Intervention de Mathilde Panot

Séance en hémicycle du mardi 19 décembre 2017 à 15h00
Fin de la recherche et de l'exploitation des hydrocarbures — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMathilde Panot :

Monsieur le ministre d'État, vous connaissez la position de notre groupe sur ce projet de loi : nous en saluons l'état d'esprit, mais nous regrettons les multiples exemptions qui le vident de son sens et en réduisent considérablement la portée. Défense absolue du droit de suite, attachement inconditionnel à la liberté d'entreprendre et continuation des permis d'exploitation au-delà de 2040 : telles étaient les principales faiblesses de ce texte ; elles n'ont pas disparu.

Il a été beaucoup dit, à cette tribune, que la production d'hydrocarbures sur le territoire ne représentait que 1 % de notre consommation nationale. Ce que l'on n'a pas compris sur certains bancs, c'est que cet argument n'invalide pas le texte, mais qu'il invite à l'approfondir et à faire preuve de plus de cohérence dans l'action publique. Vous pouvez ainsi prendre mon intervention de ce jour, monsieur le ministre d'État, comme une invitation à la cohérence. Être opposé à l'extraction d'hydrocarbures à la maison est une chose, mais cela devient fade et futile si, en même temps, les agences publiques et la finance française investissent dans l'extraction ailleurs.

Commençons par la finance. Les odes en faveur de sa responsabilité écologique se sont succédé durant le Climate Finance Day, dans une atmosphère où l'euphorie le disputait à l'hypocrisie. Avant de vous donner quelques éléments chiffrés sur le sujet, je voudrais vous poser une question, monsieur le ministre d'État. Dimanche dernier, dans un entretien digne de l'ORTF, le journaliste, en accord avec le chef de l'État, affirmait : « Il y a un chemin à faire pour un certain nombre d'écologistes historiques de se dire que c'est la finance qui va venir régénérer les espoirs de notre planète. » Ma question est simple, monsieur le ministre d'État : avez-vous parcouru ce chemin ? Le fait qu'en deux ans, depuis les accords de Paris, le secteur bancaire mondial ait fourni 275 milliards de dollars aux 120 entreprises qui développent le charbon vous a-t-il entraîné sur ces sentiers qui ne mènent nulle part ? Si vous vous êtes avisé que le financement du charbon par les banques françaises a augmenté de 135 % entre 2015 et 2016, cela vous a-t-il amené sur les routes de ce néant intellectuel ?

Au chevet du climat, la finance ? Si elle était contrainte et que ses investissements étaient fléchés, nous y regarderions de plus près. Mais le sommet de la semaine dernière a surtout donné lieu à un exercice d'autocongratulation généralisée : c'est sur la bonne volonté du secteur privé que reposerait notre destin. Une telle naïveté serait confondante, si elle n'était pas d'abord consternante. Elle fait écho à l'absence de remise en cause du droit de suite dans le présent projet de loi. Penser que les banques vont nous sauver du changement climatique revient à crier : « Sauve qui peut ! ». La cohérence voudrait qu'une contrainte impose des investissements pour la transition énergétique et pénalise lourdement ceux dont les impacts sur l'environnement sont trop négatifs.

Quant aux investissements d'État, vous maintenez la France dans le schéma, désastreux pour les énergies renouvelables, de la dépendance à l'énergie nucléaire. Il ne faut plus investir un euro dans les énergies du passé : ni dans les énergies fossiles ni dans l'énergie nucléaire, qui toutes deux nous empêchent d'investir dans la transition énergétique.

La cohérence, cela commence par balayer devant sa porte. Quand Bruno Le Maire disait, le jour du sommet, la semaine dernière, que pour obtenir une finance verte, il fallait de la transparence, j'ose espérer qu'il pensait se pencher sur les investissements de l'AFD, l'Agence française de développement. Au moment où nous parlons, celle-ci envisage d'accorder un prêt de 41 millions d'euros à une entreprise chinoise afin de soutenir un projet de centrale à charbon. Au Sénégal, elle soutient une autre centrale à charbon. En République démocratique du Congo, qui abrite la deuxième forêt tropicale du monde, l'AFD encourage la reprise de l'industrie de la déforestation, alors qu'un moratoire sur l'octroi de nouvelles concessions forestières dans ce pays est en vigueur depuis quinze ans.

La Caisse des dépôts et consignations finance quant à elle douze projets très fortement émetteurs de carbone dans le monde. Le Fonds de réserve pour les retraites a investi plus de 2 milliards d'euros en actions et en obligations dans les énergies fossiles. L'irresponsabilité de ces investissements, c'est l'irresponsabilité du Gouvernement qui les accepte. Le ministre de l'économie en appelle à la transparence : qu'il commence par l'appliquer aux organismes publics, dont on ne peut tracer les ramifications des investissements !

Par ce projet de loi, monsieur le ministre d'État, vous essayez de balayer devant notre porte. L'intention est louable, mais le tas de poussière reste immense. Ce n'est pas en se contentant de faire appel à la bonne volonté de ceux qui se passionnent à y repérer les sables dorés que nous résoudrons le problème immense que notre temps doit affronter. C'est pourquoi le groupe La France insoumise s'abstiendra à nouveau sur ce projet de loi.

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