Intervention de Philippe Vigier

Séance en hémicycle du jeudi 7 décembre 2017 à 15h00
Création d'une agence nationale pour la cohésion des territoires — Présentation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPhilippe Vigier, rapporteur de la commission du développement durable et de l'aménagement du territoire :

Les difficultés d'accès à la téléphonie mobile, au très haut débit, les condamnent à l'isolement. Les services publics y disparaissent les uns après les autres et les centres-villes y meurent. L'accès à l'éducation, au logement, aux loisirs et à la culture y est toujours difficile et l'insécurité y a souvent progressé.

Ces fractures territoriales contribuent à dresser une France contre l'autre. La France périphérique et rurale courbe l'échine sous le poids de l'indifférence et se voit promise au déclin. En même temps, ces difficultés ne doivent pas faire oublier que les métropoles et les grandes agglomérations sont, elles aussi, confrontées à des défis d'envergure.

La congestion urbaine ouvre aux problématiques de transition énergétique et numérique, crée des problèmes de santé environnementale et génère de nouvelles formes de précarité. Nous ne pouvons pas continuer à entretenir cette défiance entre ces deux France qui, élection après élection, voient les Français se réfugier toujours plus nombreux dans le vote extrême ou dans l'abstention : le pacte républicain est en jeu !

Nous devons également comprendre que la croissance de demain se fera dans tous les territoires et qu'ils doivent être soutenus pour donner la pleine mesure de leur potentiel. Parvenir à un développement harmonieux de tous les territoires est un combat de tous les jours, que mènent les élus locaux. Ils ne demandent pas l'aumône, ils n'attendent pas tout de l'État, ils se battent au quotidien. Face aux fractures territoriales, il est urgent que l'État soutienne leur combat en assumant enfin son rôle de pilote stratégique, qu'il a abandonné, et en donnant une impulsion nouvelle à des politiques vitales pour nos territoires.

Je vois quatre priorités, monsieur le secrétaire d'État. Premièrement, le logement, que vous connaissez bien. Il faut aller plus loin que l'ANRU, qui a fait de très belles choses, en intervenant dans les petites villes et dans les villages ruraux si l'on veut accueillir de nouvelles familles ou des personnes âgées.

Deuxièmement, la politique de la santé et plus particulièrement le sujet de l'accès aux soins, afin d'enrayer la progression des déserts médicaux. Troisièmement, la politique de la téléphonie mobile : malgré toutes les promesses des opérateurs, les zones blanches ne diminuent pas, ni en zone rurale, ni en périphérie des villes. Enfin, quatrièmement, la fracture numérique : les zones rurales sont les dernières et les moins bien desservies, non pas par le haut débit, c'est-à-dire à 30 mégabits – cela n'a pas de sens ! – mais en très haut débit. Comment fera-t-on pour boucler les financements ?

Au travers de cette proposition de loi, dans laquelle Thierry Benoit, Pierre Morel-À-L'Huissier ou Béatrice Descamps se sont impliqués avec passion, nous proposons que cette impulsion nouvelle soit coordonnée à travers une Agence nationale pour la cohésion des territoires.

Je voudrais ici vous présenter notre vision du fonctionnement de cette agence. Tout d'abord, nous ne l'avons pas conçue à quelques-uns : nous avons beaucoup réfléchi à l'exemple de l'ANRU, nous avons beaucoup auditionné les élus locaux, les représentants des régions, des départements, des petites villes et même des territoires d'outre-mer. Je n'ai qu'un regret : votre collègue ministre n'a pas cru bon devoir nous accorder un petit moment pour parler avec nous, ce qui est un peu dommage dans le débat républicain.

Cette agence n'a pas vocation à décider pour les territoires. Pas d'entre-soi dans les arcanes des administrations ! Arrêtons de mettre nos territoires sous tutelle ou de corseter leurs initiatives ! Elle doit libérer les énergies, libérer leur potentiel en étant le bras armé d'un État expert, fédérateur et facilitateur.

Pour cela, il faut partir des territoires. Ce sont donc les communes, les intercommunalités – Stéphane Le Foll m'interrogeait en commission sur ce point il y a quelques jours – qui porteront les projets structurants pour les bassins de vie. Il faudra par conséquent privilégier les projets de territoires, au travers de contractualisations de trois ans – pas d'appels à projet se répétant à l'envi ! – car les projets de contractualisation font appel à l'intelligence, à la solidarité des territoires et des élus.

Ensuite, les présidents de région, les présidents de département et le préfet se réuniront pour aboutir à une décision rapide, une décision proche, au sein d'une instance de dialogue territoriale, gage d'une vraie décentralisation de l'agence : cela permettra d'éviter de revivre ce que l'on connaît trop souvent avec les contractualisations d'État. Ils inscriront ces projets à leur agenda, avec une évaluation – les parlementaires peuvent jouer un rôle – , avec l'action du bloc communal et une hiérarchisation en fonction du niveau d'urgence.

Nous ne voulons pas d'une logique des premiers de cordée, à savoir les métropoles, dont les richesses ruisselleraient sur la France périphérique et rurale. Non, au contraire, nous voulons une alliance des territoires, de la confiance, une logique de partenariat, de contractualisation et de synergie entre les territoires. Cette logique permettra de mobiliser l'ensemble des acteurs autour d'une vraie stratégie territoriale globale, adaptée à chaque bassin de vie, pour valoriser ses spécificités, sans que ces démarches soient déconnectées les unes des autres.

Les métropoles sont lucides : elles savent qu'elles ne peuvent pas tout, elles savent qu'elles ne peuvent pas ignorer les villes et les territoires qui leur sont connectés. Elles ont aussi conscience des bouleversements des modes de vie, des changements profonds liés au développement du numérique. Elles savent que les hommes et les femmes vivant en périphérie font aussi la richesse des métropoles car ils y travaillent, utilisent les transports, les services publics et contribuent ainsi à leur vitalité.

Quant aux territoires ruraux et périphériques, que ce soient les zones montagneuses, touristiques, littorales ou les outre-mer – je le précise pour notre collègue Maïna Sage – , ils fourmillent d'une énergie créatrice, regorgent d'intelligence et de talents qui, malgré les obstacles, entreprennent, innovent et réussissent. Eux aussi sont la clé de la croissance de demain.

Il faut par conséquent donner à ces deux France l'envie et les moyens de travailler main dans la main, pour recoudre le territoire, comme un façonnier. Telle est l'ambition de cette agence qui, comme l'ANRU, devra être un guichet unique et non une usine à gaz. Elle devra également mettre de l'ingénierie à disposition des territoires, encourager la mutualisation des ressources, conforter l'ingénierie locale – laquelle peut être substantielle, avec des métropoles, avec des villes chef-lieu, avec également les départements.

Il faut mobiliser tous les financements, comme Jean-Louis Borloo avait su en son temps le faire avec beaucoup d'intelligence. Je pense notamment aux financements de l'État, de la Caisse des dépôts et consignations et aussi une partie du programme d'investissements d'avenir, notamment en faveur de la transition numérique.

Cette agence ne sera pas une nouvelle structure s'ajoutant à d'autres. Je veux vous rassurer, mes chers collègues : n'ajoutons pas de la technostructure à la technostructure ni des contraintes aux contraintes.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Cette législature étant désormais achevée, les commentaires sont désactivés.
Vous pouvez commenter les travaux des nouveaux députés sur le NosDéputés.fr de la législature en cours.