Intervention de Jean-Paul Mattei

Séance en hémicycle du mardi 19 décembre 2017 à 15h00
Projet de loi de finances rectificative pour 2017 — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Paul Mattei :

Madame la présidente, monsieur le ministre de l'action et des comptes publics, monsieur le rapporteur général, mes chers collègues, nous voici réunis pour la discussion générale, en nouvelle lecture, du deuxième projet de loi de finances rectificative pour 2017 – discussion qui pourrait s'avérer plus longue que l'examen de l'ensemble des amendements.

À ce stade, je ne reviendrai pas sur l'impérieuse nécessité d'une réforme de la procédure budgétaire. Ce sujet fait consensus et a été évoqué par des représentants de tous les groupes au cours de nos débats.

Ce second projet de loi de finances rectificative pour 2017 vient confirmer la prévision de réduction du déficit sous la barre des 3 % en 2017 – 2,9 % du PIB, exactement. Si cette prévision se confirme au printemps prochain, ce sera la première fois depuis 2007 que nous respecterons cet engagement européen. L'atteinte de ce point d'étape – car il s'agit bien d'une étape intermédiaire – est cependant toujours soumise à plusieurs aléas.

À la baisse, le risque de comptabilisation, par Eurostat, de l'ensemble des décaissements au titre du contentieux lié aux 3 % sur les dividendes constitue certainement l'aléa le plus important. Aux aléas que l'on rencontre habituellement à ce stade de l'année s'ajoutent quelques risques plus techniques, comme la comptabilisation du crédit d'impôt sur la taxe sur les salaires, en vigueur depuis le 1er janvier 2017. À l'inverse, le fait que les bonnes nouvelles macro-économiques n'aient pas été prises en compte dans la construction de ce PLFR pourrait avoir comme effet une révision à la hausse des recettes fiscales, au premier titre desquelles la TVA, les droits de donation et de succession, ou même les droits de mutation.

Ces bonnes nouvelles, côté recettes, ne constitueront nullement une cagnotte si elles se concrétisent. Ce surplus de recettes, en effet, ne pourra être que ponctuel, compte tenu de l'importance de notre dette – plus de 2 000 milliards d'euros, soit plus de 30 000 euros de dette par habitant. Il nous faudra donc collectivement faire preuve de responsabilité et consacrer la majeure partie de ces sommes à la réduction de notre endettement, et non au financement de dépenses publiques dont le caractère récurrent nécessite des financements pérennes. Le groupe MODEM appellera donc, si ces recettes exceptionnelles venaient à se matérialiser, à un effort accru de désendettement. C'est à la fois notre responsabilité envers les générations futures et l'assurance du respect de notre parole européenne – le prix de notre liberté, en somme.

Enfin, comme je l'évoquais au début de mon intervention, le passage du déficit sous le seuil des 3 % n'est qu'une étape. Une étape ô combien importante, certes, car elle vient concrétiser les engagements que nous avons choisi de prendre vis-à-vis de nos partenaires européens, mais seulement une étape vers le vrai objectif, qui est le retour vers l'équilibre de nos finances publiques et, partant, le désendettement de notre pays.

Je souhaiterais également évoquer le prélèvement à la source, mesure phare de ce texte. Le groupe MODEM, dans sa grande majorité, soutient le Gouvernement sur ce point et est favorable à cette réforme qui, par la simultanéité des prélèvements obligatoires, rendrait la fiscalité plus lisible pour nos concitoyens. Il n'en demeure pas moins que le mode opératoire retenu soulève plusieurs interrogations, qui ont d'ailleurs conduit à reporter d'un an son entrée en vigueur.

La première interrogation porte sur la prévisibilité de la perception des recettes fiscales, élément fondamental dans la construction d'un budget. Le principal avantage du système actuel de collecte de l'impôt sur le revenu repose en effet sur le caractère prévisible et certain des recettes fiscales à N-1, que l'on perdra avec le nouveau système de prélèvement à la source. Nous risquons donc de rencontrer les mêmes aléas et les mêmes difficultés en matière d'impôt sur le revenu que celles qui existent déjà en matière de TVA et d'impôt sur les sociétés.

La seconde interrogation porte sur les contraintes administratives que ce dispositif fera peser sur les entreprises, puisque les agents économiques deviendront collecteurs d'impôt pour l'État. Si les grandes entreprises ont les moyens de gérer cette complexité, les petites et moyennes entreprises risquent de se trouver confrontées à des difficultés nouvelles et chronophages, cela a été dit, à l'heure où nous cherchons, avec ce gouvernement, à leur simplifier l'existence. Les salariés redoutent également le manque de confidentialité de leur situation patrimoniale vis-à-vis de leur employeur. Même si des dispositions permettront d'opter pour un taux neutre, il faudra veiller à ce qu'elles soient aisément accessibles, afin qu'aucun effet pervers n'en résulte, notamment en matière d'égalité salariale entre hommes et femmes.

Enfin, la troisième interrogation porte sur la réversibilité de cette réforme. Étant donné les craintes qu'elle suscite au sein des entreprises et chez nos concitoyens, du fait de sa complexité, il serait peut-être prudent de prévoir sa réversibilité. Je vous invite en tout cas, mes chers collègues, à faire le pari de Pascal – chiche ! – en nous laissant la possibilité de revenir à un mode de collecte plus traditionnel en cas de difficulté.

C'est dans ce même état d'esprit, ouvert et tourné vers l'amélioration du droit, qu'ont été conçues les réformes engagées par notre majorité dans le cadre des discussions budgétaires qui se sont tenues jusqu'à présent, d'autres étant programmées pour l'année prochaine. Il s'agit d'améliorer des dispositifs qui consomment une grande quantité d'argent public et ne donnent pas les résultats escomptés, comme en matière de politique du logement ou de formation professionnelle, par exemple, et d'accentuer le contrôle et l'évaluation des politiques publiques par le Parlement.

Nous continuerons, au sein du groupe MODEM, à agir de concert avec le Gouvernement pour atteindre ces objectifs responsables et à construire des politiques performantes caractérisées par une gestion elle aussi responsable, comme nous nous y sommes engagés durant la campagne législative auprès de nos concitoyens. Pour toutes ces raisons, nous soutiendrons ce texte.

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