Intervention de Bruno Fuchs

Séance en hémicycle du lundi 18 décembre 2017 à 16h00
Accord de partenariat entre l'union européenne et le kazakhstan — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaBruno Fuchs, rapporteur de la commission des affaires étrangères :

Succéder à M. Reitzer est toujours source de motivation et de stimulation ; je vais essayer de déployer une énergie équivalente.

Il est des accords commerciaux internationaux qui font l'objet de débats complexes, voire houleux ; je pense notamment au CETA. Ce n'est visiblement pas le cas du présent accord, qui est d'une autre nature ; à mon sens, sa ratification ne devrait pas poser de problème majeur.

D'abord, il est souhaitable que l'Union européenne tisse toujours plus de relations avec ses partenaires, proches ou lointains, surtout quand ce sont des pays amis représentant un enjeu géostratégique majeur, comme c'est le cas du Kazakhstan.

Ensuite, il s'agit non pas d'un accord de libre-échange, potentiellement lourd de conséquences environnementales, sanitaires ou sociales, mais d'un accord de partenariat et de coopération destiné à approfondir la relation politique et économique entre l'Union européenne et le Kazakhstan.

Cette discussion générale est pour nous l'occasion d'évoquer l'Asie centrale, région souvent écartée de nos débats publics et pourtant essentielle sur le plan géostratégique – cela a été rappelé à plusieurs reprises. Le Kazakhstan, pays gigantesque aux ressources convoitées, est en effet trop souvent occulté par l'ombre des trois espaces d'importance majeure qui l'entourent : la Russie, la Chine et le Moyen-Orient. Du fait même de cette position et par ses caractéristiques propres, le Kazakhstan mérite toute notre attention.

Ce pays est en effet un de nos principaux fournisseurs d'hydrocarbures et de produits miniers, notamment de l'uranium nécessaire au fonctionnement du système de production nucléaire français, tandis qu'en sens inverse l'Union européenne est le principal partenaire commercial du Kazakhstan, devant la Russie et la Chine. Le solde de la balance commerciale bilatérale étant négatif pour la France, nous avons là une capacité de rééquilibrage non négligeable.

Sur le plan diplomatique, le Kazakhstan joue un rôle modérateur et s'inscrit dans les instances multilatérales, en écho à la pratique européenne. Cela s'explique sans doute par la position géographique et la composition sociale de ce pays de carrefour et de rencontre entre les civilisations russe et turque, orthodoxe et musulmane, et évidemment pris entre la Russie et la Chine, ce qui favorise manifestement l'esprit de discussion et d'ouverture.

De ce point de vue, il est essentiel que l'Union européenne approfondisse et densifie ses relations avec le Kazakhstan, afin de ne pas laisser l'initiative aux seuls Russes et Chinois, qui y sont déjà bien implantés. Pour se convaincre de l'ambition chinoise dans la région, il suffit d'ailleurs de remarquer que le président chinois a lancé publiquement depuis le Kazakhstan, en 2013, son grand projet des nouvelles routes de la soie. Par cet accord de partenariat et de coopération, dit « renforcé », le premier de ce type conclu avec un pays de la région, l'Union européenne montre qu'elle continue de considérer cette région d'Asie comme stratégique. Nous ne pouvons que nous en féliciter.

J'en viens maintenant à mon second point : il ne faut pas non plus surestimer le poids de cet accord. Comme l'a montré notre collègue Guy Teissier, par la voix de Jean-Luc Reitzer ici-même, ainsi que dans le rapport qu'il a présenté devant la commission des affaires étrangères, il s'agit d'un accord au contenu classique et souvent peu contraignant, qui permet toutefois d'améliorer sensiblement la qualité de nos échanges.

Sur le plan commercial, il reprend globalement les instructions en faveur d'une plus grande libéralisation et d'une meilleure équité des échanges énoncées par l'Organisation mondiale du commerce, dont le Kazakhstan est membre depuis 2015. Il fournit également un meilleur cadre réglementaire pour les opérateurs économiques dans de nombreux domaines, qu'il s'agisse des conditions d'établissement et d'activité des sociétés de commerce et des services, des mouvements de capitaux, des matières premières, de l'énergie ou des droits de propriété intellectuelle.

Jean-Luc Reitzer a noté quelques avancées, peut-être plus importantes encore pour nos entreprises et nos produits, comme le principe d'une protection légale des indications géographiques et des obligations procédurales visant à assurer la transparence et l'équité des passations de marchés publics.

Autre fait notable, l'accord prend en compte les enjeux de l'environnement et du travail. C'est ainsi que son titre IV, qui porte sur la « coopération dans le domaine du développement économique et durable », comprend deux chapitres dédiés à l'environnement et au changement climatique, et un chapitre sur la politique sociale. Ces sujets étant au coeur des préoccupations de nos concitoyens, il est essentiel qu'ils aient été bien intégrés dans l'accord, d'autant qu'une grande partie de l'économie du Kazakhstan est fondée sur les hydrocarbures ; nous nous en félicitons aussi.

Reste un sujet, le sujet principal et le plus problématique, qui est revenu dans les débats récents, tant à la commission des affaires étrangères qu'au Parlement européen : il s'agit évidemment des droits de l'homme, que tous les intervenants ont abordés. Je ne reviendrai pas sur les questions de la concentration du pouvoir, du système judiciaire ou encore de la corruption. Je n'évoquerai pas non plus les évolutions positives, qui ont été soulignées par les précédents orateurs. Je dirai seulement notre conviction que le renforcement des relations internationales et des échanges économiques entre l'Union européenne et le Kazakhstan doit permettre une évolution favorable de la gouvernance, afin de viser, à moyen terme, les standards des démocraties occidentales.

Parce qu'il considère que cet accord va dans le bon sens, le groupe du Mouvement démocrate et apparentés votera en faveur de ce projet de loi, à l'exemple des parlementaires européens, qui viennent de ratifier l'accord à une large majorité. Nous demandons seulement que son application fasse l'objet d'un suivi rapproché, afin d'en évaluer l'impact sur les plans non seulement économique et commercial mais aussi politique, environnemental et social. Ce suivi permettra de réviser sur de bonnes bases la stratégie de l'Union européenne pour l'Asie centrale, comme cela est prévu en 2019. Alors que le centre de gravité des affaires mondiales se déplace vers l'Asie, l'Union européenne doit en effet renforcer sa présence active dans cette partie du monde. Nous serons là pour l'y encourager.

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