Intervention de Philippe Gomès

Séance en hémicycle du lundi 18 décembre 2017 à 16h00
Accord de partenariat entre l'union européenne et le kazakhstan — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPhilippe Gomès :

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, madame la présidente de la commission, monsieur le rapporteur suppléant, mes chers collègues, le Kazakhstan et, dans une perspective plus large, l'Asie centrale apparaissent bien souvent, et pour la grande majorité de nos concitoyens, comme des espaces lointains et méconnus. Étudiée brièvement dans nos programmes scolaires, cette région du monde intéresse peu les médias. Pourtant, à y regarder de plus près, cette zone géographique étonne par la diversité des situations qu'elle présente. Placée au carrefour des mondes russe, turc et asiatique, cette mosaïque de territoire représente un véritable pont entre l'Orient et l'Occident. Elle fut jadis une étape incontournable de la célèbre route de la soie ; au cours de ses voyages, Marco Polo ne manqua pas d'emprunter ce passage obligatoire vers l'Asie, qu'il désignait alors comme la « Grande Turquie ».

Dans ce sous-ensemble régional, le Kazakhstan se démarque particulièrement par sa bonne santé économique et par un taux de croissance soutenu depuis son indépendance. Le pays représente aujourd'hui 70 % du PIB de la région et fait figure de locomotive économique pour toute l'Asie centrale. Pourtant, le chemin fut rude et les défis de taille.

De toutes les républiques d'Asie centrale, le Kazakhstan apparaissait comme la moins unifiée sur les plans linguistique et ethnique. De cette histoire particulière est né un système de fonctionnement complexe et parfois un peu ambigu : un modèle européen transplanté par la Russie reposant sur un socle traditionnel turco-musulman. Aujourd'hui, l'économie kazakhe, soutenue par l'exportation d'hydrocarbures et de matières premières, affiche de bons résultats, et nombreux sont les investisseurs étrangers qui tournent leur attention vers ce territoire.

Témoin de cette réussite, Astana accueillait cet été l'exposition internationale de 2017, placée sous le thème des énergies du futur et des actions pour la durabilité mondiale. Ce fut l'occasion, pour ce pays méconnu, d'attirer le feu des projecteurs et d'envoyer un signal fort aux investisseurs potentiels.

Aussi le présent accord intervient-il à un moment où beaucoup de puissances régionales affirment ou réaffirment leur intérêt pour le pays et plus globalement pour le sous-ensemble de l'Asie centrale, terrain d'une véritable bataille d'influence. On observe sur ces terres vierges, chères à Brejnev, un déclin relatif de la puissance Russe, longtemps considérée comme le leader incontesté de toute la zone géographique. La Russie a notamment mis en place plusieurs dispositifs de coopération, comme l'Organisation du traité de sécurité collective ou l'Union économique eurasiatique, qui avait vocation, à terme, à créer un marché commun.

Cette perte de vitesse russe contraste avec la poussée chinoise dans la région, comme dans un nombre de régions du monde, illustrée notamment par le projet One Belt One Road, qui entend réanimer le mythe de la route de la soie et prévoit l'aménagement de nombreux projets d'infrastructures.

L'Union européenne, à travers cet accord de partenariat et de coopération renforcé, essaie donc, à raison, de se tailler une place entre ces deux acteurs en menant une politique active envers les États d'Asie centrale. Les intérêts économiques de l'Europe dans la zone sont certains et l'Union européenne représente toujours le premier partenaire économique du Kazakhstan, contribuant à près d'un tiers de son commerce extérieur et à 50 % des investissements directs sur son sol. Cette place mérite d'être défendue.

Le groupe UDI, Agir et indépendants salue donc cet accord, qui mérite d'être lu à la lumière de la stratégie européenne pour l'Asie centrale lancée en 2007. L'accord de partenariat et de coopération renforcé qu'entend ratifier le présent projet de loi, signé entre l'Union européenne et le Kazakhstan le 21 décembre 2015, est le premier du genre avec un État de l'Asie centrale et élève les relations entre l'Union européenne et cette région à un autre niveau.

