Intervention de Martine Wonner

Séance en hémicycle du mercredi 19 juillet 2017 à 15h00
Modernisation du système de santé – profession de physicien médical et qualifications professionnelles dans le domaine de la santé – fonctionnement des ordres des professions de santé — Discussion générale commune

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMartine Wonner :

Monsieur le président, madame la ministre, madame la présidente de la commission, mesdames et monsieur les rapporteurs, mes chers collègues, je concentrerai mon propos sur le projet de loi ratifiant les deux ordonnances du 19 janvier 2017 respectivement relatives à la profession de physicien médical et à la reconnaissance des qualifications professionnelles dans le domaine de la santé.

En tant que députée de la majorité et élue dans une zone frontalière – le Bas-Rhin – , je suis très attachée aux valeurs européennes, car l'Europe est notre identité et notre rêve commun. Je crois profondément, passionnément à l'Europe des peuples, l'Europe sociale, l'Europe du travail. La libre circulation des personnes entre pays de l'Union européenne est aujourd'hui une réalité, avec des gains indéniables en matière économique, mais aussi dans les domaines de la culture et de l'enseignement, ou encore dans la vie quotidienne des transfrontaliers. Cette liberté de circulation doit être préservée et c'est notamment à ce titre que je défendrai ce projet de loi.

Cela dit, je suis aussi médecin et je ne l'oublie pas en m'exprimant devant vous, moi qui ai toujours été attachée à la valeur des diplômes et à la place de la qualification.

Je ne m'attarderai pas sur l'article 1er du projet de loi, relatif à la profession de physicien médical. L'ordonnance qu'il vise à ratifier comporte des dispositions attendues par la profession et ne pose pas de difficultés particulières.

On ne peut en dire autant de l'autre ordonnance, et je suis heureuse d'avoir l'occasion d'éclaircir à nouveau, après Mme Toutut-Picard, les points sensibles qui font débat. Depuis janvier 2016, ces mesures auraient dû devenir réalité. La France s'est exposée à des avis motivés de la Commission européenne pour défaut de transposition, soit la dernière étape, je vous le rappelle, avant la saisine de la Cour de justice de l'Union européenne.

L'ordonnance que le Gouvernement nous demande de ratifier transpose pour les professionnels de santé la directive européenne de 2005 relative à la reconnaissance des qualifications professionnelles qui permet à un ressortissant d'un autre État, membre de l'Union européenne, d'obtenir l'équivalence de sa formation ou de son expérience, afin de pouvoir exercer sa profession en France, dans le cadre de la liberté d'établissement ou de la libre prestation de service.

L'ordonnance transpose aussi la directive européenne de 2013 qui prévoit de faciliter la mobilité des professionnels de santé, en assouplissant les règles de reconnaissance des qualifications existantes, tout en signalant les professionnels de santé, à l'échelle européenne, qui n'auraient pas le droit d'exercer dans leur État d'origine.

J'aimerais, mes chers collègues, clarifier plusieurs points. Il est vrai que l'ordonnance présentée en Conseil des ministres en janvier 2017 transpose en droit interne trois dispositifs nouveaux : l'accès partiel, la carte professionnelle européenne et le mécanisme d'alerte. Nous en avons bien conscience, et nous avons entendu les craintes des acteurs de santé : c'est bien l'accès partiel qui pose aujourd'hui le plus de difficultés. On l'a déjà rappelé : l'autorisation d'exercice avec un accès partiel permet à un professionnel, pleinement qualifié dans l'État membre d'origine, d'exercer une partie seulement des actes relevant d'une profession réglementée en France.

J'aimerais, mes chers collègues, lever quelques doutes. Cette autorisation sera encadrée par des conditions très strictes et par un examen au cas par cas des demandes, lesquelles pourront être refusées pour un motif impérieux d'intérêt général tenant à la protection de la santé publique.

