Intervention de Nicole Sanquer

Séance en hémicycle du lundi 11 décembre 2017 à 16h00
Réforme du droit des contrats du régime général et de la preuve des obligations — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaNicole Sanquer :

Madame la présidente, madame la garde des sceaux, madame la présidente de la commission des lois, monsieur le rapporteur, chers collègues, promulgué en 1804 par Napoléon, notre code civil a longtemps inspiré le monde. Il a même fait du droit civiliste le système juridique le plus répandu à travers les continents. En France, il est un pilier, si ce n'est le pilier du droit. Le doyen Jean Carbonnier disait d'ailleurs du code civil qu'il est « la Constitution civile des Français ».

Mais il a, depuis, perdu de sa superbe. Ce texte, qui regroupe les règles relatives aux personnes, aux biens et à leurs relations, n'a pas su suffisamment s'adapter aux évolutions de la société et à la mondialisation. Il comporte de nombreuses dispositions qui se révèlent aujourd'hui imparfaites et obsolètes. Même s'il n'a été que très peu réformé ces deux cents dernières années, le code civil a, dans les faits, évolué grâce à la jurisprudence de la Cour de cassation qui a forgé des règles majeures, parfois en contradiction avec certaines dispositions, ce qui a pu donner lieu à des revirements jurisprudentiels, et donc à de l'imprévisibilité.

C'est notamment le cas des dispositions relatives au droit des contrats et des obligations. En plus de son obsolescence, le droit français des contrats et des obligations fait face à une concurrence normative entre les droits nationaux. D'autres pays s'étant davantage adaptés que nous, des évaluations internationales, notamment de la Banque mondiale, jugent le droit français imprévisible et complexe, ce qui nous fait donc perdre en attractivité. Par ailleurs, il y a depuis le début des années 2000 chez nos voisins une volonté, si ce n'est une nécessité, d'harmoniser le droit européen dans ces domaines.

Ces circonstances font de la réforme du droit des contrats et des obligations une nécessité. C'est pourquoi, en 2004, à l'occasion du bicentenaire du code civil, le lancement d'une réforme d'envergure a été annoncé. L'objectif était de rendre notre droit plus lisible, prévisible et accessible, des critères qui sont bien évidemment pris en considération par les investisseurs étrangers. Or, depuis, les choses n'ont guère avancé. Il y a bien eu trois avant-projets ; mais aucun n'a débouché sur la réforme tant attendue. Pour autant, ces quinze années de réflexion et de travaux n'ont pas été vaines puisque, en février 2016, le Gouvernement a pris une ordonnance portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations, laquelle est entrée en vigueur huit mois plus tard.

Cette ordonnance, que ce projet de loi vise avant tout à ratifier, a pour objectif de renforcer « l'accessibilité, l'intelligibilité et la prévisibilité » de notre droit des contrats et des obligations, pour reprendre les mots du professeur Denis Mazeaud. Pour cela, elle codifie plusieurs solutions jurisprudentielles et introduit certaines innovations. Le principe de la liberté contractuelle y est rénové, notamment les dispositions du code civil relatives au contrat d'adhésion, à la violence en cas d'état de dépendance ou encore à l'imprévisibilité. Cette réforme, largement attendue, a été saluée par les acteurs du droit, mais aussi par ceux du monde économique dans la mesure où l'attractivité de ces deux domaines bien distincts mais liés a d'ores et déjà été renforcée.

Cela étant, cette ordonnance comporte des imperfections. C'est pourquoi le projet de loi qui vise à la ratifier et que nous allons examiner a été complété par nos collègues sénateurs en octobre dernier. Initialement composé d'un article unique visant seulement à ratifier l'ordonnance, il en comporte désormais quinze. Ces articles visent notamment à introduire des dispositions relatives aux définitions, aux négociations et au consentement ; à préciser les notions de capacité et de représentation ; à faire évoluer le contenu, les effets et l'exécution des contrats ; enfin, à modifier le droit des obligations. Ils ont été adoptés par l'immense majorité des groupes politiques, ce qui témoigne d'un véritable travail d'écoute et de concertation.

Le travail législatif a ensuite poursuivi son oeuvre, puisque lors de l'examen en commission des lois dans notre assemblée, plusieurs amendements sont venus préciser, voire corriger, des dispositions introduites au Sénat. Là aussi, la plupart des groupes se sont prononcés en faveur du texte. Cette version du projet de loi, améliorée à deux reprises, prévoit dans ses articles 1er à 5 de modifier le code civil pour clarifier la définition du contrat de gré à gré ; préciser la notion de préjudice réparable en cas de faute commise dans les négociations précontractuelles ; introduire une définition des conditions générales qui caractérise le contrat d'adhésion.

L'article 6 vise à clarifier les règles de capacité et de représentation des personnes morales, ainsi que celles relatives aux situations de conflit d'intérêts. Quant à l'article 7, il entend modifier les dispositions propres au contenu du contrat pour introduire la résolution judiciaire comme sanction applicable en cas de prix abusif dans les contrats de prestations de service.

Les articles 8 et 8 bis traitent des effets du contrat, redonnent au juge le pouvoir de réviser le contrat entre les parties en cas d'imprévision et précisent qu'en cas de cession, les sûretés accordées par le cédant disparaissent automatiquement.

Les articles suivants ont pour objet de modifier le droit des obligations. Il s'agit des articles 10 à 14, qui prévoient, entre autres points, de soumettre la cession de dette au formalisme de l'écrit ; de préciser qu'en cas de cession de dette, les sûretés accordées par le débiteur originaire disparaissent automatiquement ; ou encore de clarifier les règles relatives au paiement de sommes d'argent en monnaie étrangère.

Enfin, l'article 15 vise à modifier l'article 9 de l'ordonnance, en précisant que les contrats conclus avant le 1er octobre 2016 demeurent soumis à la loi ancienne, et à différer l'entrée en vigueur de ce projet de loi, afin de laisser le temps aux acteurs concernés de l'anticiper.

Le texte ratifie donc non seulement une ordonnance qui, bien qu'il nous en faille regretter la méthode en notre qualité de législateur, a déjà fait la preuve de son efficacité, mais comble aussi d'autres lacunes de notre code civil quant au droit des contrats et des obligations. Ses dispositions répondent aux besoins des acteurs du droit, ainsi qu'à ceux des acteurs économiques, notamment des petites et moyennes entreprises, qui sont les moins préparées aux évolutions juridiques majeures. Il nous appartiendra d'être particulièrement attentifs aux effets nationaux, européens et internationaux de cette réforme. Mes chers collègues, vous l'aurez compris, le groupe UDI, Agir et indépendants soutiendra son adoption.

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