Intervention de Boris Amoroz

Réunion du mercredi 29 novembre 2017 à 17h05
Commission d'enquête chargée d'examiner les décisions de l'État en matière de politique industrielle, au regard des fusions d'entreprises intervenues récemment, notamment dans les cas d'alstom, d'alcatel et de stx, ainsi que les moyens susceptibles de protéger nos fleurons industriels nationaux dans un contexte commercial mondialisé

Boris Amoroz, délégué syndical de la Confédération générale du travail (CGT) chez Alstom Omega :

Quelles sont les raisons qui ont amené la SNCF à choisir les quarante-quatre locomotives pour Akiem ? C'est une bonne question, qu'il faudra poser à la SNCF.

Il est toutefois intéressant de constater qu'en même temps, aux mêmes dates, le site de Belfort a vendu des locomotives de manoeuvre, sur des systèmes équivalents, pour les chemins de fer suisses. Ces derniers ont d'ailleurs insisté pour qu'Alstom fabrique ces locomotives sur le site de Belfort, ce qui leur garantit un bon niveau de qualité et facilite leur gestion, Belfort n'étant pas très loin de la Suisse. Tout cela a été évalué.

Autour du fret, les besoins sont énormes. Les données de l'Union des industries européennes ferroviaires comme les chiffres cités par Monsieur de Cara sur l'Europe, en général, et sur la France, en particulier, en attestent : nous sommes un des pays où la part du fret ferroviaire dans le transport de marchandises est la plus faible – mis à part ceux où il n'y a pas de rails, comme Malte … Dans le point 4 de notre plan B, nous proposons de définir les besoins futurs, en termes de quantité, de qualité et de caractéristiques, avec tous les accords, les acteurs, à court, moyen et long terme. C'est là-dessus qu'il faut travailler. Et nous savons que ces besoins sont considérables.

Nous sommes d'accord, le Buy European Act n'est pas la solution. Même s'il peut être intéressant, il ne suffira pas : il posera des conditions pour l'Europe, pas pour la France. Nous ne disons pas qu'il faille protéger à tout prix de marché français ; il faut protéger un peu tous les pays. Mais nous soutenons que nous avons les capacités requises, pour peu qu'on nous en donne les moyens, qu'on cesse de se contenter d'extraire de l'argent, à condition d'avoir de l'ambition, de renforcer nos compétences et notre outil industriel.

À Belfort, la découpeuse laser a trente ans et prend feu tous les six mois : elle est à bout de souffle. Dans certaines usines, il pleut à l'intérieur des ateliers : on y travaille avec des gants sous des parapluies ou des bâches ! Malgré tout, il en sort les derniers modèles de métros pour la RATP, des motrices TGV qui vont à 350 kilomètres à l'heure. Nous sommes une des rares usines à savoir faire de telles choses. Et parfois il pleut dedans ou la découpeuse prend feu… Voilà quelle est la problématique à laquelle nous sommes confrontés en termes d'outil industriel, mais aussi d'ingénierie, en France, chez Alstom, et même dans l'ensemble de la filière.

L'État doit agir, effectivement. Mais il se défausse – c'est du moins l'impression qu'il donne : on laisse Alstom donner plein de sous aux actionnaires pour qu'ils soient d'accord et hop, tout passe à Siemens… L'État ne s'engage plus dans la gestion et n'aura plus de regard sur l'avenir de l'activité. Voilà pourquoi, dans les points 1, 2 et 3 de notre plan, nous appelons l'État à rester un véritable acteur, à donner des directives, à assurer des moyens, à contrôler et garder un regard sur l'ensemble.

Parmi les concurrents directs, je pourrais citer CAF, Talgo, Škoda, Stadler. Mais à l'inverse, on peut dire qu'Alstom vient concurrencer la SNCF sur ses activités de maintenance. Des technicentres de la SNCF ferment, et à la place, des centres Alstom ouvrent. C'est aussi le cas pour les composants : il existe d'autres fabricants de systèmes TCMS et de systèmes de traction, car le marché est assez ouvert – il suffit de reprendre les documents du FITF.

Tous, quasiment, sont des concurrents directs d'Alstom. C'est d'ailleurs pour cela que je pense qu'en passant par les GIE, on pourrait travailler, soit de manière globale, soit sur des sujets distincts, mais surtout travailler avec tout le monde, sans être dans l'affrontement, afin d'améliorer l'ensemble de notre système ferroviaire.

Quelles sont les capacités du futur géant ? On ne sait pas, vu qu'il n'y a rien : pas de stratégie industrielle, pas de stratégie de développement, pas d'innovation. En fait, on nous dira peut-être, dans quatre ans, qu'on arrête tout et qu'on ne vise que la rentabilité …

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