Intervention de Jean-Hugues Ratenon

Séance en hémicycle du lundi 18 décembre 2017 à 21h30
Modernisation du système de santé – profession de physicien médical et qualifications professionnelles dans le domaine de la santé – fonctionnement des ordres des professions de santé — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Hugues Ratenon :

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, année après année, nous avons le déplaisir de voir sortir dans la presse de drôles d'affaires qui mettent en cause les ordres des professions de santé, dont la gestion opaque amène à de nombreux abus.

La dernière affaire en date concerne l'Ordre des chirurgiens-dentistes, dont les conseillers nationaux et locaux ont bénéficié d'indemnités atteignant plusieurs dizaines de milliers d'euros. La Cour des comptes a également relevé l'existence d'avantages en nature, sous forme de cadeaux dont Le Figaro a dressé la liste : grands vins, séjours touristiques d'un coût de plusieurs milliers d'euros, bijoux, montre de luxe – et je m'arrête là !

Nous saluons l'effort visant à limiter les abus récurrents et considérables commis par les ordres des professions de santé. Il est bien regrettable qu'il ait fallu attendre le rapport de la Cour des comptes – après des années et des années de gâchis et de dépenses somptuaires – pour qu'une procédure judiciaire soit engagée, au mois d'avril dernier. Cet état de fait résulte de l'opacité de la gestion de ces organismes et du manque de transparence qui les caractérise.

Bien entendu, l'effort consistant à les contraindre à adopter un comportement un peu plus vertueux mérite d'être salué. Néanmoins, si le présent projet de loi de ratification d'une ordonnance vise à corriger ces dérives, il ne s'attaque pas au coeur du problème : l'existence même des ordres professionnels médicaux et surtout l'obligation d'adhésion imposée à tout membre d'une profession médicale.

Le Conseil national de l'Ordre des médecins, créé en 1940, obéit à une logique corporative caractéristique d'une société traditionaliste. Quant à l'imposition progressive par la loi de cette logique à toutes les professions de santé, elle est antirépublicaine. Pourquoi certaines professions jouiraient-elles d'une autonomie particulière, notamment en matière de définition des modalités de sanction de leurs membres, alors que la plupart des travailleurs de ce pays répondent directement de leurs actes devant la société ?

Nous le réaffirmons ici : nous nous opposons à l'existence d'une sorte de tribunal de droit privé, de justice d'exception réservée à certains corps professionnels. En France, on rend justice « au nom du peuple français » et pas au nom de telle ou telle corporation. Ici, nous sommes en République !

Le système des ordres est un encouragement de fait à la délinquance en col blanc, car il produit des espaces juridiques différenciés. En outre, il offre à certaines professions des ressources de lobbying que les autres n'ont pas. Nous ne voyons pas au nom de quoi nous devrions accepter un tel déséquilibre !

Comme l'histoire l'a montré, les ordres de professions de santé sont des instances archaïques. Ainsi, l'Ordre des Médecins s'est radicalement opposé au droit à l'IVG et à l'effacement de l'homosexualité du registre des maladies mentales. Il a par ailleurs gardé le silence sur les agissements d'un médecin condamné en 2014 pour viol et agression sexuelle sur plusieurs patientes.

Le gouvernement « En Marche » se revendique du « nouveau monde » ; pourtant, il choisit de conserver dans ce texte les instances dont toutes les pratiques relèvent de l'ancien. Tout en exhortant sans cesse les travailleurs à accepter « la souplesse », le Gouvernement a décidé de conserver les ordres des professions de santé. L'orientation que vous avez retenue, madame la ministre, nous interdit de voter le texte.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Cette législature étant désormais achevée, les commentaires sont désactivés.
Vous pouvez commenter les travaux des nouveaux députés sur le NosDéputés.fr de la législature en cours.