Intervention de Général Gaëtan Poncelin de Raucourt

Réunion du mercredi 6 décembre 2017 à 9h30
Commission de la défense nationale et des forces armées

Général Gaëtan Poncelin de Raucourt, secrétaire général de la garde nationale :

Madame la présidente, Mesdames, Messieurs les députés, je suis très heureux de vous présenter la garde nationale et d'évoquer avec vous ses perspectives d'évolution.

Pour introduire mon propos, je rappelle que la garde nationale regroupe l'ensemble des réserves opérationnelles d'engagement – c'est-à-dire les réservistes qui ont souscrit un contrat d'engagement pour servir dans la réserve opérationnelle – des armées et de la gendarmerie nationale ainsi que leur équivalent dans la police nationale. J'ai été nommé secrétaire général de la garde nationale en octobre 2016, une semaine après la création de celle-ci, et confirmé à ce poste en 2017. À ce titre, je suis chargé d'assurer le développement dynamique de la garde nationale, notamment de sa notoriété, de son attractivité et des partenariats avec les employeurs, publics et privés.

Quelle est l'ambition qui a présidé à la création de la garde nationale après les attentats de novembre 2015 et juillet 2016 ? Cette création, dont nous avons célébré le premier anniversaire en votre présence, Madame la présidente, s'est vue assigner d'emblée un triple objectif, défini dans le décret du 13 octobre 2016 : renforcer les armées, la gendarmerie et la police nationales, confrontées à des taux d'engagement inégalés, répondre au besoin d'engagement très vif de nombre de nos concitoyens et contribuer à renforcer la cohésion nationale et la résilience de la nation.

Pour atteindre ces objectifs, deux principes fondateurs de la garde nationale ont rapidement fait consensus. Ils reposent sur un postulat : « partir de l'existant sans le déstructurer ». Ainsi l'organisation des réserves existantes, indispensables au fonctionnement et à la réalisation des contrats opérationnels des armées, de la gendarmerie et de la police, n'a pas été modifiée. Les réservistes restent donc pleinement intégrés à l'active. En outre, considérant que la garde nationale n'avait pas de mission propre mais qu'elle renforçait en permanence l'active, les chefs d'état-major, les directeurs généraux de la gendarmerie et de la police nationales conservent la maîtrise de l'emploi, du recrutement, de la formation, de l'administration, de l'entraînement et de l'équipement de leurs réservistes. Procéder autrement, en créant par exemple une entité autonome, aurait été profondément déstructurant pour les réserves comme pour l'active. Je me permets d'insister sur ce point, qui est fondamental pour appréhender la garde nationale actuelle.

Cette approche pragmatique s'est révélée payante. L'annonce de la création de la garde nationale dans le paysage des armées et des forces de sécurité intérieure a reçu un bon accueil de la part de nos concitoyens. Ce premier succès a facilité l'amplification de la dynamique initiée en 2015 pour faire remonter en puissance la réserve. La garde nationale a permis de renforcer la gouvernance des réserves, d'en développer la notoriété, de les rendre plus attractives et, enfin, de favoriser la conclusion de nombreux partenariats avec les employeurs civils des réservistes, tant dans le monde de l'entreprise que dans celui des administrations.

Je ne crains donc pas de dire devant vous que, grâce à ces efforts ambitieux, la garde nationale est aujourd'hui sur trajectoire.

En effet, les réserves des armées, de la gendarmerie et de la police regroupaient 55 000 personnes en 2015. En 2017, la garde nationale rassemble 70 000 réservistes, dont 7 300 sont employés chaque jour en moyenne ; ils seront bientôt 85 000.

