façon adéquate. Pour autant, si sur un plan plus politique – au sens de la construction d'une politique ambitieuse de long terme – ce débat peut avoir lieu de façon si cohérente et intelligente, c'est parce que nous ne partons pas de rien. En effet, ce texte s'inscrit dans la droite ligne des orientations défendues sous le précédent quinquennat, notamment avec la loi pour l'adaptation de la société au vieillissement. Beaucoup parmi nous ne manquent pas ce matin d'y faire référence.

La loi du 28 décembre 2015 pour l'adaptation de la société au vieillissement avait instauré un droit au répit pour les aidants, alors que ceux-ci devaient auparavant prendre un congé sans solde pour aider leurs proches. Le dispositif a avantageusement élargi le périmètre des bénéficiaires, étant donné qu'un aidant sur cinq soutient un proche autre qu'un parent ou un enfant. Par ailleurs, la mise en oeuvre effective de ce droit s'obtient plus facilement grâce au télétravail ou à des horaires aménagés.

Cette proposition de loi vient souligner la cohérence des choix faits dans cette précédente loi, laquelle se voulait porteuse de la nouvelle ambition philosophique que j'évoquais au début de mon propos. Preuve qu'un pas nouveau avait été fait : un rapport avait été réalisé sous la précédente législature par notre collègue Joëlle Huillier, afin d'aller plus loin dans les formules de répit proposées aux aidants, pour envisager un modèle sur la base du « relayage », inspiré par l'exemple québécois. Cela souligne l'étroite imbrication entre la vision philosophique et la portée politique.

Votre proposition de loi constitue une invitation à poursuivre la réflexion. Nous ne pouvons donc qu'y souscrire, à condition de ne pas refuser d'aller au fond du débat auquel invitent nos amendements. Nous pourrons en ce cas constater avec satisfaction que nous oeuvrons utilement à une société plus douce, plus humaine et à l'écoute de l'autre.

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