Intervention de Gérald Darmanin

Séance en hémicycle du mardi 19 décembre 2017 à 15h00
Projet de loi de finances rectificative pour 2017 — Présentation

Gérald Darmanin, ministre de l'action et des comptes publics :

Madame la présidente, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, mesdames et messieurs les députés, nous sommes réunis pour examiner, en nouvelle lecture, le second projet de loi de finances rectificative – PLFR – pour 2017, la commission mixte paritaire – CMP – qui s'est tenue hier n'étant pas parvenue à un accord. Après être revenu brièvement sur les causes de cet échec, vous me permettrez de dire l'espoir qui est le mien de voir l'Assemblée nationale revenir sur ce que le Sénat considère comme des « avancées » mais qui sont, à tout le moins, une régression par rapport au texte adopté ici en première lecture.

Quelles sont, premièrement, les divergences majeures entre l'Assemblée et le Sénat sur ce texte ? Pour ma part, j'en vois deux.

Tout d'abord, l'opposition de principe de la chambre haute au prélèvement à la source de l'impôt sur le revenu l'a conduit à rejeter en bloc la plupart des mesures concourant à faciliter sa mise en oeuvre. À l'inverse, le Sénat a préféré, une nouvelle fois, lui substituer un prélèvement mensualisé assis sur les revenus de l'année, alors que la mission de l'inspection des finances a clairement démontré les limites de ce dispositif, en particulier l'impossibilité à établir une réelle contemporanéité de l'impôt.

Selon le rapport que j'ai remis au Parlement à votre demande, relatif à l'analyse des options alternatives à la mise en place du prélèvement à la source, le remplacement de la retenue à la source sur les salaires par un prélèvement calculé par l'administration fiscale sur la base des dernières données transmises par les payeurs de revenus constituerait une solution « dégradée » au regard des bénéfices attendus pour le contribuable. En somme, cette solution cumulerait les défauts des deux mécanismes.

En effet, un tel prélèvement ne serait pas véritablement contemporain et n'apporterait donc pas tous les avantages d'un prélèvement s'adaptant chaque mois aux revenus versés de façon immédiate et automatique. C'est donc une semi-réforme que le Sénat a choisie, à l'inverse des choix clairs et assumés de transformation que le Gouvernement souhaite porter.

Deuxièmement, le Sénat a décidé de dégrader encore davantage le solde budgétaire de l'État, à la fois en réduisant ses recettes et en augmentant ses dépenses.

J'ai déjà évoqué cette position étonnante du Sénat, qui à la fois nous reproche de ne pas baisser suffisamment les dépenses et propose des mesures qui conduisent à les augmenter ou à réduire les recettes, parfois d'une manière inacceptable, comme nous avons pu le constater au cours du débat sur le projet de loi de finances, puisque des missions entières ont pu être supprimées.

Le Sénat a, en effet, choisi de réduire les recettes, qu'il s'agisse du relèvement, à l'article 13 quater A, des sommes versées par les petites et moyennes entreprises en faveur du mécénat d'entreprise, dont le plafond passe de cinq à dix pour mille du chiffre d'affaires ; de l'application, à l'article 28 octies, du taux réduit de TVA de 5,5 % aux entrées des parcs zoologiques ; de l'exonération d'impôt sur la fortune immobilière, à l'article 9 bis A, des immeubles classés ou inscrits au titre des monuments historiques, à concurrence des trois quarts de leur valeur imposable ; ou bien encore, à l'article 23 bis, de l'exonération de TICPE – taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques – pour les particuliers se chauffant au charbon.

Il a par ailleurs décidé d'augmenter les dépenses, en supprimant, à l'article 3 bis, un prélèvement de 27 millions d'euros sur le fonds de roulement de l'Agence française pour la biodiversité mais également en maintenant, à l'article 36 bis, les aides personnelles au logement « accession » en l'état, alors que nous avons discuté, en projet de loi de finances, d'un modus operandi qui concilie les contraintes des réformes budgétaires du Gouvernement et de la réforme du logement menée par MM. Mézard et Denormandie.

En dépit de ces oppositions de principe, j'observe néanmoins que plusieurs points de convergence sont possibles entre les deux assemblées.

Tout d'abord, la plupart des dispositions introduites à l'initiative du Gouvernement ou de la majorité présidentielle ont été maintenues, voire amplifiées par le Sénat, ce qui laisse présager de leur bien-fondé. Je pense notamment à l'article 16 ter, dans lequel le Sénat a souhaité étendre les mesures en faveur de la libération du foncier à la zone B1, appliquer un coefficient de densité de 80 % au lieu de 90 % et ajouter une évaluation avant le 1er septembre 2020. Je pense également à la prolongation du crédit d'impôt pour dépenses phonographiques, que le Sénat a souhaité étendre au-delà de ce qu'a prévu le texte issu de l'Assemblée nationale. Nous y reviendrons.

Nous ne recommanderons pas d'aller aussi loin, mais cela signifie en tout état de cause que les intentions du Gouvernement sur ces mesures sont les bonnes, contrairement à ce que nous avons pu entendre ici, en première lecture, de la part de l'opposition.

Par ailleurs, trois mesures prises par le Sénat mériteraient que votre chambre y accorde une attention particulière.

D'abord, il a été introduit, à l'article 23 ter, un dispositif interdisant la rémunération des plateformes électroniques de mise en relation par le biais de cartes prépayées. Ensuite, les règles relatives au calcul des valeurs locatives des locaux professionnels pour la catégorie des écoles et institutions privées exploitées dans un but non lucratif ont été modifiées à l'article 17 afin, notamment, de prendre en compte les mises à disposition de locaux à titre gratuit ou sous la forme de prêt à usage.

Enfin, le prêt à taux zéro – PTZ – a été transformé en un prêt à taux réduit – PTR – , réforme à laquelle le Gouvernement sera défavorable car elle ne correspond pas à la trajectoire qui vient d'être votée à l'article 40 du projet de loi de finances, mais qui a le mérite de lancer une réflexion sur la cohésion des territoires et le risque que représente, pour de nombreux outils budgétaires et fiscaux, une éventuelle remontée des taux d'intérêt.

Je ne serai pas plus long, madame la présidente, car depuis cinq mois, nous avons souvent eu l'occasion de discuter de ces textes financiers.

Mesdames et messieurs les députés, au-delà des oppositions de principe, il semble que ce texte soit susceptible de faire émerger des points de convergence bienvenus entre les deux chambres. Je salue ce travail parlementaire fructueux et je remets le sort de ce texte aux avis favorables que je rendrai aux différents amendements du rapporteur général.

Je vous souhaite à tous de bons travaux durant ces quelques jours qui nous séparent de la fin de l'année.

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