Intervention de Philippe Gomès

Séance en hémicycle du lundi 18 décembre 2017 à 21h30
Reconnaissance des qualifications professionnelles dans le domaine de la santé — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPhilippe Gomès :

Monsieur le président, madame la ministre, madame la rapporteure, mes chers collègues, le projet de loi que nous examinons ce soir vise à ratifier deux ordonnances dans des délais très contraints, voire précipités. Nous le regrettons, même si nous comprenons la nécessité de mettre rapidement notre pays en conformité avec le droit européen.

Comme l'avait souligné mon collègue Francis Vercamer lors de l'examen du texte par la commission des affaires sociales, la transposition de ces ordonnances s'effectue à marche forcée puisque, depuis le 18 janvier 2016 – la date limite de transposition de la directive – , la France s'est exposée à deux avis motivés de la Commission européenne pour défaut de transposition.

Nous avons une position mitigée sur ce texte, dont certaines dispositions vont dans le bon sens tandis que d'autres auront un impact très négatif sur notre système de soins.

Nous saluons d'abord les dispositions introduites par l'ordonnance relative à la profession de physicien médical, ratifiée par l'article 1erdu projet de loi. Le dispositif prévu par l'ordonnance permettra de reconnaître la profession de physicien médical comme profession de santé.

Le cadre juridique actuel applicable aux physiciens médicaux était jusqu'à présent insuffisant, car il était cantonné au niveau réglementaire. Il était nécessaire de donner à la profession de physicien médical une base légale, d'autant plus qu'il s'agit d'une profession jeune, dont les effectifs sont en forte croissance depuis dix ans et dont l'importance dans le dispositif de soins est fondamentale pour la sécurité des actes. Cette reconnaissance était fortement attendue par les professionnels du secteur ainsi que par les agences sanitaires et l'Autorité de sûreté nucléaire, qui a souligné l'importance des missions de la profession « pour garantir la sécurité des procédures dans les services de radiothérapie ». Cette profession joue, en effet, un rôle indispensable pour sécuriser l'utilisation des applications médicales liées à la thérapie et à l'imagerie, s'agissant en particulier du contrôle des doses radioactives administrées aux patients.

Il s'agit enfin d'un enjeu majeur dans la lutte contre le cancer. À cet égard, il convient de souligner que la pleine reconnaissance de la profession de radiophysicien en tant que profession de santé est l'un des objectifs du Plan cancer 2014-2019 piloté par l'Institut national du cancer.

En revanche, nous sommes beaucoup plus réservés quant à l'article 2 de ce projet de loi, qui vise à ratifier l'ordonnance relative à la reconnaissance des qualifications professionnelles dans le domaine de la santé.

Notre principal point de désaccord concerne la mise en place d'un nouveau dispositif d'accès partiel aux professions de santé, qui viendra s'ajouter aux procédures existantes, qu'il s'agisse de la reconnaissance automatique définie pour certaines professions par une directive de 2005 ou de l'accès autorisé à l'exercice d'une profession de santé après observations de mesures de compensation.

La procédure d'accès partiel repose sur une logique dérogatoire au mécanisme de reconnaissance des qualifications professionnelles, qui porte sur des professions identiques existant à la fois dans l'État d'origine ou de formation et dans l'État d'accueil. L'accès partiel concerne des activités, lorsque la profession à laquelle un professionnel de santé a été formé dans son pays d'origine ne trouve pas d'équivalent dans le pays d'accueil.

Lors de l'examen du projet de loi en première lecture, notre groupe avait déjà exprimé ses préoccupations face à cette mesure, qui nous paraît présenter un risque pour le bon fonctionnement de notre système de santé et pour la sécurité des patients. Nos collègues sénateurs avaient supprimé cette disposition, et nous regrettons qu'elle ait été réintroduite en commission des affaires sociales.

En l'état actuel, plusieurs aspects nous paraissent extrêmement préoccupants.

La mise en place de l'accès partiel constitue une réforme d'ampleur, à laquelle nous ne sommes pas prêts. Aujourd'hui, nous ne disposons d'aucun élément d'évaluation, ni sur le nombre de professionnels susceptibles de formuler une demande en France, ni sur la nature des professions qui seraient concernées.

Par ailleurs, cette réforme risque de désorganiser et d'entraîner une fragmentation des professions de santé. Comment sera-t-il possible, dans les hôpitaux, de faire fonctionner de manière efficace un service dont les personnels n'ont pas le même champ de compétences ?

La réforme risque également d'engendrer un surcoût pour la Sécurité sociale si des patients se trouvaient contraints de consulter deux professionnels de santé au lieu d'un, compte tenu de la limitation des compétences du premier.

Pour notre groupe, la mise en place de l'accès partiel présente donc un véritable risque de baisse de la qualité et de la sécurité des soins. Elle risque, de surcroît, d'entraîner, chez nos concitoyens, une perte de confiance dans la qualité des soins qui leur sont prodigués.

Par ailleurs, la directive permet à un État membre d'invoquer des raisons impérieuses d'intérêt général pour refuser l'accès partiel, en particulier si ce dernier a des effets négatifs en matière de santé publique ou de sécurité des patients. Il nous paraît donc inutile, voire dangereux, de transposer la directive à la lettre alors même qu'elle prévoit explicitement la possibilité de ne pas autoriser l'accès partiel aux professions de santé.

La France a choisi de transposer la directive à la lettre, prévoyant un régime d'autorisation encadré, sauf exception, alors que d'autres pays ont opté pour une interprétation différente du droit européen. Ainsi, l'Allemagne a mis en place un régime d'interdiction, sauf exception. Nous regrettons ce choix, d'autant plus que les autres mesures contenues dans l'ordonnance vont dans le bon sens – je pense notamment à l'introduction d'une carte professionnelle européenne visant à faciliter l'obtention d'une équivalence en matière de formation entre pays européens, ou à la création d'un dispositif d'alerte permettant de signaler les professionnels de santé qui n'auraient pas le droit d'exercer dans leur pays d'origine.

En raison de l'introduction de cette mesure d'accès partiel, notre groupe est défavorable à ce projet de loi, qui risque de dégrader la qualité de notre système de soins et de poser des problèmes de sécurité sanitaire.

1 commentaire :

Le 22/12/2017 à 10:48, Laïc1 a dit :

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... et de poser des problèmes de sécurité financière aux professionnels de santé déjà en place.

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