Intervention de Charles de Courson

Séance en hémicycle du mardi 19 décembre 2017 à 15h00
Projet de loi de finances rectificative pour 2017 — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaCharles de Courson :

Certes, mais « Nemo auditur propriam turpitudinem allegans », comme on disait en bon latin, ce qui signifie, pour les non-latinistes, que les erreurs des uns ne justifient pas les erreurs des autres. Bref, il manque grosso modo, dans le budget pour 2018, 700 à 800 millions d'euros.

Deuxièmement, vous connaissez la position de notre groupe au sujet des crédits prévus pour compenser l'annulation par le Conseil constitutionnel de la taxe de 3 % sur les dividendes. Vous n'avez inscrit, dans ce PLFR pour 2017, que 5 milliards d'euros de remboursement, alors qu'à la fin du mois d'octobre 2017 les demandes de remboursement atteignaient déjà 7,2 milliards. J'ai mis en garde le Gouvernement à plusieurs reprises, au nom de mon groupe, quant à la position non seulement de l'INSEE, mais aussi d'Eurostat, puisque c'est lui qui jugera à la fin. Or Eurostat pourrait décider de rattacher la totalité du coût définitif de cette annulation sur l'exécution 2017 et refuser le partage que vous proposez, et qui est d'ailleurs injustifiable, de 5 milliards en 2017 et 5 milliards en 2018.

Concernant les taux d'intérêt moratoires, nous sommes favorables au mécanisme issu de nos discussions, qui ne restera pas figé dans le temps – du moins, pas plus de trois ans. Nous nous félicitons de l'adoption du dispositif concernant la taxe de séjour, issu d'un travail commun en commission qui a duré près de deux ans. Nous saluons également votre engagement pour trouver un moyen d'améliorer le dispositif de la taxe foncière concernant les immeubles de l'enseignement privé.

J'en arrive aux mauvaises mesures.

Monsieur le ministre, je ne change jamais de discours. Les dépenses publiques augmentent trop, et trop vite. Entre 2016 et 2017, elles auront augmenté de 1,9 %. En outre, la charge de la dette est revue à la hausse de 300 millions d'euros. Ces années formidables où nous avions jusqu'à 1 milliard ou 1,5 milliard d'économies spontanées sans aucun effort, du fait de la baisse continue des taux d'intérêt, sont derrière nous et les taux commencent à remonter. L'exécution des crédits ministériels dépasse de 600 millions la prévision des dépenses du projet de loi de finances initiale. Le déficit s'établit à 74,1 milliards d'euros, ce qui représente une aggravation du déficit de plus de 7 % par rapport à celui de 2016, qui était de 69,1 milliards.

Les efforts budgétaires restent donc une nouvelle fois insuffisants malgré une conjoncture économique plus favorable, avec une prévision de croissance que vous maintenez à 1,7 % en 2017 et 2018, ce qui est tout à fait prudent, et 2,1 milliards d'euros de recettes supplémentaires en 2017 par rapport à la prévision, notamment 900 millions au titre de la TVA et 800 millions au titre de la TICPE – vous me direz que c'est peu par rapport aux 305 milliards de recettes totales, mais c'est toujours ça ! Par ailleurs, le Gouvernement bénéficiera également d'une baisse temporaire de 1,5 milliard du prélèvement sur recettes au profit de l'Union européenne.

Il est à noter que le déficit s'établira finalement à 2,8 % du PIB en 2018, alors qu'il était initialement de 2,6 %. Cette aggravation du déficit, de 2,8 milliards par rapport à la loi de finances initiale, s'explique en grande partie par les 5 milliards que l'État devra prendre à sa charge dans le cadre du contentieux lié à la taxe de 3 % sur les dividendes.

Je voudrais aussi évoquer, au nom du groupe UAI, la première convention judiciaire d'intérêt public, passée avec une filiale de la banque HSBC qui avait organisé la fraude fiscale de ses clients pour un montant d'environ 1,6 milliard. Cette filiale ne paiera que 300 millions d'euros d'amende et ne sera pas poursuivie au pénal, tandis que ses clients, eux, risquent fort de l'être. Vous n'y êtes pour rien, monsieur le ministre : c'est un coup de la loi Sapin 2, qui ne comporte pas que des bonnes mesures ! Nous n'avons d'ailleurs pas évoqué cette question en commission des finances. En tout cas, monsieur le ministre, je pense qu'il faut conduire une réflexion sur la suppression ou le maintien d'un tel dispositif.

Je termine par les mesures moins bonnes de ce PLFR.

À la différence de Marie-Christine Dalloz, nous n'avons pas d'hostilité de principe au prélèvement à la source – j'avais d'ailleurs été presque le seul dans l'opposition à le dire sous l'ancienne majorité. Simplement, il faut continuer à aménager le dispositif, car on ne peut pas dire que la mise en oeuvre du prélèvement à la source sera très facile dès la première année : il y aura des difficultés et des bugs.

En outre, nous comprenons que le Gouvernement souhaite soutenir, par le biais des dispositions fiscales relatives aux bassins urbains à redynamiser, un bassin houiller en très grande difficulté, celui du Nord-Pas-de-Calais. À cet égard, le groupe UAI appelle de ses voeux une véritable politique nationale d'aménagement du territoire, qui ne soit pas une dentelle servant de pansement. Dans son rapport, M. le rapporteur général nous a rappelé les différents dispositifs existants et nous voyons bien qu'une telle politique fait défaut, que l'on bricole. Selon moi, le vote de l'article relatif au bassin houiller du Nord-Pas-de-Calais doit nous inciter à repenser l'ensemble.

Concernant l'exonération d'impôt sur la fortune immobilière s'appliquant aux immeubles classés ou inscrits au titre des monuments historiques, que vous avez évoquée, le dispositif voté par le Sénat, qui fait l'objet de l'article 9 bis A, nous paraît plus adapté que celui qui figurait dans le texte de l'Assemblée nationale. Pour ma part, j'avais proposé un dispositif très simple, qui consistait à taxer les immeubles qui sont fermés au public et à exonérer ceux qui lui sont ouverts, car il s'agit alors d'une activité professionnelle. Il y aurait eu là une certaine logique au regard de votre vieille idée de stimuler les investissements productifs – en l'espèce, le produit est un service touristique.

En conclusion, puisque les points négatifs et les points positifs s'équilibrent, le groupe UDI, Agir et indépendants s'abstiendra sur ce texte, comme il l'avait fait en première lecture. Nous espérons, monsieur le ministre, que vous durcirez beaucoup la politique annoncée lors de l'exécution du budget. À défaut, on ne réussira pas à redresser les finances publiques.

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