Au-delà des données statistiques, nous assistons également à une mutation sociologique et à une évolution des mentalités. Les réservistes ab initio, c'est-à-dire ceux qui n'ont pas de passé militaire d'active, représentent aujourd'hui près de 70 % des effectifs, et ce chiffre est en constante augmentation. Le taux de féminisation s'amplifie également et a dépassé, en 2016, 20 %, soit cinq points de plus que le taux de féminisation de l'active. Enfin, notre jeunesse, que l'on dit parfois individualiste et éloignée des préoccupations politiques, s'engage : les moins de 30 ans représentent 37 % et les étudiants 20 % des effectifs, et leur nombre est en hausse continue. Tel est également le cas des employeurs, publics ou privés : près de 500 conventions de soutien à la politique de la réserve militaire ont été signées. C'est une réalité, les employeurs comprennent de mieux en mieux la plus-value que représente un salarié réserviste au sein de l'entreprise. Contrairement à certaines idées reçues, ce ne sont pas uniquement les grandes entreprises spécialisées dans le secteur de la défense qui sont mobilisées ; le phénomène touche tout type d'activité et un nombre croissant de PME et même de TPE se manifestent et signent ces conventions.

Ces éléments traduisent une véritable dynamique. Depuis le 13 octobre 2016, les effectifs ont progressé de 10 %, les activités de 40 %, et ce, en grande partie au bénéfice de l'emploi opérationnel. À ce propos, je voudrais rappeler et saluer l'attitude très professionnelle de nos réservistes engagés aux côtés de leurs camarades d'active. Ainsi, le 1er octobre dernier, à la gare de Marseille, c'est un réserviste de l'armée de terre faisant partie d'un groupe composé à la fois de réservistes et de personnels d'active qui neutralisa, avec beaucoup de sang-froid et de maîtrise de la force, le terroriste qui venait d'assassiner deux jeunes femmes.

Je ne vous cache pas qu'il est particulièrement stimulant pour le secrétaire général que je suis de mesurer chaque jour le capital d'engagement qui prévaut dans notre pays pour concourir sous diverses formes et, pour reprendre les termes du décret du 13 octobre 2016 relatif à la garde nationale, « le cas échéant, par la force des armes, à la défense de la patrie et à la sécurité de la population et du territoire ».

La création de la garde nationale a également permis de renforcer de manière significative la gouvernance des réserves présidée par les ministres de l'Intérieur et des Armées. Elle a facilité la mise en oeuvre de nouvelles mesures destinées aux réservistes et à leurs employeurs. Pour les premiers, je citerai le financement d'une partie du permis de conduire, la création d'une allocation étudiante et d'une prime de fidélité ainsi que la délivrance d'un certificat de qualification professionnelle des métiers de la sécurité par équivalence. Il convient de souligner la rapide mise en oeuvre de ces mesures qui ont été décidées fin 2016 et dont les réservistes peuvent bénéficier depuis septembre 2017. Pour les entreprises, je mentionnerai des dispositifs d'allégement fiscal ainsi que la prise en compte des activités militaires de leurs salariés au titre de la responsabilité sociétale des entreprises (RSE).

Ces points très positifs constituent un vif encouragement. Ils n'ont d'ailleurs pas échappé au Haut Comité d'évaluation de la condition militaire (HCECM), qui estime, dans son dernier rapport, daté de septembre 2017, que « l'émergence de la garde nationale a favorisé l'attractivité de la réserve opérationnelle » et que, « pour rendre visible et valoriser la Réserve auprès des jeunes Français et des employeurs, la garde nationale a mis en place des actions de communication et des “mesures d'encouragement” sans précédent qui ont contribué à la montée en puissance des effectifs des réserves opérationnelles des Armées et de la Gendarmerie ».

Parmi les principaux défis qui se présentent à nous dans un contexte où nous sommes appelés à amplifier la dynamique et à consolider les premiers résultats obtenus, je tiens à mentionner trois points qui me paraissent particulièrement importants : en premier lieu, la nécessaire sanctuarisation des budgets consacrés aux réservistes ; ensuite, l'atteinte des objectifs de simplification et de digitalisation de l'administration et de la gestion des réservistes ; enfin, le renforcement des relations entre les employeurs et les réservistes. Mais je n'oublie pas d'autres questions importantes, telles que la consolidation de la protection sociale de nos réservistes et la légitime reconnaissance qui leur est due pour leur engagement exigeant. Je pourrai revenir sur chacun de ces points au cours de nos échanges, si vous le souhaitez.

