Intervention de Coralie Dubost

Séance en hémicycle du jeudi 7 décembre 2017 à 21h30
Bonne application du régime d'asile européen — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaCoralie Dubost :

Monsieur le président, monsieur le ministre d'État, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, la proposition de loi qui nous est soumise aujourd'hui est, comme cela a déjà été dit, un texte technique qui vient combler une lacune légale mise en lumière par la Cour de cassation dans son arrêt du 27 septembre dernier et touchant aux conditions de placement en rétention des demandeurs d'asile auxquels s'applique la procédure du règlement européen Dublin III.

Ce texte comporte toutes les complexités de l'imbrication de différentes normes relevant de systèmes distincts – le système national et le système européen – mais connexes, en ce qu'ils poursuivent le même objectif : un traitement juste et efficace des demandes d'asile au sein de l'Union européenne.

Or c'est bien en cela que ce texte technique devient éminemment politique : comment ignorer le phénomène majeur du début du XXIe siècle qu'est la grande crise migratoire où se cristallisent désastres humanitaires, risques sécuritaires et fantasmes populistes ? Nous refusons le clivage des discours qui proposent un choix mortifère opposant une humanité totalitaire et une humanité divisée. Nous sommes régulièrement rappelés à la réalité de notre monde par des images insoutenables qui nous invitent à une humanisation de notre droit, tout en tenant compte de notre capacité à accueillir dignement ceux qui en ont besoin.

Dès juin 2017, le Président de la République avait appelé à « la plus grande humanité » dans la gestion de la situation des migrants et des demandeurs d'asile et assuré que la réforme du droit d'asile faisait partie des « priorités du travail gouvernemental ». La France a, en effet, toujours été une terre d'accueil qui protège ceux qui souffrent. Nous ne renierons jamais cette vocation. C'est dans cet héritage que doivent s'inscrire les mesures que nous votons ici.

Fort de ce constat, le groupe La République en marche s'est attaché à accompagner la structuration du texte selon trois axes : responsabiliser les acteurs, garantir les droits fondamentaux et assurer l'efficacité du système d'asile européen, qui fait l'objet de nouvelles négociations.

En attendant l'issue de ces négociations, nous devons faire face aux mouvements des demandeurs d'asile au sein de l'Union européenne. Entre 2012 et 2017, le nombre des demandeurs d'asile en Allemagne est passé de 70 000 à 770 000, dont 300 000 ont été déboutés. Ces personnes peuvent être tentées de déposer une nouvelle demande en France. Dans ce cas, le règlement Dublin nous impose de les transférer vers l'État responsable de l'examen de leur demande.

Pour assurer le transfert, le droit actuel prévoit la possibilité d'une assignation à résidence ou d'un placement en rétention s'il existe un risque de fuite, sans toutefois définir ce risque. C'est sur ce point, madame Ménard, que la Cour de cassation est venue réclamer au législateur français une précision légale. Le règlement Dublin exige en effet la caractérisation d'un « risque non négligeable de fuite » pour justifier la mise en rétention d'un demandeur d'asile, dit alors « dubliné ». La proposition de loi qui nous est soumise vise donc à combler le vide légal actuel et nous félicitons le rapporteur pour le travail qu'il a réalisé, dans une démarche de clarification.

À cet égard, le groupe La République en marche a souhaité contribuer à cet effort de clarification du droit en apportant quelques éclairages sur la définition desdits critères de placement en rétention. Nous nous sommes particulièrement attachés à distinguer le régime de la rétention administrative applicable à un demandeur d'asile de celui qui s'applique à un immigré en situation irrégulière.

Nous connaissons le parcours des demandeurs d'asile. Ils ont parfois trompé la mort et effectué leur traversée dans des conditions inhumaines, avec la conviction que nous serons à la hauteur de nos prétentions humanistes. Nous ne pouvons donc leur répondre avec de simples impératifs opérationnels : nous devons le faire avec l'humanité que nous partageons tous, quelle que soit la réponse finale qui sera apportée à leur demande.

Ainsi, nous avons collectivement intégré les garanties spécifiques apportées par la Convention de Genève et la Convention européenne des droits de l'homme, ainsi que les exigences des directives Accueil et Procédures de l'Union européenne. Nous avons notamment ajouté les notions d'individualisation, de proportionnalité et de défaillance systémique d'un État, et je vous inviterai tout à l'heure à y ajouter encore celles de vulnérabilité et de bonne information du demandeur d'asile.

Cet exercice d'équilibre visant à préserver les droits et libertés fondamentaux face à un réel enjeu d'efficacité opérationnelle est le fruit d'une co-construction entre les différents acteurs réunis ce soir dans cette assemblée.

Monsieur le ministre d'État, nous souhaitons poursuivre cette dynamique dans les textes à venir. Nous sommes en effet tous disposés à travailler en bonne intelligence, en nous appuyant sur des éléments matériels chiffrés tels qu'une étude d'impact. Nous avons notamment beaucoup échangé ces derniers jours sur la prise en compte de la vulnérabilité et le Parlement se tient prêt à approfondir cette question dans le cadre des prochains projets de loi annoncés.

Ce texte est complexe, comme nous l'avons vu, mais il porte en lui une dimension politique et un horizon européen. C'est pourquoi le groupe La République en marche votera cette proposition de loi.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Cette législature étant désormais achevée, les commentaires sont désactivés.
Vous pouvez commenter les travaux des nouveaux députés sur le NosDéputés.fr de la législature en cours.