Intervention de Annie Genevard

Séance en hémicycle du mardi 12 décembre 2017 à 21h30
Orientation et réussite des étudiants — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaAnnie Genevard :

Durant le quinquennat précédent, madame la ministre, votre prédécesseur avait tenté de remédier au mal endémique dont souffre notre système, à savoir l'échec massif de notre enseignement supérieur, dont le coût financier et humain est insupportable. Mais l'idéologie a pris le dessus et la ministre de tutelle de Thierry Mandon, Najat Vallaud-Belkacem, a eu raison de cette lucidité. A la sélection, on préféra le terme politiquement correct de « recrutement » et la démocratisation de l'enseignement, noble objectif au demeurant, emporta avec elle toute velléité d'évolution.

Votre candidat à l'élection présidentielle partageait la clairvoyance de Thierry Mandon puisqu'il déclara que tout le monde n'était pas fait pour aller à l'université, reconnaissant ainsi que la sélection est un sujet majeur pour les publics fragiles et que les aspirations qualitatives sont devenues une priorité. Le modèle non sélectif français est en réalité inéquitable au contraire de ce qu'il prétend être.

Votre réforme, bien qu'accusée d'imposer la sélection comme le prétendent certains syndicats qui en accréditent ainsi l'idée, est en réalité tout sauf sélective puisque le principe résumé par le « oui » ou le « oui si » permet à l'étudiant d'avoir le dernier mot. Au passage, vous continuez de rogner l'autonomie des établissements universitaires en confiant in fine aux recteurs l'affectation de certains candidats. Nous préconisons au contraire le renforcement de ce qu'avait initié Valérie Pécresse et plaidons pour un acte II de l'autonomie des universités.

L'un des points clé de votre réforme réside dans l'orientation, maillon faible du secondaire. Une bonne orientation passe d'abord par une bonne information. L'information ne manque pas aujourd'hui, comme nous l'ont confirmé les nombreuses personnes auditionnées, mais elle est pléthorique et n'est pas hiérarchisée.

Quant à l'examen des candidatures à l'université, on imagine mal où l'université, si pauvre, va pouvoir trouver les ressources humaines et budgétaires pour examiner chaque dossier comme vous vous y êtes engagée. Deux millions à deux millions et demi de voeux devront trouver réponse. La position de la CPU – Conférence des présidents d'université – est sans appel : « nous n'allons pas pouvoir examiner un à un tous les dossiers. ». C'est donc un leurre de prétendre que l'orientation de chaque étudiant sera dorénavant du cousu main.

Venons-en à l'autre point fort de votre réforme qui à nos yeux est capital : les attendus. L'affaissement sémantique a là aussi fait son oeuvre. Pas de prérequis ni d'attendus : ces mots ne figurent pas dans le projet de loi. Le terme d'attendus figure bien dans l'exposé des motifs, mais pas dans le texte lui-même. Ce point est pourtant majeur. Je défendrai un amendement à l'article 1er visant à ce que les dispositifs d'accompagnement pédagogique et de formation personnalisée soient complétés par une attention particulière à la maîtrise de la langue. Comment ignorer l'alerte des présidents d'université, affolés par la déperdition catastrophique de la maîtrise du français, phénomène d'ailleurs constaté du primaire au supérieur ?

Le défi de notre pays est de donner aux étudiants une formation supérieure qui assure non seulement leur réussite mais aussi leur insertion professionnelle. J'ai été frappée lors des auditions par la manière dont la plupart de nos interlocuteurs se défendaient de tout« adéquationnisme » comme s'il s'agissait du pire des dangers. Je crois pourtant possible d'améliorer l'adéquation des formations aux opportunités d'emploi sans vendre son âme. Du reste n'est-ce pas ce qui justifie le fait de publier à destination des candidats étudiants les taux d'insertion par filière ?

Beaucoup pourtant trouvent une telle adéquation plus insupportable que le taux de chômage scandaleux de notre jeunesse. Il faut changer de paradigme, non par un assujettissement aux exigences du marché mais par une exigence qualitative qui donne confiance aux jeunes et à leurs familles. Les filières qui réussissent sont aussi celles qui sont le plus exigeantes : les classes préparatoires qui, contrairement à ce que l'on croit, comptent un bon nombre d'élèves boursiers, mais aussi les filières technologiques, qu'il faudra veiller à ne pas fragiliser par l'instauration de quotas mal calibrés. Ces modèles sont attractifs et plébiscités par les jeunes et leur famille, à la fois pour la sécurité du parcours et l'employabilité à son issue. La sélection y est un atout et elle est souhaitée.

Je conçois qu'il soit difficile de concilier sélection et démocratisation mais je ne pense pas que la solution soit la même pour tous : c'est le sens de l'autonomie que nous voudrions voir progresser.

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