Intervention de Stéphane Viry

Séance en hémicycle du lundi 11 décembre 2017 à 16h00
Réforme du droit des contrats du régime général et de la preuve des obligations — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaStéphane Viry :

Madame la présidente, madame la garde des sceaux, monsieur le rapporteur – Mme la présidente de la commission nous a quittés – cela a déjà été dit : le Parlement est appelé à ratifier, plus d'un après sa publication, l'ordonnance portant réforme du droit des contrats, du régime général de la preuve et des obligations.

Comme d'autres orateurs avant moi, je déplore le délai de ratification : une telle ordonnance aurait dû être ratifiée il y a bien longtemps.

Certes, la dernière année fut marquée par des élections, présidentielle et législatives, qui ont quelque peu perturbé le travail législatif normal. Toutefois, le gouvernement précédent a joué avec les dates de publication sans respecter les obligations de ratification. Ainsi, alors que la loi d'habilitation du 16 février 2015 donnait un délai de douze mois pour prendre l'ordonnance, celle-ci n'a été publiée que le 10 février 2016 ; ensuite, alors que la loi d'habilitation imposait un dépôt de projet de loi de ratification dans les six mois, celui-ci ne l'a été que le 9 juin 2017, soit bien après le délai imposé par le Parlement.

De nombreux orateurs ont rappelé que cette ordonnance est l'aboutissement d'un long processus de plus de dix ans de réflexion sur notre droit : cela est vrai. C'est la raison pour laquelle je m'étonne d'ailleurs du recours à une ordonnance alors qu'un débat au Parlement aurait été justifié, notamment sur le droit des obligations, socle de notre code civil. Même si cette décision a été prise sous la précédente législature, je la regrette.

Il aurait été d'autant plus important d'avoir un tel débat que nous touchons au coeur du fonctionnement de notre société, au noyau dur du droit, tellement important que, comme on l'a déjà fait remarquer, il n'a guère évolué depuis plus de deux cents ans, depuis que le code Napoléon a été rédigé. Le fait qu'un droit ne change quasiment pas durant deux siècles ne vient pas du hasard : c'est la preuve de sa solidité, la preuve de combien il avait été bien pensé lors de sa rédaction. Nous devons toujours revenir à la base, aux origines, et ce d'autant plus lorsque nous légiférons sous le regard de Jean-Étienne-Marie Portalis, l'un des rédacteurs du code civil, qui a sa statue dans le salon que nous traversons tous les jours, mes chers collègues, pour venir dans cet hémicycle.

Il n'en demeure pas moins que les enjeux contemporains, les évolutions jurisprudentielles et la mondialisation nécessitent d'adapter notre droit. C'est le but de cette ordonnance, qui ne le bouleverse pas. Nous soutenons cette ordonnance puisqu'elle ne rend que plus lisible et plus accessible le droit des contrats, afin qu'il reflète mieux le droit positif. Pour que le droit puisse être compris par tous, notamment les dispositions relatives aux contrats, au régime général des obligations et à la preuve, un effort de définition a été fait, et le vocabulaire simplifié.

Grâce à cette ordonnance, les conséquences de la mondialisation sont prises en compte. Elle a également pour but de renforcer l'attractivité de notre droit national, vous l'avez dit, madame la ministre, en s'inspirant des projets européens d'harmonisation. Conséquence directe, et ce n'est pas neutre : elle supprime la notion de cause. En dernier lieu, elle cherche à accroître l'efficacité économique. Elle s'attaque ainsi à la théorie de l'imprévision, crée un nouveau vice du consentement basé sur la violence économique, et trois nouvelles actions dites « interrogatoires ». Malgré mes premières réticences, le fond de cette ordonnance va dans le bon sens et je la voterai bien entendu.

Toutefois, dans notre société en proie à des évolutions brutales et rapides, où chacun peut parfois s'étonner d'une évolution et s'interroger par rapport à la philosophie humaniste de notre peuple, nous devons faire attention à ne pas chambouler des règles qui font la base de notre vivre ensemble. N'hésitons pas, je l'ai dit, à revenir à nos origines : le droit des obligations, notion juridique qui vient du droit romain et est en vigueur depuis plusieurs siècles, est le lien de droit créé par l'effet de la loi ou de la volonté de celui ou de ceux qui s'engagent en vue de fournir ou de recevoir un bien ou une prestation. Cette seule définition est à la base de toutes les interactions humaines et sociétales. Revenons à la base des choses, à la simplicité des choses. Arrêtons de complexifier, de légiférer de manière trop technocratique et de rigidifier les normes, et peut-être que notre société s'en portera mieux.

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