Intervention de Michel Larive

Séance en hémicycle du mardi 12 décembre 2017 à 15h00
Orientation et réussite des étudiants — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMichel Larive :

Sous couvert d'orientation et de réussite des étudiants, vous êtes en marche vers une accentuation des inégalités, madame la ministre.

Nous ne pouvons que dresser le constat du manque incontestable de moyens alloués à l'enseignement supérieur. Le mois dernier, vous annonciez une hausse de 700 millions d'euros du budget dédié à l'enseignement supérieur et à la recherche dans le projet de loi de finances pour 2018. Or, ce chiffre n'est pas exact !

Du fait des 330 millions d'euros d'annulations de crédits, l'augmentation réelle avoisine les 370 millions d'euros. Nous sommes loin des ambitions annoncées pour l'une des priorités révélées du quinquennat. Corrigé de l'inflation, le budget de l'enseignement supérieur est passé de 12,4 milliards à 13,4 milliards d'euros en dix ans, alors que le nombre d'étudiants augmentait de 20 %, sur la même période. Le budget par étudiant a donc chuté de 10 % en dix ans ! La France a la chance que sa population augmente de manière significative. Cette démographie s'accompagne inéluctablement de l'accroissement du nombre d'étudiants sur les bancs de la faculté. Face à cette évolution, les pouvoirs publics ont le devoir de s'adapter à la situation. Les moyens et les infrastructures d'aujourd'hui ne permettront pas d'accueillir les quelque 30 000 étudiants supplémentaires chaque année, tout en assurant un enseignement supérieur de qualité. Il faudra bien qu'un jour votre ministère prenne conscience que les moyens alloués à l'université doivent être corrélés à l'augmentation du nombre d'étudiants. Vous ne semblez pas avoir pris la mesure de la situation.

La politique d'austérité que vous menez participe pleinement à la réussite de la stratégie de Lisbonne. Cette logique entrepreneuriale, soumise aux injonctions libérales, répond au Livre blanc du Conseil européen de mars 2000. Votre « plan étudiants » se calque sur un modèle d'outre-Atlantique, élitiste et sélectif, où étudier rime avec s'endetter. L'université est un service public. Elle doit donc rester ouverte à tous. L'étudiant ne doit pas être la variable d'ajustement des dysfonctionnements de l'université. Il faut abolir le tirage au sort, résorber les tensions de certaines filières. La seule solution est d'augmenter les moyens alloués à l'université pour en garantir la plus large accessibilité.

Madame la ministre, le projet de loi que vous appelez « Orientation et réussite des étudiants » n'est autre que le prolongement des politiques antérieures menées par vos prédécesseurs, Mmes Pécresse et Fioraso, à savoir une politique de désengagement de l'État au profit d'une marchandisation du savoir. Ainsi, vous serez à la tête d'un ministère qui persévère dans l'offre de logements étudiants insalubres, d'un service de bourses dégradé, d'une protection sociale dédiée inexistante et d'un service public en voie de privatisation. La jeunesse de notre pays mérite mieux !

L'individualisation des parcours via le contrat de réussite étudiant fait perdre au diplôme son cadre national, qui lui donne sa valeur. Ainsi, il est créé une échelle de valeurs qui n'existait pas. Celle-ci générera forcément une sélection pour la continuité des études. Nous aurions préféré un service public d'orientation et le renforcement des dispositifs pédagogiques en première année afin de garantir la réussite du plus grand nombre.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Cette législature étant désormais achevée, les commentaires sont désactivés.
Vous pouvez commenter les travaux des nouveaux députés sur le NosDéputés.fr de la législature en cours.