Intervention de Michel Fanget

Séance en hémicycle du lundi 18 décembre 2017 à 16h00
Accord entre la france et la suisse relatif à la fiscalité applicable dans l'enceinte de l'aéroport de bâle-mulhouse — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMichel Fanget :

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, madame la présidente de la commission, mes chers collègues, notre assemblée doit se prononcer aujourd'hui sur le projet de loi autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement français et le Conseil fédéral suisse relatif à la fiscalité applicable dans l'enceinte de l'aéroport binational de Bâle-Mulhouse.

Comme l'a dit Bruno Fuchs, dont je veux saluer la qualité du travail de rapporteur, son approbation est très attendue par les acteurs économiques qui gravitent autour de cet aéroport. Le groupe du Mouvement démocrate et apparentés compte leur donner satisfaction en votant en sa faveur.

Je voudrais ici détailler les raisons de ce choix avant de solliciter votre attention sur une difficulté, soulignée par d'autres orateurs, qu'il nous faudra prendre en compte lors de l'application de l'accord, si notre assemblée décide de l'approuver.

Si nous soutenons ce texte, c'est d'abord parce qu'il favorise le développement d'une belle infrastructure, très importante tant symboliquement qu'économiquement.

Sur le plan symbolique, l'aéroport de Bâle-Mulhouse, que l'on appelle à juste titre « EuroAirport », est le produit d'une initiative binationale originale, qui s'inscrit parfaitement dans le projet européen. Sa création au printemps 1946, quelques mois seulement après la fin de la Seconde guerre mondiale, a, en quelque sorte, inauguré le mouvement de reconstruction du continent européen au-delà des frontières. Mais, comme le projet européen aujourd'hui, l'aéroport de Bâle-Mulhouse a besoin d'un second souffle, que lui procure cet accord.

Par ailleurs, sur le plan économique, il suffit de citer quelques chiffres pour se convaincre de son importance : principal aéroport du Grand Est, troisième aéroport suisse, il génère une forte activité, accueillant 126 entreprises et plus de 6 000 emplois directs ; cette activité profite tant à la France et à la Suisse qu'à l'Allemagne, pays également voisin, qui est aujourd'hui associé, à titre consultatif, à la gestion de l'aéroport. Nous saluons cette belle réussite européenne et pensons que l'accord franco-suisse, loin de la fragiliser, permet de la conforter.

Deuxième raison de notre soutien, l'accord vient corriger, et c'est heureux, une anomalie très ancienne et très désavantageuse pour la France, causée par une incertitude juridique. En l'absence d'accord entre les gouvernements français et suisse sur les conditions d'application de la fiscalité française au sein de l'aéroport, accord pourtant exigé par la convention bilatérale de 1949, la fiscalité française n'a pas été appliquée au sein du secteur douanier suisse de l'aéroport. En conséquence, la fiscalité suisse, plus avantageuse, y étant seule appliquée, ce secteur s'est révélé beaucoup plus attractif que le secteur français.

Aujourd'hui, alors que l'aéroport est un établissement public franco-suisse administré de façon paritaire par les deux pays, mais installé en France et employant très majoritairement des citoyens et résidents français, 90 % des vols au départ de l'aéroport se font sous droits de trafic suisses, tandis que 75 % des entreprises implantées dans son enceinte relèvent du secteur douanier suisse.

En 2009, le Conseil d'État a considéré au contraire que la fiscalité française devait s'appliquer dans l'ensemble de l'aéroport, ce qui a eu un effet bloquant sur le développement de ses activités. Il était donc temps de parvenir à un compromis permettant de rétablir l'équilibre entre la satisfaction des intérêts français et celle des intérêts suisses.

L'accord que nous sommes invités à ratifier par ce projet de loi est le fruit de ce compromis. Il vise à généraliser l'application de l'impôt français sur les sociétés à l'ensemble de l'aéroport tout en ménageant le secteur douanier suisse en l'exonérant de quelques autres impôts français. Ce compromis pragmatique nous paraît globalement satisfaisant.

