Intervention de Emmanuelle Ménard

Séance en hémicycle du jeudi 7 décembre 2017 à 21h30
Bonne application du régime d'asile européen — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaEmmanuelle Ménard :

Monsieur le président, monsieur le ministre d'État, monsieur le rapporteur, voilà un texte qui tente de répondre de manière technique à une question technique – mais pas seulement. C'est un mérite qu'il faut lui reconnaître, et que je lui reconnais bien volontiers.

La Cour de cassation, s'appuyant sur un arrêt de la Cour de justice de l'Union européenne, a considéré que le droit français ne fixait pas les critères objectifs permettant d'apprécier les risques de fuite à l'étranger d'un demandeur d'asile faisant l'objet d'une procédure de transfert. On nous demande donc d'y remédier. Très bien : faire en sorte que certaines décisions de la Cour de justice de l'Union européenne ne viennent pas compliquer encore la lutte nécessaire et obligatoire contre des personnes qui veulent se jouer des règles qu'il convient de respecter quand on demande le statut de réfugié est, bien sûr, une bonne chose, que j'approuve bien évidemment.

Il s'agit donc de fixer un cadre qui sécurise nos procédures de placement en rétention, et cela « dans le respect du droit de l'Union européenne », comme le précise l'exposé des motifs de la proposition de loi.

C'est sur ce dernier point que je voudrais insister : une fois de plus, on constate que des décisions de la Cour de justice de l'Union européenne, comme d'ailleurs des décisions de la Cour européenne des droits de l'homme, viennent contrecarrer ou, du moins, compliquer la tâche de nos magistrats et de nos policiers. On me répondra qu'il suffit de s'y conformer : c'est ce que nous nous apprêtons à faire, une nouvelle fois.

Concrètement, cela signifie qu'en matière de droit d'asile – comme, du reste, en matière d'immigration, et même si je ne confonds pas l'un et l'autre – , nous ne sommes plus libres de nos choix. Nous sommes pieds et poings liés, sous le regard inquisiteur de juristes qui décident à notre place. Pour le dire plus crûment, ce n'est plus nous qui faisons la loi et décidons en toute indépendance et souveraineté, mais un aréopage de juges à qui, gouvernement après gouvernement, nous avons confié un pouvoir exorbitant.

J'ai passé dix ans de ma vie à défendre les droits de l'homme dans le monde pour le compte d'une organisation internationale non gouvernementale, la Fédération internationale des ligues des droits de l'homme. Je suis profondément attachée au droit d'asile, qui est une obligation non seulement légale, mais morale, et fait la grandeur d'une démocratie. La France a toujours ouvert ses portes aux persécutés, à ceux qui sont pourchassés pour leurs idées, pour leurs convictions ou pour leur religion, et elle doit continuer à le faire – mais à le faire comme elle l'entend, comme elle le veut. La France, dans ce domaine comme dans d'autres, ne doit pas confier à d'autres ce qui relève de choix essentiels, politiques au vrai sens du terme – vitaux, même.

Cela s'impose d'autant plus que la « crise migratoire », comme on appelle pudiquement les flux d'immigrés qui tentent, par tous les moyens et au risque de leur vie, d'entrer en Europe, a montré que, derrière le demandeur d'asile, se cachait souvent un immigré économique, et parfois même un terroriste.

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