Intervention de Olivier Becht

Séance en hémicycle du jeudi 7 décembre 2017 à 21h30
Bonne application du régime d'asile européen — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaOlivier Becht :

C'est notamment le cas de la présente proposition de loi. Elle ne prétend pas résoudre la question migratoire, qui dépend pour beaucoup des mesures que nous prendrons pour assurer la paix, contribuer à la stabilité démocratique et climatique ainsi qu'à la prospérité économique dans les régions du monde actuellement en proie au chaos. L'ambition de ce texte est plus modeste, mais ce qu'il propose n'en est pas moins nécessaire : il s'agit de se doter d'une législation adaptée et coordonnée, à l'échelle tant européenne que nationale, pour mettre en cohérence les procédures d'asile avec notre capacité d'accueil, mais aussi avec les valeurs humanistes qui forgent notre pays et notre continent.

Depuis 1990, trois règlements dits « Dublin » successifs ont précisé les compétences des États membres de l'Union européenne, notamment les critères permettant de déterminer le pays compétent pour traiter la demande d'asile afin d'éviter qu'un requérant n'en sollicite plusieurs successivement. Le dernier règlement, adopté en 2013 et appelé « Dublin III », fixe plusieurs critères de cette nature. Toutefois, la procédure de détermination du pays responsable de l'examen de la demande d'asile puis le transfert de la personne peuvent prendre plusieurs mois. Durant ce délai, le demandeur peut bénéficier du droit de se maintenir sur le territoire jusqu'à la fin de la procédure.

Le règlement Dublin institue donc un principe simple en théorie, mais qui pose de nombreux problèmes en pratique, car il fait reposer toute la prise en charge des demandeurs sur les pays par lesquels ils sont entrés. Or, souvent, ceux-ci ne souhaitent que transiter par ces pays, par exemple l'Italie ou la Grèce, puisqu'ils cherchent davantage à rejoindre des pays où les perspectives économiques sont plus favorables.

Ces mouvements de personnes qui traversent un État de l'Union européenne dans le but de se rendre dans un autre État membre ou d'y solliciter l'asile après l'avoir déjà fait ailleurs sont en forte augmentation. En France, le nombre de demandeurs d'asile relevant de la procédure Dublin était de 5 000 en 2014 et de 26 000 en 2016. Il a dépassé les 21 000 sur le seul premier semestre 2017, soit une augmentation de 175 % par rapport à la même période l'année précédente.

Face à ce phénomène, l'administration est d'ores et déjà débordée : les procédures s'allongent et aboutissent de moins en moins. Or cela ne fera qu'empirer. En France, en 2016, seuls 9 % des étrangers sous procédure Dublin que les États membres avaient accepté de reprendre en charge ont effectivement été transférés. Sur les 91 % restants, soit 12 700 personnes, qui sont dans l'attente d'un transfert, beaucoup sont contraints de vivre dans des conditions humanitaires indignes d'un grand pays comme le nôtre, comme en témoignent les campements de Calais ou de Paris.

La situation est préoccupante ; il est même urgent de trouver des solutions. La France doit donc impérativement garantir la bonne application du régime d'asile européen pour ne pas encombrer davantage son système d'asile classique, déjà saturé. Pour cela, il nous faut faire évoluer notre législation nationale.

En effet, des décisions de la Cour de justice de l'Union européenne – la CJUE – ainsi que des juridictions judiciaires et administratives françaises ont fragilisé l'application du règlement Dublin en privant les pouvoirs publics d'une procédure pourtant prévue par l'Union européenne : le placement en rétention administrative. Le Conseil d'État a ainsi considéré que, en l'état actuel du droit, le préfet ne peut pas placer en rétention administrative un étranger faisant l'objet d'une procédure de transfert avant l'intervention de la décision de transfert. La Cour de cassation et la Cour de justice de l'Union européenne ont par ailleurs jugé inapplicables les mesures de placement en rétention. En effet, alors qu'il revient aux législations nationales de fixer les critères objectifs établissant l'existence d'un risque non négligeable de fuite du demandeur, notre droit est muet à cet égard.

La présente proposition de loi vise à tirer les conséquences de ces arrêts et à inscrire dans notre droit national une définition des critères objectifs qui permettent de placer en rétention une personne sous procédure Dublin. Tel est l'objectif de l'article 1er.

L'article 1er bis, lui, vise à exclure de ce dispositif contraignant les étrangers qui se présentent de bonne foi et pour la première fois aux autorités administratives pour enregistrer leur demande.

Enfin, l'article 2 tend à ouvrir la possibilité de placer en rétention une personne non plus seulement après la décision de transfert, mais aussi dès le début de la procédure de détermination de l'État responsable de l'examen de sa demande.

Il s'agit donc d'assurer une mise en oeuvre efficace de la procédure Dublin en permettant, dans certains cas, le placement en rétention administrative, qui peut s'avérer indispensable d'un point de vue opérationnel.

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