Intervention de Véronique Louwagie

Séance en hémicycle du mardi 19 décembre 2017 à 21h30
Projet de loi de finances rectificative pour 2017 — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaVéronique Louwagie :

Monsieur le président, monsieur le ministre de l'action et des comptes publics, monsieur le rapporteur général de la commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire, mes chers collègues, nous voilà réunis ce mardi soir 19 décembre pour discuter, en nouvelle lecture, du projet de loi de finances rectificative pour 2017. Hier, en commission des finances, cinquante minutes, chronomètre en main, nous ont été accordées pour boucler l'ensemble des débats. Je profite ce soir du temps qui m'est imparti pour souligner les nombreuses défaillances de ce budget rectificatif pour 2017 et les corrections dont il n'a pas fait l'objet.

Je regrette que, comme pour le projet de loi de finances pour 2018, la majorité revienne en commission presque systématiquement, voire systématiquement, sur les modifications apportées par le Sénat. Un tel détricotage ne sert pas le travail parlementaire et notre mission de co-construction législative.

J'ai entendu Mme de Montchalin, dernière oratrice de cet après-midi, regretter la manière dont le Sénat avait apprécié le projet de loi de finances rectificative tel qu'il était arrivé devant lui. Mais le travail de nos chambres est important, il doit servir ; nous devons prendre en considération la diversité de nos expressions, même si nos points de vue peuvent diverger.

Au premier rang des items à relever une nouvelle fois, j'évoquerai le prélèvement à la source, élément important de ce PLFR. Faut-il que se réalise la catastrophe attendue pour que le Gouvernement rectifie le tir ? Nous ne pouvons consentir à multiplier les réformes pansements qui ne font que masquer la plaie. Le système d'imposition français n'est pas capable, selon nous, d'absorber aujourd'hui une telle réforme, car il n'est pas compatible avec le modèle que vous proposez. C'est là que réside la difficulté.

La réforme du prélèvement de l'impôt, si elle n'est pas malvenue en soi, ne peut être appliquée telle qu'elle est envisagée. D'une ambition de simplification du recouvrement de l'impôt, nous en arriverons, hélas – c'est un regret – , à une complication du quotidien, en particulier des entreprises. Il est imprudent et impensable de laisser l'État se défaire de ses missions régaliennes au détriment des entreprises, qui deviendront les collecteurs de l'impôt. L'administration fiscale et les services de Bercy le reconnaissent eux-mêmes : le coeur du problème n'est pas réglé.

Éric Woerth, comme tous les membres de mon groupe, vous a déjà fait part à plusieurs reprises de cette problématique. L'audit de l'inspection générale des finances sur les conditions de mise en oeuvre du prélèvement à la source confirme les conclusions de l'étude commandée par la délégation sénatoriale pour les entreprises.

La mise en oeuvre de la réforme, telle qu'elle est proposée, représentera un poids supplémentaire important pour les entreprises, principalement pour les très petites entreprises et les petites et moyennes entreprises, ces TPE et PME, dont la fonction paie n'est pas toujours externalisée et industrialisée, ou, en tout cas, pas autant que dans les grandes entreprises. Or nous devons avoir une attention particulière pour les TPE et les PME, qui organisent un véritable maillage des territoires. Ce poids sera double. D'une part, le temps investi dans la communication et l'appréhension de ce nouveau rôle confié aux employeurs vis-à-vis des salariés sera détourné du coeur de l'activité de l'entreprise. D'autre part, la majorité des entreprises redoutent une dégradation des relations sociales, voire une augmentation des tensions sociales en leur sein – et que dire des problèmes de confidentialité, que nous avons déjà relevés au cours de l'examen en première lecture de ce texte ?

L'inspection générale des finances, dans l'audit déjà évoqué, considère que l'administration fiscale est une alternative à la collecte du prélèvement à la source. Mais aucune opportunité de ce genre n'est envisagée et aucune n'a de chance d'apparaître, alors que l'administration fiscale dispose, nous le savons, de tous les moyens nécessaires pour réaliser la collecte de la retenue simultanément au versement des revenus. Car, si nous sommes favorables à un impôt contemporain, nous ne le sommes pas au prélèvement à la source tel que vous le prévoyez. Ayant connaissance du taux de prélèvement du contribuable ainsi que des informations salariales et familiales, transmises via les déclarations sociales nominatives, l'administration fiscale est en mesure de calculer l'impôt du contribuable, chaque mois, sur la base du revenu du mois précédent.

Alors, nous nous interrogeons, et je m'interroge : pourquoi faire compliqué quand on peut faire simple ? pourquoi opter pour une imposition inadaptée et très peu adaptable, quand une imposition contemporaine offre toutes les garanties recherchées ? pourquoi une telle obstination, mes chers collègues, dans votre posture de rejet des mesures de simplification que nous vous avons proposées à maintes reprises ?

Cette réforme du prélèvement à la source ne fait que creuser le puits des difficultés salariales, mais aussi financières, puisque des sommes très importantes devront être engagées en vue de la mise en place du prélèvement à la source : pas moins de 103 à 137 millions d'euros pour l'ensemble des TPE et pas moins de 101 à 152 millions d'euros pour les PME. L'inspection générale des finances le reconnaît puisqu'elle admet qu'il en coûtera trois fois plus par salarié à une TPE qu'à un grand groupe. Ce sont donc principalement les TPE et les PME qui seront affectées par le dispositif.

Or vous n'avez même pas eu la décence de prévoir une compensation de ce coût exorbitant. Les entreprises assumeront cette tâche sans bénéficier d'une prise en charge particulière, alors que les TPE-PME ne peuvent se permettre d'engager de telles sommes, en raison de leur fragilité, que chacun connaît.

Peut-être ne portez-vous pas dans votre coeur les TPE et les PME.

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