Les entreprises de la plate-forme aéroportuaire demandaient d'ailleurs cette clarification et l'attendaient pour planifier leurs activités et investir. Il est intéressant de constater, comme l'a souligné l'orateur qui m'a précédé, que la compagnie aérienne EasyJet, confiante quant à l'approbation de cet accord après son examen préalable en commission des affaires étrangères, vient d'annoncer l'achat de deux nouveaux avions basés à l'aéroport de Bâle-Mulhouse et l'ouverture de six nouvelles routes, qui devraient se traduire par l'embauche immédiate de 72 personnes et la création de 750 emplois indirects à moyen terme. L'approbation de l'accord validera ce choix et devrait donner des idées comparables à d'autres investisseurs.

Enfin, la troisième raison de notre soutien est que cet accord est en quelque sorte un laboratoire de l'harmonisation fiscale que nous appelons de nos voeux à l'échelle européenne, afin d'empêcher la concurrence déloyale entre États et entre entreprises.

Il participe aussi, à son niveau, de la normalisation de la situation de la Suisse en matière fiscale. En effet, on a souvent qualifié la Suisse de paradis fiscal. C'est sans doute encore le cas en partie, mais il est important de souligner les efforts consentis par la Confédération depuis des années. La Suisse se met progressivement au niveau des standards internationaux en matière de transparence fiscale ; elle a notamment accepté l'échange automatique de renseignements, qui sera effectif à partir du 1er janvier prochain. En juin dernier, elle a aussi signé, à Paris, la convention multilatérale pour la mise en oeuvre des mesures relatives aux conventions fiscales pour prévenir l'érosion de la base d'imposition et le transfert de bénéfices ; en d'autres termes, les mesures de lutte contre l'évasion fiscale des multinationales préconisées par l'OCDE.

M. Mélenchon trouvera sans doute que cela n'est pas suffisant ; nous aussi. Toutefois, au sein du groupe du Mouvement démocrate et apparentés, nous préférons soutenir les initiatives qui vont dans le bon sens plutôt que passer notre temps à nous indigner de ce qui n'est pas assez abouti. Cela ne nous empêche pas, évidemment, d'appeler les autorités européennes à aller plus loin dans le combat pour la justice fiscale et contre l'évasion fiscale, qui mine tant la confiance de nos sociétés. La publication récente par la Commission européenne d'une liste noire des paradis fiscaux est, de ce point de vue, une autre bonne nouvelle, même si, là encore, il faut aller plus loin.

Pour toutes ces raisons, le groupe du Mouvement démocrate et apparentés votera donc en faveur de ce projet de loi et appelle l'ensemble des bancs de cette assemblée à faire de même.

J'appelle toutefois votre attention, à l'instar d'autres orateurs, sur un point potentiellement problématique. Une quote-part fixe de 3,2 millions d'euros est réservée aux collectivités locales en compensation de l'exonération d'impôts locaux dont profitent les entreprises du secteur douanier suisse de l'aéroport. Cette compensation est le fruit d'un compromis, elle a le mérite d'exister, mais elle ne tient pas suffisamment compte de l'évolution des bases fiscales liée à la situation économique de l'aéroport. Si celui-ci poursuit sa croissance, les collectivités pourraient se retrouver lésées. Le développement physique de l'aéroport pourrait aussi s'en trouver affecté, puisque les collectivités propriétaires de terrains n'auraient aucune incitation à lui en céder.

J'invite donc les autorités françaises et suisses à bien prendre en compte, en envisageant peut-être des mesures correctrices, les effets potentiellement négatifs de ce dispositif sur les collectivités et sur le développement de l'aéroport. Mon groupe sera particulièrement vigilant sur ce point et nous faisons confiance à notre collègue Bruno Fuchs, député de Mulhouse, pour nous alerter.

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