Intervention de Samuel-Frédéric Servière

Réunion du mercredi 13 décembre 2017 à 16h30
Commission spéciale chargée d'examiner le projet de loi pour un État au service d'une société de confiance

Samuel-Frédéric Servière, Fondation pour la recherche sur les administrations et les politiques publiques (IFRAP) :

Le point fort du texte, c'est à mon sens l'instauration d'un droit à l'erreur et d'un droit au contrôle. Le point faible, c'est l'évaluation, absente du projet de loi. Sur ce sujet, certaines dispositions relèvent d'une autre future loi, et d'autres des groupes de travail qui viennent de présenter leurs conclusions au Bureau de l'Assemblée nationale. Nous n'avons donc pas encore de vision globale de la situation, ni des mesures qui seront prises.

Quant au point essentiel qui ne serait pas évoqué, je pense plutôt à une extension claire au-delà de l'administration de l'État. Certaines mesures, là encore, relèvent d'autres instances, comme le Comité action publique 2022 (CAP 22). Les questions relatives aux collectivités territoriales devront être traitées par la Conférence des territoires. Nous n'avons pas de vision globale de l'action du Gouvernement, mais lorsque l'on évoque un interlocuteur unique, il paraît difficile de dissocier les collectivités locales de l'État. Le citoyen lambda préférerait trois ou quatre interlocuteurs à une myriade de guichets…

Certaines dispositions ne figurent pas dans le texte, comme l'armoire numérique. Le principe « Dites-le-nous une fois » n'est pas bien appliqué. Il y a trois ans, habitant à Saint-Cloud, j'ai dû envoyer sept exemplaires d'un acte de naissance à différents organismes… À l'autre bout de la vie, avec les actes de décès, il en va de même. Au Royaume-Uni, la naissance et le décès ont à l'inverse été prioritaires pour l'application du principe « Dites-le-nous une fois ».

S'agissant de l'intelligibilité de la loi, il y a là encore plusieurs instances qui réfléchissent de façon parallèle, en particulier l'un des groupes de travail sur la réforme de l'Assemblée nationale. Je voudrais néanmoins souligner un point : si les études d'impact sont maintenant publiées avec le projet de loi, elles ne sont pas mises à jour au fur et à mesure du processus législatif : quand un texte est adopté, l'étude d'impact est souvent obsolète. Quelles sont les conséquences du travail parlementaire sur la charge de travail de l'administration ? Nous ne le savons pas.

Comment passer de la méfiance à la confiance ? Les dispositifs de transaction, inscrits dans la loi, nous semblent très importants. Il faut aussi multiplier les éléments de collégialité. En matière de transaction, il est intéressant d'avoir un comité. Je suis en désaccord avec le Conseil d'État quant à la possibilité de saisir le juge en cas d'avis défavorable. Pour ma part, je pense que cela serait utile, quitte à envisager une procédure administrative d'urgence du genre référé particulier.

L'administration sera-t-elle suffisamment diligente si elle est soumise à des injonctions contradictoires ? Il me semble que la part variable de la rémunération des fonctionnaires concernés devrait être calculée en fonction de leur faculté à donner droit aux requêtes en question : droit à l'erreur, certificat de législation, capacité de transiger. Le Régime indemnitaire tenant compte des fonctions, des sujétions, de l'expertise et de l'engagement professionnel (RIFSEEP), notamment le complément indemnitaire annuel (CIA) devraient être profilés par circulaire pour que les personnels soient évalués en tenant compte de ce critère. C'est la seule manière de parvenir à engager le mouvement de manière intelligente : les agents doivent avoir un intérêt – en termes de rémunération et d'objectifs professionnels – à réaliser ce qu'on leur demande. Vous me rétorquerez que les régimes indemnitaires ne relèvent pas du domaine de la loi. Un appel à circulaire ne serait pas mal venu.

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