Il est ainsi prévu que l'accès partiel à une activité professionnelle puisse être accordé au cas par cas et seulement lorsque les trois conditions suivantes sont remplies : le professionnel est pleinement qualifié pour exercer, dans l'État d'origine membre de l'Union européenne ou partie à l'accord sur l'Espace économique européen, l'activité professionnelle pour laquelle il sollicite un accès partiel ; les différences entre l'activité professionnelle légalement exercée dans l'État d'origine et la profession correspondante en France sont trop importantes et l'application de mesures de compensation reviendrait à imposer au demandeur de suivre le programme complet d'enseignement et de formation requis pour avoir pleinement accès à la formation en France ; enfin, l'activité professionnelle pour laquelle l'intéressé sollicite un accès peut objectivement être séparée d'autres activités relevant de la profession en France.

Malgré ce que l'on a pu entendre, l'autorisation d'exercice avec accès partiel, définie par cette ordonnance, replace bien au centre du sujet les ordres professionnels et garantira l'information des patients, protégeant ainsi la qualité des soins. En effet, pour rendre une décision sur une demande d'accès partiel, l'autorité compétente devra prendre l'avis de l'ordre professionnel régional. Pour rappel, en cas de divergence, une analyse complémentaire sera menée par le ministère en lien avec l'ordre national. En cas d'autorisation pour un accès partiel, le professionnel de santé devra exercer sous le titre de l'État d'origine rédigé dans la langue de cet État. Il devra informer clairement les patients et les autres destinataires de ses services des actes qu'il est habilité à effectuer dans le champ de son activité professionnelle.

Sans y insister, je rappellerai que l'accès partiel n'est pas applicable aux professionnels qui remplissent les conditions requises pour bénéficier de la reconnaissance automatique de leurs qualifications professionnelles, au sens de la directive européenne de 2005.

Nous pouvons comprendre la crainte de certains personnels de santé et ordres professionnels, et il nous paraît important de prendre en compte leurs critiques et interrogations. J'entends, par exemple, la référence sur ce sujet à l'Allemagne, qui a choisi une autre voie, mais il faut avoir en tête qu'à ce jour seule la phase juridique de transposition est contrôlée, et il est certain que l'Union européenne se saisira des modalités de transposition de chaque pays. Par ailleurs, pour les pays qui ont déjà transposé cette directive, aucun impact mesurable n'est rapporté ; mais il est évident que ces mesures feront l'objet rapidement d'une évaluation.

Pour ces différentes raisons, il est nécessaire, je le rappelle, d'être très attentifs à la future reconnaissance des qualifications professionnelles au travers de ces dispositions relatives à l'accès partiel, en recherchant de façon systématique les raisons impérieuses d'intérêt général susceptibles de s'y opposer, notamment en l'absence de garantie du respect des objectifs de santé et de sécurité publiques. L'évaluation des compétences des personnels dont l'activité partielle sera autorisée devra être régulière et pratiquée par des pairs expérimentés, et ceci dès les premiers mois d'exercice.

De plus, et j'insiste sur ce point, le Gouvernement s'est engagé à procéder à une concertation avec les représentants des professions disposant d'un ordre : toute demande devra recueillir l'avis des ordres professionnels dans un délai court ne dépassant pas quatre mois. Ce projet de décret sera soumis à l'avis du Haut Conseil des professions paramédicales lors de la prochaine séance qu'il tiendra, à l'automne.

Mme Toutut-Picard l'a mis en évidence, et je la remercie une nouvelle fois pour son travail et son investissement : nous serons vigilants quant à la rédaction des modalités et des décrets d'application. Le groupe La République en marche soutient cette position et sera donc très attentif, soyez-en certains.

Du fait de ma position de députée, mais également de médecin – donc de soignante – , je suis extrêmement sensible à ces questions et je suis convaincue, mes chers collègues, que ces articles pourront prendre tout leur sens en posant ces conditions indispensables, afin d'éclairer les patients comme les professionnels de santé. Aucun risque ne sera pris en matière de qualité et de sécurité des soins, l'idée étant bien évidemment de protéger tous les patients.

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