Intervention de Delphine Bagarry

Séance en hémicycle du lundi 18 décembre 2017 à 21h30
Reconnaissance des qualifications professionnelles dans le domaine de la santé — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaDelphine Bagarry :

Monsieur le président, madame la ministre, madame la présidente de la commission, madame la rapporteure, mes chers collègues, faute d'accord avec le Sénat, nous sommes amenés à nous prononcer à nouveau sur la ratification de l'ordonnance relative à la reconnaissance des qualifications professionnelles dans le domaine de la santé.

Malgré ses aspects techniques, cette ordonnance pose deux vraies questions auxquelles nous devons répondre.

La première est, bien entendu, celle de notre capacité à tenir nos engagements vis-à-vis de nos partenaires européens. En effet, cette ordonnance est la transposition en droit interne de trois dispositifs mis en place par une directive européenne de 2013 : la carte professionnelle européenne, l'accès partiel et le mécanisme d'alerte.

Par ailleurs, elle introduit la procédure destinée à sécuriser et harmoniser la reconnaissance des qualifications des ressortissants européens pour les cinq métiers de l'appareillage et pour l'usage du titre de psychothérapeute.

Enfin, sera supprimée la condition d'exercice de trois années imposée aux ressortissants de l'Union européenne pour l'accès à une formation de troisième cycle des études médicales ou pharmaceutiques en France.

Toutes ces mesures auraient déjà dû être mises en place. D'une part, à cause d'un défaut de transposition, la Commission européenne a décidé de saisir la Cour de justice de l'Union européenne d'un recours et, d'autre part, nous ne pouvons pas demander aux autres États membres de respecter des règles auxquelles nous ne nous soumettons pas.

Cette ordonnance pose une seconde question, à laquelle nous devons répondre et qui nous interroge dans un monde qui ne se limite pas à nos frontières : sans mésestimer l'inquiétude qu'elle a pu susciter chez les professionnels, les débats qui l'ont jusqu'à présent entourée font apparaître une défiance vis-à-vis de la qualification de nos voisins européens. À cet égard, il convient de ne pas être naïfs, mais il serait également dommageable de nous priver de compétences qui seraient bénéfiques à tous.

Pour ce qui est de la question qui a suscité le plus de débats, à savoir l'accès partiel, l'autorisation d'exercer est encadrée par des conditions très strictes et un examen au cas par cas des demandes, qui pourront, si la situation le nécessite, être refusées pour un motif impérieux d'intérêt général tenant à la protection de la santé publique.

Sont ainsi prévues trois conditions pour bénéficier de l'accès partiel à une profession – je n'y reviendrai pas, car elles ont été détaillées tout à l'heure par Mme la ministre.

Ces conditions étant remplies, la délivrance d'une autorisation d'exercer ne saurait se faire sans les acteurs concernés. Le processus d'examen des dossiers des demandeurs comprendra l'expression d'un avis par chaque commission compétente, ainsi que par l'ordre compétent pour les professions qui en possèdent un.

Le Gouvernement, par un travail approfondi avec les ordres, a établi des critères d'exigence élevés, afin de garantir la qualité et la sécurité des soins, ainsi que l'information des professionnels et des usagers du système de santé. Puisque nous avons les garanties nécessaires quant à la sécurité des patients et à la qualité de la qualification, nous pouvons nous satisfaire de cette ordonnance, qui permettra d'enrichir notre pays de professionnels dont nous pourrions manquer.

Vous l'aurez compris, je ne suis pas choquée par le dispositif d'accès partiel à l'exercice d'une profession. Il me conduit même à m'interroger sur la possibilité d'ouvrir, en France, certaines professions à des qualifications partielles qui ne seraient pas des « sous-diplômes » mais qui répondraient à des demandes ultra-spécialisées ou spécifiques.

Cette ordonnance est aussi motivée par le droit à la libre circulation des ressortissants européens. À titre personnel, j'ai essayé de me mettre dans la situation d'un professionnel souhaitant exercer dans un autre pays européen : pleinement qualifiée dans mon pays, je ne comprendrais pas qu'on puisse m'interdire d'exercer, considérant que ma formation est complète et suffisante dans mon pays d'origine.

Cette ordonnance va donc dans le sens de la liberté et de la mobilité des travailleurs européens, tout en garantissant la sécurité des patients. Elle interroge et ouvre une réflexion nécessaire sur l'opportunité de modules communs de formation et d'une harmonisation des enseignements des professions de santé au sein de l'Europe.

Je vous invite donc à voter sa ratification.

1 commentaire :

Le 22/12/2017 à 11:06, Laïc1 a dit :

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"À titre personnel, j'ai essayé de me mettre dans la situation d'un professionnel souhaitant exercer dans un autre pays européen : pleinement qualifiée dans mon pays, je ne comprendrais pas qu'on puisse m'interdire d'exercer, considérant que ma formation est complète et suffisante dans mon pays d'origine."

Pour parler autrement : un étudiant français va pouvoir passer son diplôme en Roumanie, afin de contourner l'immonde numerus clausus, et venir enfin tranquillement exercer en France ensuite. On progresse, mais le but est d'éliminer le numerus clausus en France même, pas de légaliser les passerelles qui permettent de le contourner.

En plus, si l'accès partiel est légalisé, et qu'ensuite dans un avenir proche le numerus clausus est abandonné, on va se retrouver avec un accès partiel qui concurrencera les nouveaux médecins désormais très nombreux suite à la suppression du numerus clausus, et cela créera plus de pagaille et de concurrence anarchique qu'autre chose.

Il faut croire à l'abolition du numerus clausus, c'est une priorité nationale, un objectif incontournable pour la santé des Français.

L'Etat ne peut pas se permettre de jouer indéfiniment la carte de la fortune des médecins contre la santé des citoyens, d'autant plus que cela va finir par avoir des répercussions électorales non négligeables pour lui. Et cela va également faire le jeu des partis extrémistes, qui ont bien compris que la détresse et la souffrance des Français étaient un atout électoral non négligeable facilement exploitable.

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