Intervention de Éric Coquerel

Séance en hémicycle du mardi 19 décembre 2017 à 15h00
Projet de loi de finances rectificative pour 2017 — Motion de rejet préalable

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaÉric Coquerel :

Madame la présidente, chers collègues, nous voici pour la dernière fois – et bien peu nombreux – devant ce projet de loi de finances rectificative pour 2017.

Le texte revient du Sénat, mais cela ne change rien, pour nous, aux raisons de notre opposition de fond. Certains amendements adoptés au Sénat nous semblent intéressants, mais ce ne sont malheureusement pas ceux dont vous pensez qu'ils pourraient recueillir l'approbation du Gouvernement. Je tenterai néanmoins de les défendre au cours de cette motion, pour tenter – après tout, c'est Noël ! – de faire évoluer la position de la majorité.

Notre opposition à ce texte commence au prélèvement à la source, qui n'est pas un système viable ni souhaitable, pour plusieurs raisons. D'ailleurs, au fur et à mesure de l'avancée des débats, en particulier après ceux du Sénat, les arguments que le Gouvernement nous a opposés se sont affaiblis, manquant de plus en plus de conviction. Peut-être parce que le prélèvement à la source n'est pas un mode de recouvrement moderne ? En tout cas, l'erreur est humaine, mais encore faut-il la reconnaître.

Je vous rappelle qu'il a été instauré en 1920 en Allemagne, en 1943 aux États-Unis, en 1944 en Grande Bretagne, en 1962 en Belgique, soit des États où, pour différentes raisons, l'administration fiscale n'était pas du niveau de la nôtre. Par ailleurs le rapport du Sénat du 2 novembre 2016 établit que le nouveau dispositif, s'il était mis en place, se révélerait complexe, inutile, peu transparent, dangereux et coûteux pour les finances publiques et les entreprises. Je vais essayer une nouvelle fois de vous en convaincre.

Il est complexe d'abord du fait de la très forte personnalisation de l'impôt sur le revenu français et de la prévalence du concept de foyer fiscal sur celui d'individu, mais aussi des multiples enjeux et formalités supplémentaires induites par l'année de transition : sur ce point, le Sénat a fourni un travail important que vous ne devriez pas écarter d'un revers de la main.

Ainsi, le traitement des diverses imputations fiscales, par exemple les déductions ouvertes par des dons, ou encore les crédits d'impôt, par exemple pour les emplois à domicile, sera compliqué par le passage au prélèvement à la source.

En tout état de cause, les citoyens, à qui je m'adresse aussi à travers vous, ne verront pas leurs obligations déclaratives allégées, bien au contraire : ils seront toujours tenus au dépôt d'une déclaration annuelle et ils devront en sus vérifier que les prélèvements effectués par leur employeur correspondent à l'euro près au montant exigible. En Allemagne, la complexité de l'impôt sur le revenu oblige même de nombreux contribuables à s'adresser à des conseillers privés. Est-ce vraiment ce que l'on souhaite pour nos concitoyens ?

Ce prélèvement à la source s'avère aussi inutile. Nous avons déjà rappelé l'excellent taux de recouvrement de la France en matière d'impôt sur le revenu : 99,4 % au 31 décembre de l'année N+l. Pourquoi renoncer à une méthode qui marche, d'autant que notre pays est en pointe en termes de déclaration pré-remplie, de mensualisation automatique et de procédures en ligne, y compris le paiement, à la grande satisfaction des usagers ?

Le prélèvement à la source s'avère d'autant plus inutile qu'il est peu transparent : comme pour les impôts indirects, notamment la TVA, le prélèvement à la source ne facilite pas l'appréhension concrète par les citoyens de la charge fiscale réellement supportée au titre de l'impôt sur le revenu ainsi que de ses variations. Dans cette mesure il affaiblit le consentement à l'impôt, un des piliers de notre République.

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