Intervention de Sébastien Chenu

Séance en hémicycle du mercredi 19 juillet 2017 à 15h00
Modernisation du système de santé – profession de physicien médical et qualifications professionnelles dans le domaine de la santé – fonctionnement des ordres des professions de santé — Discussion générale commune

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaSébastien Chenu :

Monsieur le président, madame la ministre, madame la présidente de la commission, mesdames et monsieur les rapporteurs, mes chers collègues, une fois encore, la représentation nationale est saisie de projets de loi de ratification d'ordonnances dont l'intitulé, aussi angélique que flou, nous invite, par exemple, à la « modernisation de notre système de santé ».

Au-delà de la forme et de la méthode, sur lesquelles je reviendrai, ces projets de loi nous permettent d'entrevoir la philosophie qui sous-tend vos priorités en matière de santé publique : une philosophie inquiétante. En effet, au travers de ces trois projets de loi, nous réalisons que ce gouvernement a décidé de mettre notre pays en marche vers un marché global de la santé. Dans le projet politique de santé publique que dessine votre gouvernement, la santé serait un marché comme un autre ; la segmentation, la fragmentation, la privatisation seraient les maîtres mots de ce qui doit pourtant demeurer l'une des missions régaliennes de l'État.

Au sein de ce marché global de la santé qui se dessine, une première conséquence se mesure déjà. Elle est certes l'héritage de vos prédécesseurs et de la philosophie d'une grande partie de cette majorité, mais vous allez pourtant l'aggraver, avec le sourire.

Le coût de l'université de médecine a conduit les gouvernements successifs, désengagés depuis longtemps dans le domaine de la formation, à préférer recruter à l'étranger plutôt qu'à former des étudiants français, en refusant de rehausser le numerus clausus – l'une des propositions défendues depuis des années par Marine Le Pen. L'université française de médecine est l'une des meilleures au monde ; ayons le bon sens de former nous-mêmes nos propres médecins !

Cette philosophie du marché global de la santé que vous défendez et dont découlent les projets sur lesquels vous nous demandez de nous prononcer, c'est d'abord une méthode. Ainsi, comme sur beaucoup d'autres sujets d'importance, la ratification de ces ordonnances n'invite pas le Parlement à pouvoir débattre largement de ces questions. En mélangeant allègrement les sujets – ordres professionnels, transposition de directives européennes – , vous enfumez volontairement la représentation nationale pour masquer la vision globale qui est la vôtre. En n'associant pas les professionnels, en n'établissant aucune concertation, comme d'ailleurs l'un des rapporteurs l'a relevé lui-même en commission, vous avancez masqués, n'assumant pas au grand jour votre dessein. Enfin, en vous empressant de transposer des directives européennes que même l'Allemagne n'a pas transposées à ce jour, vous nous obligez à une soumission toujours plus forte aux logiques de l'Union européenne.

Pourtant, cette politique dont vous vous revendiquez a déjà obtenu de tristes résultats. Non content d'en prendre la mesure, vous la poursuivez et l'accélérez : désertification rurale, inégalités de l'accès aux soins, privatisation des soins, services hospitaliers en banqueroute, personnels au bout du rouleau, déremboursement des médicaments ; les signaux sont pourtant nombreux, et vous refusez de les voir.

Élu d'un territoire dans lequel l'âge moyen de mortalité fait honte à notre pays, élu d'un territoire dans lequel la démarche vers l'hôpital public nécessite bien souvent un accompagnement en amont, tant elle ne va pas de soi, élu d'un territoire dans lequel l'amiante a provoqué une véritable catastrophe sanitaire et dont la justice s'apprête à exonérer les industriels de toute poursuite sans un mot ni même presque un regard de votre part, madame la ministre, je ne peux accepter vos logiques, qui puisent probablement leurs sources dans le mépris affiché par le Président de la République lorsqu'il parlait des populations du Nord, alcooliques et tabagiques.

En quoi le fait qu'un diplômé étranger ne disposant pas du niveau ni des compétences requis puisse exercer, même seulement partiellement, sur le territoire français, est-il un progrès dans l'offre de soins ? Pouvez-vous nous l'expliquer ? Notre collègue Olivier Véran le rappelait en commission, certains médecins étrangers exercent « de manière un peu sauvage dans des hôpitaux français », sans qu'il ait même été vérifié qu'ils soient « inscrits au tableau de l'ordre des médecins dans leurs propres pays ».

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