Intervention de Michel Larive

Séance en hémicycle du mardi 12 décembre 2017 à 15h00
Orientation et réussite des étudiants — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMichel Larive :

Pour être conforme à l'esprit du Conseil national de la Résistance et au bloc de constitutionnalité de notre hiérarchie des normes, l'université devrait être gratuite. Le Préambule de 1946 prévoit la gratuité de l'enseignement public à tous les niveaux. L'accès à l'enseignement supérieur doit être le plus large possible pour permettre l'émancipation par le savoir du plus grand nombre.

La sélection existe aujourd'hui au sein des établissements d'enseignement supérieur. Elle est conditionnée à l'acquisition de compétences, validée par le contrôle continu, les partiels, les travaux dirigés, une obligation d'assiduité, des mentions, l'organisation des rattrapages. Bref, les étudiants sont déjà évalués au sein même de l'université, par l'université, sur leur travail à l'université. Nous n'avons pas besoin d'ajouter des difficultés d'accès au diplôme dès les portes de l'institution.

Par ailleurs, la concertation qui a précédé ce projet est lacunaire. Ainsi, la suppression du RESS, le régime étudiant de Sécurité sociale, a été décidée sans même consulter les organisations étudiantes. En agissant ainsi, le Gouvernement se déconnecte des véritables besoins estudiantins et ne répond pas aux problématiques d'accès aux soins. L'inscription des étudiants au régime général de la Sécurité sociale ne résoudra pas le problème : un tiers d'entre eux renoncera toujours à se soigner pour des raisons financières ! La mise en place d'un droit commun pour nos étudiants en matière de santé aurait pu être satisfaisante, mais vous n'anticipez pas le manque d'autonomie et les inégalités qui en résulteront ! Beaucoup préféreront être rattachés au régime de Sécurité sociale de leurs parents, ce qui ne résorbera pas les inégalités existantes – au contraire, elles pourraient s'en trouver accentuées.

Dans le même état d'esprit, l'année sabbatique que vous proposez aux étudiants pose un problème d'équité. Vous autorisez un étudiant à suspendre sa présence dans l'établissement afin de réaliser un projet professionnel ou personnel. Cette proposition est valable pour un étudiant financièrement aisé, mais comment voulez-vous que l'étudiant boursier ou précaire puisse avoir le loisir de bénéficier d'une année sabbatique ? Ces étudiants travailleront nécessairement et, s'ils le faisaient déjà, évolueront d'un temps partiel vers un temps plein. Ils ne seront alors plus du tout étudiants, mais travailleurs. Vous nous proposez donc une année sabbatique de classe, où seuls ceux qui pourront se passer de l'aide de l'État pourront en profiter.

Madame la ministre, votre projet est pernicieux. Nous veillerons à mettre ses failles en lumière tout en étant force de proposition. Orienter ce projet vers une réussite de tous les étudiants est, je le crois, notre objectif commun. Ce plan étudiants ne reflète en rien l'avenir auquel aspire la jeunesse ! Après les ordonnances sur la loi travail et autres sessions extraordinaires, voici que vous nous proposez la procédure accélérée. Vous décidez seule, sans concertation avec les organisations étudiantes, de passer une nouvelle fois en force sur ce texte. Pourtant, un sujet tel que la sélection à l'université mérite le temps de la réflexion, et surtout celui du débat avec l'ensemble de la représentation nationale.

La majorité des jeunes électeurs s'est exprimée en avril en faveur d'un avenir en commun. Ils n'ont pas choisi la sélection, la privatisation de l'université, la discussion de la gestion de la misère. Ils ont privilégié le choix du savoir émancipateur.

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