Intervention de Isabelle Rauch

Réunion du mardi 5 décembre 2017 à 16h30
Commission des affaires étrangères

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaIsabelle Rauch, rapporteure :

Je vous présente une convention conclue par la France avec Andorre le 17 mars 2014, qui porte sur la coopération en matière de sécurité civile.

En préambule, je souhaite signaler que j'ai eu beaucoup de mal à obtenir les informations nécessaires pour pouvoir travailler sur cette convention. Nous avons adressé une série de questions au ministère plus de trois semaines à l'avance et n'avons finalement pu obtenir que des réponses partielles, malgré de multiples relances.Je dis nous car je tiens à saluer le travail de l'administration et notamment l'administratrice en charge de ce rapport. Je trouve que ces conditions de travail ne sont pas dignes de notre commission.

Venons-en maintenant à la convention soumise à l'examen de notre commission. Elle vise à encadrer juridiquement notre coopération avec Andorre dans le domaine de la sécurité civile. Cette coopération a vu le jour dans les années 1990, entre la sécurité civile française et les services de secours de l'Ariège et des Pyrénées orientales, d'une part, et la protection civile andorrane, d'autre part, autour des problématiques spécifiques liées à cette région de montagne.

Concrètement, de quoi s'agit-il ? En premier lieu, d'échanges d'informations réguliers entre les services français et andorrans sur l'évaluation des risques locaux. Ces risques, quels sont-ils ? Ils sont principalement liés au milieu montagneux : risques d'éboulements, d'inondations, de mouvements de terrain, d'avalanches, ainsi que de phénomènes climatiques atypiques susceptibles d'avoir des conséquences particulièrement graves dans cette zone où les activités de loisirs de montagne sont très développées.

La coopération repose aussi sur de la formation, essentiellement au profit des sapeurs pompiers andorrans, qui effectuent tous leur formation spécialisée en France, ce qui garantit une certaine interopérabilité avec les services français pour intervenir dans des situations d'urgence.

Ces interventions en situation d'urgence représentent le troisième volet de notre coopération de sécurité civile. La plupart du temps, il s'agit d'opérations de secours en montagne. Mais les services de secours locaux gardent aussi la mémoire des tempêtes qui avaient sévi en France à la fin de l'année 1999 ; Andorre avait alors dépêché plusieurs équipes de secouristes et mis à disposition des équipements et véhicules de secours pour renforcer les capacités françaises dans la zone frontalière.

Au total, l'ampleur des actions de coopération conduites entre services de secours français et andorrans est plutôt limitée ; néanmoins, il paraissait utile et nécessaire de conclure un accord afin de leur donner une base juridique, notamment pour encadrer l'intervention d'une équipe de secours sur le territoire de l'autre partie en situation d'urgence.

Jusqu'à aujourd'hui, cette base juridique n'existe pas. Pourtant, dès 1996, Andorre a proposé un projet d'accord de coopération en matière de sécurité civile ; et depuis, de nombreux projets et contre-projets se sont succédés.

Alors, comment expliquer que la négociation ait été à ce point laborieuse, pour un sujet qui ne paraît pas particulièrement sensible à première vue ? En réalité, les discussions ont longtemps achoppé sur la question du partage de la charge financière.

D'un côté, la France refusait de conclure un accord qui prévoirait une automaticité de l'octroi des secours en situation d'urgence. En effet, la de crainte était se voir privée des moyens de secours pour des urgences qui surviendraient sur le territoire national, notre pays refusant aussi que la charge financière repose sur le pays apportant les moyens de secours, étant donnée l'asymétrie prévisible dans l'application de cette clause au profit d'Andorre, du fait de la disproportion des moyens de secours. Au total, la France voulait se prémunir de tout risque de transfert de la responsabilité des secours en Andorre sur les services français, ce qui semble légitime.

Mais de son côté, Andorre s'inquiétait de ce que la charge résultant de l'application de l'accord pût être disproportionnée au regard de ses moyens.

L'accord que nous examinons aujourd'hui est donc le fruit d'un compromis minutieusement négocié, et il me semble plutôt équilibré.

Il comporte trois principaux volets. Le premier, relatif à la coopération technique et scientifique, ne pose pas de difficultés particulières. Il mentionne les formes possibles de cette coopération : envoi de techniciens, accueil d'étudiants boursiers, échanges divers, etc, dans la mesure des disponibilités budgétaires de chaque Etat.

Le deuxième volet porte sur l'assistance mutuelle en situation d'urgence. Elle se fait sur demande, et il revient à la partie sollicitée d'apprécier la réponse qu'elle entend donner. Cette dernière finance cette intervention dans la mesure de ses disponibilités budgétaires ; au-delà, elle pourra en obtenir remboursement. L'Etat à l'origine de la demande est, par principe, responsable des dommages survenus à cette occasion, mais chaque Etat prend en charge les dommages causés à ses propres équipements.

Il est donc manifeste que tous les points durs exprimés par la France lors de la négociation ont été pris en compte.

Enfin, Andorre a souhaité insérer dans l'accord un troisième volet qui prévoit la possibilité d'intégrer l'une de ses équipes de secours à un détachement français intervenant dans le cadre d'une catastrophe naturelle ou technologique dans un pays tiers.

Quel en est l'intérêt ? Il s'agit de permettre aux personnels de la protection civile andorrane de se former ou d'acquérir une expérience dans ces situations, pour lesquelles la France dispose de savoir-faire que la Principauté n'a la capacité de développer de manière endogène. Par exemple, lorsque la France est intervenue en Haïti en 2014, les Andorrans avaient exprimé leur intérêt pour participer au détachement français. Mais ce type de montage n'était pas concevable en l'absence d'un cadre juridique solide.

L'accord que nous examinons y remédie. Il prévoit que la France accepte le principe de la participation de détachements andorrans dans ces situations ; elle en appréciera l'opportunité au cas par cas, et recherchera l'assentiment des pays tiers concernés.

Nous avons déjà conclu un accord de ce type avec Monaco, en 2004. Il a notamment été mobilisé lors de la catastrophe nucléaire de Fukushima, en 2011, et semble avoir donné satisfaction.

Au total, l'accord qui nous est soumis vient combler un vide juridique. L'asymétrie assumée de ses clauses est tempérée par un partage équilibré des charges, qui doit permettre à la France de les appliquer à moyens constants, dans la limite de ses disponibilités budgétaires. Cet accord permet de valoriser les savoir-faire spécialisés de la sécurité civile et des services de secours français. Notre partenaire l'a ratifié dès 2015, et je vous encourage aujourd'hui à faire de même.

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