Intervention de Éric Coquerel

Séance en hémicycle du mardi 19 décembre 2017 à 15h00
Projet de loi de finances rectificative pour 2017 — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaÉric Coquerel :

… mais, à ce stade, nous n'avons pas entendu de réponse.

Donc, je rappelle rapidement nos arguments. Le prélèvement à la source est un dispositif coûteux : 140 millions d'euros, au bas mot, pour l'État ; 310 à 420 millions pour les entreprises. C'est un dispositif inutile, car je ne vois pas pourquoi on devrait changer une méthode qui marche : le taux de recouvrement de l'impôt sur le revenu atteint, je le rappelle, 99,4 % au bout d'un an. C'est un dispositif complexe – je crois que nous avons présenté de nombreux arguments qui le montrent.

Le prélèvement à la source n'est pas moderne du tout. Sauf erreur de ma part, aucun autre État n'a adopté ce dispositif merveilleux au XXIe siècle ; tous les États concernés l'ont fait au XXe siècle. Il s'agit donc d'un vestige du XXe siècle. Certes, nous en défendons certains. Quant à vous, vous avez vocation à en détruire plusieurs, notamment tous les acquis du Conseil national de la Résistance, mais je ne vois pas pourquoi vous voulez conserver celui-ci, qui vient de pays étrangers.

Le prélèvement à la source est dangereux en termes de confidentialité. Il affaiblit, je l'ai dit, l'administration fiscale : dans la mesure où il y aura besoin de moins d'agents qu'aujourd'hui pour procéder au recouvrement, on nous expliquera à terme, j'en suis absolument certain, qu'il faut faire fondre les effectifs de l'administration fiscale. Il fragilise aussi, cela a été dit, le consentement à l'impôt.

Ceux qui soutiennent le prélèvement à la source, notamment M. de Courson et Mme Pires Beaune, qui viennent de l'évoquer, n'ont présenté qu'un seul argument : il serait plus pratique de prélever l'impôt de manière contemporaine. Or cet argument ne tient pas, car l'administration fiscale est déjà capable de le faire – là encore, je crois que nous l'avons largement démontré et j'espère que nous saurons vous en convaincre.

À l'instar de M. Mattei tout à l'heure, j'ai envie de vous dire « chiche ! », chers collègues de la majorité. Vous voulez nous prouver que vous faites de la politique autrement. Après tout, si vous vous rendez compte que ce projet ne présente pas les qualités que vous lui trouviez initialement, il est encore temps de le retirer, nous montrant ainsi que vous êtes capables d'agir différemment. En soutenant comme nous l'amendement adopté par le Sénat qui propose un recouvrement contemporain par l'administration fiscale, vous pourrez même bénéficier de l'aura de ceux qui ont ouvert le débat et fait avancer les choses. Si j'étais vous, je saisirais la balle au bond, car le dispositif que vous avez prévu est absolument inefficace et manifestement mal préparé. Il risque de nous poser à tous, notamment à nos concitoyens, des problèmes dans les années à venir.

Je soulève à nouveau quelques questions que j'ai évoquées précédemment. Les amendements du Sénat visant à lutter contre l'évasion ou l'optimisation fiscales n'avaient certes pas la radicalité de ceux que nous aurions pu présenter, mais ils allaient dans le bon sens. J'aimerais, là encore, qu'on nous explique pourquoi ils n'ont pas été retenus, notamment celui qui tend à imposer les revenus des filiales dans notre pays lorsque la société mère est implantée dans un paradis fiscal ou encore celui qui instaure un mécanisme visant à limiter autant que possible l'optimisation fiscale qui pourrait résulter de la flat tax. Je n'ai pas entendu de réponse à ce sujet.

Pour conclure, je suis très étonné que, après les arguments échangés, vous n'ayez pas souhaité « auto-amender » l'article relatif à la garantie accordée pour les jeux Olympiques. Plusieurs d'entre nous vous ont fait observer que l'adjectif « partielle » ne voulait rien dire. Vous vous engagez sur un terrain très dangereux : une « annulation partielle », cela peut être n'importe quoi, par exemple une épreuve qui n'a pas lieu – tout cela est sujet à interprétation – et cela obligerait l'État à payer 1,2 milliard d'euros. De surcroît, nous avons relevé, de manière pertinente selon moi, que l'on ne pouvait pas mettre sur le même plan la responsabilité de l'État et celle des organisateurs. Or le dispositif que vous prévoyez ne répond pas non plus à cette question.

Sur le fond, ce PLFR ne revient pas, bien évidemment – nous ne nous y attendions pas – sur un budget qui est le plus austère et le plus inégalitaire de la Ve République.

Pour toutes ces raisons, nous voterons contre ce texte, tout en espérant que vous accepterez, en définitive, les quelques amendements que nous soutenons, notamment la mesure phare qui consisterait à remplacer, dans un souci d'efficacité, le prélèvement à la source par une imposition contemporaine mise en oeuvre par l'administration fiscale.

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