Intervention de Bénédicte Taurine

Séance en hémicycle du lundi 18 décembre 2017 à 21h30
Reconnaissance des qualifications professionnelles dans le domaine de la santé — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaBénédicte Taurine :

Monsieur le président, madame la ministre, madame la présidente de la commission, madame la rapporteure, mes chers collègues, on nous présente ici deux textes de portée très inégale.

La première ordonnance, relative à la reconnaissance de la profession de physicien médical, est une avancée que nous tenons à saluer. À la France insoumise, nous pensons qu'encadrer une profession, c'est augmenter le niveau de sécurité pour les professionnels mais aussi pour les bénéficiaires, qui sont, en l'espèce, des patients. Les physiciens médicaux sont des personnes spécialisées en radiophysique médicale qui sont chargées de réaliser les actes de radiothérapie.

Cette ordonnance les reconnaît comme une profession médicale à part entière. Elle est saluée par l'Autorité de sûreté nucléaire, car elle permet de mieux encadrer la profession qui a la main sur des sujets à risque, comme le dosage des thérapies. Nous avons encore en mémoire la tragique histoire de l'hôpital d'Épinal, où, en 2008, Mme Bachelot, alors ministre de la santé, a reconnu que 5 500 patients avaient été victimes de surirradiation entre 1997 et 2006. Une majorité de professionnels attendaient donc la reconnaissance de la profession de physicien médical, notamment pour empêcher de nouveaux cas d'irradiations accidentelles. C'est une avancée réclamée par les fédérations de professionnels, et nous y sommes tout à fait favorables.

Cependant, elle est contrebalancée par une deuxième ordonnance, qui porte sur la reconnaissance des qualifications professionnelles dans le domaine de la santé. En réalité, il s'agit de répondre à des exigences européennes de mise en concurrence des professionnels de santé de chaque pays. Encore une fois, le Gouvernement s'empresse de traduire une directive européenne dans le droit français sans réfléchir réellement à ses conséquences.

Il se trouve que, en France, la formation des professionnels de santé est exigeante – c'est bien normal. Ce texte vise, nous dit-on, à « favoriser la mobilité des professionnels de la santé » au niveau européen, mais il présente des risques. Premièrement, les professionnels pourront être mis en concurrence, puisque ce texte ne prévoit aucune harmonisation sociale. Ainsi, un praticien d'un autre pays dépendra en grande partie du droit social de son pays, qui est souvent défavorable. Les praticiens seront donc traités de manière inégale.

Deuxièmement, la formation de certains praticiens risque de ne pas être suffisante. Nous savons que les cursus de formation aux professions de santé ne sont pas encadrés partout de la même façon en Europe. Il est bien naturel que les praticiens des autres pays ne soient pas au fait des obligations de sécurité imposées par le code de la santé publique en France. En outre, nous ne connaissons pas la nature exacte du mécanisme européen d'alerte, qui doit permettre d'éviter une dérive dans l'application de cette directive. Nous ne pensons pas que la solution à la désertification médicale en France passe par le recours à une forme de travail détaché des professions médicales.

Le groupe La France insoumise déplore le regroupement de ces deux ordonnances et regrette qu'on ne puisse pas les voter séparément, car il aurait pu ainsi voter la reconnaissance de la profession de physicien médical et rejeter la dérégulation européenne imposée. Dans ce contexte, le déséquilibre est tel que nous ne pouvons pas voter les deux ordonnances en bloc. Notre groupe votera donc contre ces ordonnances.

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