Intervention de Jean-Luc Mélenchon

Séance en hémicycle du lundi 18 décembre 2017 à 16h00
Accord de partenariat entre l'union européenne et le kazakhstan — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Luc Mélenchon :

à mesure que l'opposition disparaît. Cette fois, il n'avait que trois opposants, désignés par lui, tous les autres étant interdits.

Nous signons donc avec le Kazakhstan un accord qui, à l'article 235, rappelle l'attachement des parties aux droits de l'homme. Dans ce pays, Amnesty International rapporte – cela a été rappelé à l'instant – que, face à une grève des ouvriers du pétrole, la solution a été de tirer dans le tas, laissant sur le carreau je ne sais combien de morts. Dans ce pays, l'année dernière – mais sans doute a-t-il fait des progrès en matière de démocratie depuis lors – , ont été signalés 163 cas de torture, pratiquée systématiquement, comme M. Hutin vient de le souligner. Dans ce pays, dix-sept infractions peuvent être punies par la peine de mort.

Voilà les gens avec qui, paraît-il, nous partageons des valeurs ! Nous ne partageons rien, sauf peut-être des intérêts. Mais n'allons pas dire à la tribune du Parlement français que nous partageons quoi que ce soit d'autre avec des personnages pareils !

Quant à la liberté, il a été dit tout à l'heure qu'Internet a disparu. Mais il y a mieux : si par hasard tu y as accès, il faut installer sur ton poste un certificat national de sécurité. Quand donc ce dernier progrès de la démocratie au Kazakhstan a-t-il été réalisé ? En janvier dernier ! Il y a moins d'un an, ce pays a décidé que chaque poste d'Internet serait contrôlé par un certificat national.

Voilà pour l'article 235. Non, je ne partage rien avec ce pays, et je suis sûr que la plupart d'entre vous diraient comme moi s'ils disposaient d'une totale liberté d'expression. Nous ne partageons rien des méthodes employées par ce genre de personnages.

Ensuite, aux articles 240 et 243, il est écrit qu'on va renforcer la coopération en matière de lutte contre le blanchiment et la corruption. Ah ! Mais avec qui signe-t-on cet accord ? Avec un pays qui a, avec le nôtre, une histoire de corruption et de rétrocommissions. Depuis 2012, une procédure judiciaire est en cours contre ce pays. La justice française enquête, saisie de faits de « blanchiment en bande organisée », « corruption d'agents publics étrangers » et « complicité et recel ». Cette affaire n'est toujours pas close mais, par ses détours, elle a fini par mettre en cause le président du Sénat belge. La Belgique est un pays de l'Union européenne et les Belges estiment sans doute comme nous que tout cela n'est pas conforme à l'idée qu'ils se font du droit. Le Kazakhstan est classé 131e sur 176 en matière de corruption et de viol de toutes les législations internationales. Voilà de quoi nous parlons.

Je ne voterai pas cet accord. Peut-être cela ne servira-t-il à rien, peut-être serons-nous minoritaires, mais nous ne l'aurons pas fait, au moins pour l'honneur. Je m'empresse de dire que je ne reproche à personne, ici, d'en manquer ; je donne juste mon point de vue. À cette heure, je suis du côté de ceux qui sont emprisonnés et torturés à cause de Noursoultan Nazarbaïev, de ceux à qui l'on colle ces pastilles pour surveiller ce qu'ils disent et ce qu'ils font. Non, ce n'est pas acceptable : il n'y a pas de partenariat ni de coopération renforcée possible dans de telles conditions !

Entendons-nous bien : quoi qu'il arrive, les Kazakhs signeront des contrats avec nous parce que nous sommes leur premier client en matière d'uranium, parce qu'ils ont intérêt à s'entendre avec nous, parce que nous sommes une grande puissance du vieux continent ! Je l'entends, mais cela ne doit pas se faire au prix d'une amnistie pour un tyran pareil, pour des crimes aussi abominables.

Non, mes chers collègues, il n'y a pas de signes majeurs d'avancée démocratique dans ce pays, au contraire ! Non, ce pays n'a pas l'intention de respecter davantage les valeurs démocratiques ! Non, il ne pratique pas les valeurs françaises ! Voilà pourquoi, mes amis et moi, nous ne voterons pas cet accord. Et je suis persuadé que d'autres nous suivront, dans un geste dont ils mesurent peut-être l'inutilité, mais qui reste le seul que nous puissions faire en solidarité avec les victimes d'un tel régime.

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