Intervention de François Ruffin

Séance en hémicycle du jeudi 7 décembre 2017 à 9h30
Taxe sur les transferts de sportifs professionnels — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaFrançois Ruffin :

Il faut organiser des tournois de pétanque, de sixte, de jeunes pour équiper en maillots les 140 licenciés. Justement, je rebondis : « Les maillots, vous les lavez comment ? » « Ben, à la machine », il répond. « Non mais d'accord, mais c'est quoi, la motivation profonde ? » « Ben, pour qu'ils soient propres ! » Mon enquête piétinait. Le président paie son kir, déplie un billet de 10 de son porte-monnaie. Je lui glisse : « Vous devez vous faire un paquet de pognon… » « Hein, comment ça ? », il s'étonne. « Ne me faites pas croire que, si vous servez à la buvette, si vous préparez des paellas, si vous tondez la pelouse, si vous tracez des lignes à la craie, si vous lavez, pliez, rangez les maillots, c'est pas un peu pour l'argent ? » Lui s'insurge, se tourne vers sa femme : « Non mais t'entends, Babeth, il dit qu'on gagne des sous avec le club. » « Oh, on en perd, oui ! », se révolte la présidente. « Dis-lui combien on y laisse tous les mois » « Trois cents euros, peut-être, que ça nous coûte ! » elle réplique. « Avec l'essence pour conduire les équipes, avec les coups qu'on paye aux joueurs… Rien que ce soir, on avait oublié les sacs-poubelles, la macédoine, eh bien, on les a achetés de notre poche. » Mais j'insiste : « Les déplacements, vous vous les faites rembourser ? » « Non, et personne ici, dans tous ceux que vous voyez, dans la dizaine de dirigeants, il n'y a pas un parent, il n'y en a pas un qui a reçu un centime. »

Commencez-vous à comprendre mon histoire de miracle ? Dans cette société où tout se marchande, où les services se vendent et s'achètent, où le businessman fait figure d'homme nouveau, où le profit aveugle guide le monde et nous conduit vers l'abîme, ils sont là, une dizaine à Eaucourt, mais autant à Ribemont, à Amiens Nord, à Agen, à Fécamp, à Bruay, à Aulnay, qu'ils se prénomment Franck, Mohammed ou Florence, dans le foot, le hand, la gymnastique, le judo, le twirling bâton, ils sont des dizaines de milliers à travers le pays à servir à la buvette, à préparer des paellas, à laver, plier, ranger les maillots. Et tout ces efforts, pour pas un rond !

Pourquoi, d'ailleurs ? Pour des raisons assez floues, pas calculables. Pour les gamins. Pour être ensemble aussi. Pour tenir à bout de bras des petits clubs et pour que les villages ou les quartiers existent à travers eux. Une résistance à l'argent roi, plus massive, plus quotidienne et plus souterraine que les manifs avec banderoles.

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