La réactualisation de ce partenariat vieux de vingt ans était plus que jamais nécessaire au vu des changements économiques, politiques et sociaux qu'ont connus les deux entités au cours des vingt dernières années. Les dynamiques d'élargissement de l'ensemble européen nous ayant rapprochés géographiquement de l'Asie centrale, il convenait de poser les fondements d'un partenariat nouveau, moins focalisé sur l'assistance.

Cet accord jette donc les bases légales nécessaires sur lesquelles pourront se renforcer les dialogues politiques, économiques et judiciaires entre les deux parties au traité. L'harmonisation réglementaire dans certains secteurs, au moyen d'une assistance de l'Union européenne, permettra de renforcer les relations économiques bilatérales, tout en permettant au Kazakhstan de mettre à profit sa situation centrale dans l'ensemble eurasiatique.

Les mécanismes prévus sur la coopération douanière ou les flux de capitaux inviteront par ailleurs à une amélioration durable du climat des affaires, dans un pays où le secteur public reste prégnant.

Il est également appréciable de constater que l'accord bilatéral prend en compte les impératifs liés au développement durable et entend appuyer le pays dans la diversification nécessaire de son économie.

La France possède également, à l'échelle nationale, des intérêts à faire valoir. À l'image d'Areva, d'EDF, de Saint-Gobain ou d'Airbus, nombreuses sont les entreprises tricolores qui développent des activités au Kazakhstan. Grâce à la meilleure protection des opérateurs économiques prévue dans cet accord, nos entreprises seront à même de développer leurs activités avec la sérénité qui convient, dans un cadre législatif adapté, tout en réaffirmant l'attachement de notre pays aux principes du commerce international et de l'OMC.

La promesse d'une coopération économique ne doit cependant pas nous interdire de porter un regard attentif sur l'état des droits de l'homme et des libertés fondamentales dans ce pays, ni sur les efforts importants que celui-ci doit consentir dans ce domaine. Les promesses économiques étant conditionnées aux respects de certains principes élémentaires, ce traité doit être envisagé comme l'occasion d'encourager l'avènement d'un processus de transition vers un système plus démocratique et plus respectueux du droit international. À titre d'exemple, comme le rappelle l'étude d'impact, notons que le pays n'est pas partie au statut de Rome relatif à la Cour pénale internationale. L'Union européenne doit se montrer ferme, inflexible et affirmer son rôle de puissance normative, protectrice du droit international, des libertés publiques et des libertés individuelles.

Le Kazakhstan et l'Asie centrale partageant avec l'Union européenne des problématiques communes, le présent projet de loi entend, à raison, renforcer la coopération en matière sécuritaire. Ce sous-ensemble régional constitue un autre front dans notre lutte contre le terrorisme islamiste. Il convient de mettre en place les mécanismes de collaboration adaptés qui permettront de répondre efficacement aux menaces qui se posent de manière aiguë sur le territoire kazakh et dont nous sommes susceptibles de subir des externalités négatives.

Par ailleurs, en raison de l'immensité de son territoire, de la porosité de ses frontières et de ses infrastructures de transport relativement bien développées, le Kazakhstan fait à la fois figure de plaque tournante du narcotrafic international et de zone d'immigration clandestine. Nous saluons donc l'objectif, affiché par cette loi, de renforcer l'indispensable coopération en matière de sécurité et de justice dans ce domaine.

À bien des égards, l'Asie centrale n'apparaît donc plus comme un espace périphérique de la mondialisation mais plutôt comme une zone stratégique, de plus en plus convoitée, soulevant des questions économiques, énergétiques et sécuritaires qui concernent l'ensemble de l'espace eurasiatique. Le groupe UAI soutient donc cet accord, qui ouvre la voie à une approche commune et cohérente des États membres de l'Union européenne vis-à-vis du Kazakhstan mais aussi des autres pays de l'Asie centrale, et qui reflète l'intérêt profond et justifié que la France et l'Union européenne accordent à la stabilisation, au développement démocratique et économique, ainsi qu'à la prospérité de cette région.

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