Voilà, me semble-t-il, les enjeux majeurs des années à venir pour la garde nationale. La bataille du recrutement semble en passe d'être gagnée ; celle de la fidélisation commence, et elle est cruciale.

Bientôt soumis à votre examen, le prochain projet de loi de programmation militaire comporte des mesures d'ordre budgétaire et statutaire qui doivent nous donner les moyens de gagner cette bataille.

Parmi les mesures d'ordre budgétaire, le budget 2018 en « T2 », c'est-à-dire la masse salariale, évalué à 153 millions d'euros, conforte les effectifs et le nombre de jours d'activité que nous devons atteindre. Je relève au passage que le T2 « Réserves » a plus que doublé en quatre ans, passant de 71 millions en 2014 à 153 millions d'euros en 2018. Cet effort, qui vient en appui de l'ambition politique, est indispensable pour conforter les effectifs et le taux d'emploi, tout en rendant possible l'indispensable effort à consentir en faveur des équipements des réservistes pour les aligner enfin sur les standards de l'active : véhicules et équipements du combattant, modernisation de certaines installations et infrastructures... Cet effort en faveur du « hors T2 », inédit pour la réserve, est évalué à 169 millions sur la durée de la loi de programmation militaire (LPM).

Parmi les mesures statutaires, je citerai celles qui sont proposées dans le cadre de la LPM. La première est la modification des seuils plafonds de la durée annuelle d'activité à accomplir au titre de la réserve opérationnelle. Ainsi, la durée de droit commun à accomplir au titre d'un engagement à servir dans les réserves (ESR) pourrait être portée de 30 à 60 jours par année civile. Les autres seuils ne changeraient pas et resteraient fixés à 150 jours pour les besoins des armées et de la gendarmerie et à 210 jours pour les emplois présentant un intérêt de portée nationale ou internationale. La deuxième mesure est la modification des limites d'âge des réservistes spécialistes ou relevant des corps des médecins, des pharmaciens, des vétérinaires et des chirurgiens-dentistes, qui pourraient être portées à dix ans au-delà de la limite d'âge de l'active au lieu de cinq actuellement, sans pouvoir excéder l'âge maximal de 72 ans. Troisième mesure : l'avancement des officiers ou sous-officiers de réserve, en l'absence de promotion d'officiers ou de sous-officiers d'active du même corps et du même grade la même année. Quatrième mesure : l'engagement systématique de la responsabilité sans faute de l'État pour tout dommage subi par un réserviste à l'occasion ou en raison de son service, ouvrant ainsi la voie à une réparation intégrale et rapide des dommages subis. Enfin, cinquième mesure : la prise en charge des pertes de revenus des réservistes blessés, afin qu'ils bénéficient du versement des prestations en espèces auxquelles ils auraient pu prétendre s'ils avaient été victimes d'un accident du travail au titre de leur activité civile, dans l'attente d'une prise en charge définitive par le ministère des Armées.

Ces mesures sont attendues par nos compatriotes réservistes, qui s'engagent au service de la France. Il me paraît important que la représentation nationale se saisisse de ces dispositions, qui traduisent une juste reconnaissance de leur engagement.

Pour conclure, je tiens à souligner que la garde nationale constitue aujourd'hui une forme renouvelée de mobilisation de la Nation pour assurer sa propre sécurité. Cette communauté émergente de citoyens-soldats servant dans les armées, la gendarmerie et la police au titre de la garde nationale mérite d'être soutenue et reconnue au plus haut niveau. Je ne doute pas que ce soit le cas de la part de la représentation nationale. Ma présence ici, à votre demande, en témoigne.

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